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27/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18025

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 octobre 2004, 18025


Tribunal administratif N° 18025 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mai 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18025 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellemen

t à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 19 janvier ...

Tribunal administratif N° 18025 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mai 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18025 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 19 janvier 2004 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 5 avril 2004 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 juillet 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 octobre 2004.

Monsieur … introduisit en date du 6 octobre 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le 25 novembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 19 janvier 2004, lui envoyée par courrier recommandé en date du 26 janvier 2004, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’aucune de ses assertions ne saurait fonder une crainte de persécution entrant dans le cadre de l’article 1er, A, § 2 de la Convention de Genève.

Le 24 février 2004, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Le ministre de la Justice confirma sa décision antérieure par une décision prise en date du 5 avril 2004.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2004, Monsieur … a fait déposer un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus des 19 janvier et 5 avril 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose être originaire du Kosovo, de confession musulmane, ainsi qu’appartenir à la minorité des « Bochniaques ». Il expose qu’il aurait eu beaucoup de problèmes à cause de son origine bochniaque. Il ajoute que les Albanais lui reprocheraient le fait que ses frères auraient participé au coté des Serbes au dernier conflit armé. Enfin il estime que la situation au Kosovo autoriserait à penser que les autorités en place seraient dans l’incapacité de lui assurer une protection suffisante.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Force est de retenir que l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le demandeur relate des agressions non autrement détaillées de la part des Albanais en raison du fait que ses frères étaient à l’armée et une tentative d’enlèvement, non autrement précisée dans le temps, au moment où deux Albanais se sont rendus à son domicile pour rechercher les armes détenues par le père du demandeur. En ce qui concerne ces incidents il y a lieu de retenir qu’ils ne sauraient valoir comme motif de persécution au sens de la Convention de la Genève, d’un côté parce qu’ils ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant et de l’autre côté parce qu’il n’est pas établi qu’ils ont été commis à cause de la race, de la religion, de la nationalité, de l’appartenance à un certain groupe social ou à cause des opinions politiques de Monsieur …. En effet Monsieur … répond à la question : « Cette peur est-elle liée à vos opinions politiques, religieuses ou à votre groupe social ou national ? », « Ce n’est pas à cause de la religion. Ils (les Albanais) ont la même religion que nous. C’est parce que mes frères ont fait l’armée… ».

Dans son recours, l’avocat du demandeur fait valoir que même si Monsieur … n’avait pas clairement exposé les problèmes qui étaient les siens du fait de son appartenance à la minorité bochniaque, il conviendrait de retenir cet aspect du dossier comme acquis en cause.

Il y a lieu de relever à cet égard qu’il ne relève ni du devoir du ministre ni a fortiori de la compétence du tribunal d’extrapoler les craintes de persécution concrètement avancées par un demandeur d’asile et de tirer de leur propre initiative des conclusions à partir de faits insuffisants.

En l’espèce, force est de constater que le demandeur reste en défaut de soumettre au tribunal un quelconque élément concret lui permettant de retenir une éventuelle crainte de persécution résultant de son appartenance à la minorité bochniaque.

De tout ce qui précède, il résulte que les craintes dont le demandeur fait état s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18025
Date de la décision : 27/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-27;18025 ?

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