La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18161

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 octobre 2004, 18161


Tribunal administratif N° 18161 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 juin 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formés par la société anonyme … s.a., contre une décision du ministre des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18161 du rôle et déposée le 3 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain REZETTE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … s.a.,

établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du minis...

Tribunal administratif N° 18161 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 juin 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formés par la société anonyme … s.a., contre une décision du ministre des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18161 du rôle et déposée le 3 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain REZETTE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … s.a., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement du 4 mars 2004 portant refus de l’autorisation d’établissement en vue de l’exercice des activités artisanales de menuisier et d’entrepreneur de constructions métalliques ainsi que pour le commerce d’articles de la branche;

Vu le mémoire en réponse déposé par le délégué du Gouvernement en date du 23 juillet 2004;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 25 octobre 2004, Maître Alain REZETTE n’ayant été ni présent ni représenté et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK s’étant rapportée aux mémoires et pièces déposés par la partie publique.

En date du 7 octobre 2003, Monsieur … sollicita en tant qu’exploitant-gérant de la société anonyme … s.a., ci-après « la société … », l’autorisation en vue de l’exercice des activités artisanales de menuisier et d’entrepreneur de constructions métalliques ainsi que pour le commerce d’articles pour le bâtiment, auprès du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après désigné par « le ministre ».

En date du 18 décembre 2003, le ministre adressa à la société … un courrier l’informant que Monsieur … remplissait la condition de qualification particulière pour les activités de menuisier et d’entrepreneur de constructions métalliques et pour le commerce d’articles de la branche, mais que Monsieur… était tenu de démissionner des fonctions qu’il exerçait dans une société dénommée …, la loi du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, telle que modifiée notamment par la loi du 4 novembre 1997, ci-après désignée par « la loi d’établissement », ne permettant pas que la qualification professionnelle d’une société repose sur la qualification professionnelle d’une personne dirigeant en même temps une autre société exerçant dans la même branche, de sorte que Monsieur… démissionna du poste de gérant technique de ladite … avec effet au 23 janvier 2004.

La commission instituée par la loi d’établissement rendit en date du 22 janvier 2004 un avis favorable en ce qui concerne la qualification professionnelle de Monsieur… en tant que gérant de la société …, mais, en ce qui concerne son honorabilité professionnelle, elle estima nécessaire de prendre l’avis du ministre de la Justice quant à l’implication éventuelle de Monsieur… dans la faillite d’une société à responsabilité limitée X s.àr.l., de sorte que le ministre s’adressa au ministre de la Justice afin d’obtenir un avis relatif à la responsabilité de l’intéressé dans cette faillite.

Le résultat de cette enquête amena le ministre en date du 4 mars 2004 à adresser à la société … une décision de refus libellée en les termes suivants :

« Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entre-temps l’objet de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Le résultat m’amène à vous informer que selon l’avis de la commission y prévue Monsieur … ne présente plus la garantie nécessaire d’honorabilité professionnelle en raison de son implication dans la faillite de la société X SARL, caractérisée notamment par des dettes sociales et fiscales délibérées, par l’absence de comptabilité en bonne et due forme, par l’absence de véritable coopération avec le curateur de la faillite ainsi que l’établissement d’une déclaration de non-faillite mensongère versée au dossier.

Comme je me rallie à la prise de position de cet organe de consultation, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête dans l’état actuel du dossier en me basant sur l'article 2 et 3 de la loi susmentionnée.

La présente décision peut faire l'objet d'un recours par voie d'avocat à la Cour endéans trois mois auprès du Tribunal Administratif.(…) » La société … a fait introduire à l’encontre de cette décision de refus un recours en annulation par requête déposée le 3 juin 2004.

L’article 2, alinéa 6 de la loi d’établissement instaure expressément en matière d’octroi, de refus ou de révocation d’autorisation d’établissement un recours en annulation devant les juridictions administratives, de sorte que le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes prévues par la loi, est recevable.

La demanderesse fait valoir à l’appui de son recours que la décision ministérielle se fonderait sur des considérations erronées en fait. A ce titre, elle conteste notamment le fait que la faillite de la société X s.àr.l. se soit caractérisée par des dettes sociales et fiscales délibérées, en arguant du fait que l’URSSAF aurait renoncé à ses prétentions ; elle rejette également l’accusation portée à l’encontre de Monsieur… comme quoi celui-ci aurait fait une déclaration mensongère.

Elle estime encore que l’avis du curateur de la société X s.àr.l. aurait dû lui être communiqué, afin de lui permettre de prendre position, et soutient que l’instruction administrative n’aurait pas été régulièrement diligentée.

Enfin, elle fait plaider que la décision ministérielle déférée serait illégale en ce qu’elle se bornerait à se rallier à un avis sans que le ministre n’ait exercé lui-même le pouvoir lui attribué par la loi.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de l’honorabilité de Monsieur…, de sorte que la demanderesse serait à débouter de son recours.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme la demanderesse a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, le jugement est contradictoire entre parties.

Le tribunal, saisi d’un recours en annulation, vérifie si les motifs sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés (voir Pas. adm. 2003, v° Recours en annulation, n° 8, p.513, et les décisions y citées). Dans ce cadre, il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de la légalité intrinsèque.

