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27/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17956

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 octobre 2004, 17956


Tribunal administratif N° 17956 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17956 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias… , né le… , de nationalité russe, demeurant actuellement à â€

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Tribunal administratif N° 17956 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17956 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias… , né le… , de nationalité russe, demeurant actuellement à … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 5 janvier 2004 déclarant non fondée sa demande d’admission au statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 22 mars 2004 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 octobre 2004.

Le 4 mars 2003, Monsieur …, alias…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu en date du 7 août 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice l’informa par décision du 5 janvier 2004, notifiée par courrier recommandé expédié le 23 janvier 2004, de ce que sa demande avait été rejetée comme non fondée aux motifs que contrairement à ses affirmations, le service militaire alternatif existerait en Fédération de Russie et qu’il lui serait donc possible de bénéficier de cette loi, que concernant les gens qu’il craignerait, en l’occurrence les « boxeurs », ils ne sauraient être considérés comme des agents de persécutions au sens de la Convention de Genève et que pour surplus les faits par lui invoqués ne rentreraient pas dans le cadre de la Convention de Genève qui prévoit une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de rendre la vie intolérable à la personne concernée dans son pays d’origine.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 29 février 2004 ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 22 mars 2004, Monsieur …, alias …, a fait introduire un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles prévisées des 5 janvier et 22 mars 2004 par requête déposée le 23 avril 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours le demandeur expose avoir quitté sa région d’origine pour trouver refuge au Luxembourg en raison des difficultés auxquelles il aurait été confronté dans son pays d’origine et qui, au-delà du vol de son dossier militaire, tiendraient pour l’essentiel au fait qu’il n’aurait jamais pu réellement travailler et qu’il se serait retrouvé dans une situation de précarité matérielle extrême. Il fait valoir que son exclusion du marché de l’emploi serait essentiellement dû à ses origines tchétchènes, étant donné qu’il serait un fait que les Tchétchènes sont largement discriminés à cet égard. Estimant que cette forme de persécution rentrerait dans les prévisions de la Convention de Genève pour être liée à sa nationalité, voire son appartenance à un certain groupe social, le demandeur reproche à l’autorité administrative de s’être livrée à une appréciation erronée des faits de l’espèce.

Le délégué du Gouvernement relève d’abord que lors de son audition en date du 7 août 2003 le demandeur n’a pas mentionné une quelconque discrimination à l’emploi, mais a simplement affirmé avoir volé son dossier militaire pour éviter de devoir faire son service militaire au motif que tout ce qui toucherait à l’armée le dégoûterait. Il estime que c’est dès lors à bon droit que le ministre de la Justice a relevé que le service militaire alternatif existait en Fédération de Russie et que le motif de fuite allégué ne rentrerait dès lors pas dans les prévisions de la Convention de Genève. Quant à la discrimination à l’emploi invoquée en cours d’instance contentieuse, le représentant étatique fait valoir que rien n’étayerait la thèse suivant laquelle les Tchétchènes seraient discriminés dans son pays d’origine. Le ministre a souligné finalement que d’après des informations récentes à sa disposition il est apparu que le demandeur, contrairement à ses assertions, a séjourné en Belgique où il a été enregistré par la police de Koksijde sous le nom …. Il a signalé par ailleurs le fait que l’intéressé a été protocolé pour diverses infractions.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d’un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l’opportunité d’une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 11).

En l’espèce, il est constant que postérieurement à la prise des décisions litigieuses le ministre de la Justice s’est vu communiquer de la part des autorités belges, en l’occurrence du « Service public fédéral intérieur », office des étrangers, l’information que les empreintes digitales du dénommé … correspondent à celles d’un dénommé … recueillies en date du 27 septembre 2002 dans le cadre de l’identification du demandeur en Belgique.

Dans la mesure où Monsieur …, alias … a pourtant fermement déclaré lors de son audition en date du 7 août 2003 ne jamais avoir demandé l’asile dans un autre Etat, éventuellement sous une autre identité, sa demande d’asile rentre clairement dans les prévisions de l’article 6, 2), sub d) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1986 portant création d’une procédure relative à l’examen d’asile en ce que ladite disposition vise le cas du demandeur qui a « délibérément omis de signaler qu’il avait précédemment présenté une demande dans un ou plusieurs pays, notamment sous de fausses identités », voire sub b), « délibérément fait de fausses déclarations verbales ou écrites au sujet de sa demande, après avoir demandé l’asile », de sorte que sa demande d’asile peut en principe être considérée comme manifestement infondée.

Si ledit article 6 prévoit certes sous son point 3) que la demande d’asile ne sera pas automatiquement rejetée lorsque le demandeur peut donner une explication satisfaisante relative à la fraude ou au recours abusif aux procédures en matière d’asile lui reprochés, force est de constater en l’espèce que malgré la possibilité offerte au demandeur de prendre position par rapport à la pièce versée au dossier par le représentant étatique pour documenter ses fausses déclarations, celui-ci n’a su fournir aucune explication à ce sujet, de sorte que la conclusion tenant au caractère manifestement infondé de sa demande d’asile est à maintenir.

Compte tenu des considérations qui précèdent, il n’y a dès lors pas lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués par le ministre, ensemble les moyens afférents présentés en cours d’instance contentieuse, le constat du caractère manifestement infondé de la demande d’asile étant suffisant pour débouter le demandeur de son recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17956
Date de la décision : 27/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-27;17956 ?

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