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27/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18032

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 octobre 2004, 18032


Tribunal administratif N° 18032 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mai 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18032 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2004 par Maître Yvette NGONO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-â

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Tribunal administratif N° 18032 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mai 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18032 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2004 par Maître Yvette NGONO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-… , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 7 avril 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 février 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en ses plaidoiries à l’audience publique du 11 octobre 2004.

En date du 16 décembre 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Le 21 janvier 2004, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 7 avril 2004 notifiée en mains propres le 21 avril 2004, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande avait été refusée comme non fondée de sorte qu’il ne saurait bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève.

Le 7 mai 2004, Monsieur … a introduit un recours en réformation contre la décision ministérielle de refus du 7 avril 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Monsieur … expose qu’il aurait refusé d’intégrer la réserve de l’armée algérienne en 1995, étant donné qu’il n’aurait pas voulu s’associer à l’armée laquelle maltraiterait la population et s’accaparerait les biens d’autrui, d’autant plus que l’on reconnaîtrait moins de droits aux conscrits qu’aux militaires de carrière. Il ajoute qu’il craindrait en plus des représailles de la part de plusieurs groupements terroristes lesquels s’attaqueraient aux membres de l’armée ainsi qu’à sa famille.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il résulte du rapport d’audition du 21 janvier 2004 que Monsieur … n’a pas été membre d’un groupe ou parti politique et qu’il n’a pas rencontré de problèmes majeurs en Algérie. Le seul fait concret dont il fait état est son refus d’aller à la réserve en 1995 après avoir accompli son service militaire de 1992 à 1994. Par ailleurs, selon ses propres dires il a quitté son village natal en 1995 pour ne venir au Luxembourg qu’en date du 16 décembre 2003. Il relate en effet : « Quand ils (les gendarmes) sont venus en 1995, mon père leur a dit que j’avais quitté le pays pour éviter tous les problèmes. Donc après, ils ne sont plus revenus. Moi, je suis parti plus loin dans ma famille. A 300 km de mon village. Je suis allé chez deux de mes sœurs. Ensuite, je sui passé un peu au Maroc, un peu dans le désert du Sahara. Après, j’ai fini par venir ici ».

Force est de constater que dans les pays où le service militaire est obligatoire, le fait de se soustraire à cette obligation ou à celle d’intégrer la réserve est souvent une infraction punie par la loi. La crainte des poursuites et du châtiment pour désertion ou insoumission ne constitue pas pour autant une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève. Un déserteur ou un insoumis peut cependant être considéré comme un réfugié s’il peut démontrer qu’il se verrait infliger pour l’infraction commise une peine d’une sévérité disproportionnée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques1.

Or en l’espèce le demandeur n’a établi ni qu’il encourrait une peine ni encore que cette peine serait disproportionnée à cause d’un des motifs prévus par la Convention de Genève.

De surcroit, la simple allégation selon laquelle son refus d’intégrer la réserve serait motivée par le fait que l’armée aurait pris l’habitude de maltraiter la population et de s’accaparer les biens d’autrui, ne saurait établir que l’appel à la réserve serait contraire à ses convictions politiques, religieuses ou morales ou à des raisons de conscience valable, d’autant plus qu’un appel à la réserve n’équivaut pas automatiquement à une participation à une action militaire. A cela s’ajoute que le demandeur a accompli pendant deux ans son service militaire sans relever, à part l’incident relevé ci-avant, d’incident particulier sauf les corvées inhérentes à l’accomplissement du service : « le service militaire, c’était dur. Il fallait se lever à 4 heures du matin et sortir en short alors qu’il faisait froid. Puis il fallait monter la garde à 6 heures du soir », de sorte que son refus de rejoindre la réserve n’est guère compréhensible.

En ce qui concerne la crainte de représailles de la part de groupements terroristes à l’égard de ceux qui vont à l’armée, force est de constater que le demandeur ne soumet au tribunal aucun élément concret permettant de retenir dans son chef une éventuelle crainte à ce sujet.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier 1 Cf. Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Genève Janvier 1992, p.44.

la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28.10.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18032
Date de la décision : 27/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-27;18032 ?

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