Il convient de relever à ce sujet qu’une décision administrative est motivée à suffisance de droit si l’auteur de la décision déclare se rallier à l’avis d’une commission consultative et que cet avis est annexé en copie à la décision (trib. adm. 3 mars 1997, n° 9693, Pas. 2003, v° procédure non contentieuse, n° 52, p.479) Si en l’espèce le ministre, tout en se ralliant à l’avis de la commission instituée par la loi d’établissement, n’a pas annexé ledit avis à sa décision, il en a en revanche explicitement repris les termes, de sorte que la décision ministérielle indique de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels le ministre s’est basé pour justifier sa décision de refus.

En ce qui concerne le reproche adressé par la demanderesse à la procédure d’instruction, en ce que celle-ci aurait dû être contradictoire, les exigences de l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, qui entend soumettre à une procédure contradictoire certaines catégories de décisions qui sont de nature à affecter les intérêts de la personne concernée, ne s'appliquent pas au cas où la décision administrative litigieuse intervient dans le cadre d'un processus décisionnel qui intervient à l'initiative de l'administré lui-même (Cour adm., 24 octobre 2000, n° 11948C, Pas. 2003, v° procédure non contentieuse, n° 57, p.481).

La décision ministérielle déférée étant intervenue sur initiative de la demanderesse, sinon sur celle de l’exploitant-gérant de la demanderesse, l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, dont la violation est soulevée par la demanderesse, ne saurait trouver application en l’espèce.

Il s’ensuit que les moyens d’annulation relatifs à la légalité extrinsèque de la décision ministérielle déférée sont à rejeter.

En ce qui concerne la légalité intrinsèque de la décision attaquée, le tribunal relève qu’en vertu des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 3 de la loi d’établissement « l’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelles ». Au vœu de l’alinéa final du même article 3 « l’honorabilité s’apprécie sur base des antécédents judiciaires du postulant et de tous les éléments fournis par l’enquête administrative ». Ainsi, toutes les circonstances révélées par l’enquête administrative et pouvant avoir une incidence sur la manière de l’exercice de la profession faisant l’objet de la demande d’autorisation, peuvent être prises en compte par le ministre pour apprécier l’honorabilité dans le chef du demandeur de l’autorisation.

Si le seul fait d’avoir été impliqué dans une faillite n’entraîne pas nécessairement et péremptoirement le défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef de la personne concernée, toujours est-il que des faits permettant de conclure dans le chef du gérant d’une société à l’existence d’actes personnels portant atteinte à l’honorabilité professionnelle, peuvent constituer des indices suffisants pour refuser l’autorisation sollicitée (trib. adm. 5 mars 1997, Pas. adm. 2003, v° autorisations d’établissement, n° 94, p.77 et autres références y citées).

A ce sujet le tribunal relève que Monsieur… a fait l’objet d’un jugement du tribunal de commerce de Briey (France) du 4 mars 1999 prononçant sa faillite personnelle.

Or il résulte des pièces versées en cause par la partie publique et non contestées par la demanderesse que Monsieur… a, par attestation reçue par le notaire … de résidence à … en date du 2 octobre 2003, déclaré n’avoir, jusqu’à ce jour, fait l’objet d’aucun jugement le déclarant en état de faillite personnel, ce qui, compte tenu de l’existence matérielle et incontestable du prédit jugement de faillite en date du 4 mars 1999, doit être considéré comme une « déclaration de non-faillite mensongère », du moins au vu de l’ensemble des pièces actuellement versées au dossier.

Cette déclaration sous serment, visant à obtenir le bénéfice d’une autorisation sur base de faux éléments, témoigne à suffisance de la mauvaise foi, de la volonté peu scrupuleuse de son auteur et du défaut d’honorabilité professionnelle de celui-ci, sans que cette conclusion ne soit énervée par l’argumentation de la demanderesse selon laquelle le prédit jugement du tribunal de commerce de Briey ne serait pas exécutoire par provision, une telle distinction étant en l’espèce totalement artificielle et non pertinente au vu du libellé dépourvu de toute ambiguïté du serment presté.

Il résulte par ailleurs des pièces versées aux débats, là encore non utilement combattues par la demanderesse, que la faillite de la société X s.àr.l., dans laquelle Monsieur… occupait la fonction de gérant, a eu pour origine des dettes considérables envers le Centre commun de la Sécurité sociale, l’Administration des Contributions directes ainsi que l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines, de sorte que le motif énoncé dans la décision ministérielle relatif à « des dettes sociales et fiscales délibérées » apparaît également comme vérifié au regard des pièces actuellement versées au dossier.

Enfin, contrairement à ce qu’avance la demanderesse dans son recours introductif d’instance, l’organisme français de sécurité sociale – l’URSSAF – n’a pas renoncé à ses prétentions à l’encontre de la société X s.àr.l., mais s’est uniquement désistée de sa demande devant les juridictions françaises, compte tenu de la faillite précédemment prononcée au Luxembourg, dans le cadre de laquelle elle a déclaré sa créance.

Il s’ensuit que la déclaration mensongère vérifiée constitue, ensemble les autres éléments relevés ci-dessus, un ensemble de faits ayant pu justifier le refus ministériel déféré de l’autorisation sollicitée, de sorte que le recours en annulation sous examen laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

laisse les frais à charge de la demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 octobre 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28.10.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18161
Date de la décision : 27/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-27;18161 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award