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27/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18072

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 octobre 2004, 18072


Tribunal administratif N° 18072 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mai 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formé par les époux … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18072 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), et de son épouse, Madame … , née le … (Kosovo), to

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monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L- …, ten...

Tribunal administratif N° 18072 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 mai 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formé par les époux … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18072 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mai 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), et de son épouse, Madame … , née le … (Kosovo), tous les deux de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L- …, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 29 janvier 2004 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 23 avril 2004 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Joram MOYAL et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 octobre 2004.

Le 11 novembre 2003, Monsieur … et son épouse, Madame … introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Le 23 décembre 2003, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur ses motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Le 30 décembre 2003, Madame … fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur ses motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 29 janvier 2004, envoyée par lettre recommandée le 2 février 2004, le ministre de la Justice informa les époux … de ce que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées aux motifs qu’ils n'invoqueraient aucune crainte justifiée de persécution en raison de leurs opinions politiques, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social. Il a relevé en outre plusieurs incohérences et contradictions flagrantes entre leurs déclarations respective entachant sérieusement la crédibilité de leurs récits. Il souligne plus particulièrement les déclarations relatives à la date de départ du Kosovo, à l’agression de 2000 et quant au fait d’avoir porté plainte divergent.

Le 2 mars 2004, les époux … firent déposer un recours gracieux contre cette décision.

Ils relèvent que les éventuelles contradictions soulevées par le ministre se limiteraient au récit concernant le trajet et que par ailleurs ces contradictions pourraient résulter d’une erreur de traduction. En ce qui concerne l’agression, ayant eu lieu en 2000, l’avocat des demandeurs précise que ces mandants amèneront quelques pièces certifiant qu’effectivement en l’an 2000 ils ont été agressés.

Par décision du 23 avril 2004, le ministre de la Justice confirma sa décision.

Le 18 mai 2004, les époux … ont fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation sinon en annulation contre la décision ministérielle de refus du 29 janvier 2004 et celle confirmative du 23 avril 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation est dès lors irrecevable.

Quant au fond, les demandeurs, originaires du Kosovo, relatent qu’ils auraient subi des menaces de persécutions dans leur pays d’origine de la part d’inconnus et de personnes qui auraient voulu convaincre Monsieur …, membre du parti politique LDK, d’adhérer au partis politiques PDK et AAK. Ils ajoutent que les éventuelles contradictions soulevées par le ministre se limiteraient au récit concernant le trajet et que par ailleurs ces contradictions pourraient résulter d’une erreur de traduction. Enfin ils se réfèrent à la situation actuelle au Kosovo laquelle serait loin d’être stable.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Force est de constater à cet égard que les déclarations des demandeurs diffèrent quant à la date du départ du Kosovo, de l’agression de l’an 2000 et quant au fait d’avoir porté plainte ou non.

En effet, Monsieur … indique comme date de départ celle du 6 novembre 2003, tandis que Madame … indique celle du 31 octobre 2003. Quant à l’agression de 2000, Monsieur … relate qu’il « était juste blessé à l’épaule et j’étais battu sur la tête », tandis que sa femme relève « mon mari était en train de marcher tranquillement. Ils ont tiré deux fois sur mon mari. Une fois il était touché…dans le bras ». A la question « Est-ce que vous avez porté plainte », le mari répond « Oui, mais ils n’ont rien fait », tandis que son épouse répond « Je ne pouvais pas y aller ».

Or les demandeurs n’ont pas fourni le moindre élément tangible, voire une quelconque explication susceptible d’élucider leur situation au regard des interrogations pourtant clairement posées, sauf celle peu convaincante en ce qui concerne la divergence de la date soulevée pour le départ du Kosovo, malgré l’annonce faite dans le cadre du recours gracieux qu’ils apporteront des pièces relatives à l’agression de l’an 2000.

Il s’en suit que le tribunal, confronté à un dossier non autrement instruit sur ce point, ne peut que retenir que le récit des demandeurs n’est pas crédible.

A partir des éléments ci-avant relatés, en présence d’un récit non crédible, le tribunal est amené, en l’état actuel du dossier, à constater que la décision litigieuse est a fortiori justifiée dans son résultat en ce qu’elle n’a pas accordé aux demandeurs le statut de réfugié sur base de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur au frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 27 octobre 2004 :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28.10.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18072
Date de la décision : 27/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-27;18072 ?

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