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27/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17636

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 octobre 2004, 17636


Tribunal administratif N° 17636 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formé par Madame …, … contre une décision implicite de refus de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière de contestations concernant la qualité d’employé de l’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17636 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 février 2004 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, historienne archéologue, demeurant à L-… , ...

Tribunal administratif N° 17636 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2004 Audience publique du 27 octobre 2004 Recours formé par Madame …, … contre une décision implicite de refus de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière de contestations concernant la qualité d’employé de l’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17636 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 février 2004 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, historienne archéologue, demeurant à L-… , tendant à la réformation, sinon à l’annulation principalement de la décision implicite de refus découlant du fait que sa demande du 14 octobre 2003 en obtention d’un contrat d’employé de l’Etat à durée indéterminée a été rencontrée le 13 janvier 2004 par la soumission d’un contrat d’expert à durée déterminée, subsidiairement de la décision implicite de refus découlant du silence observé pendant plus de trois mois par l’Etat suite à sa prédite demande du 14 octobre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 avril 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 mai 2004 par Maître Roland ASSA au nom de Madame … ;

Vu les pièces versées au dossier ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jeanne FELTGEN, en remplacement de Maître Roland ASSA, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 juin 2004 ;

Vu l’avis de rupture du délibéré du 14 juillet 2004 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 septembre 2004 par Maître Roland ASSA au nom de Madame … ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 septembre 2004 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Nathalie PRUM-CARRE, en remplacement de Maître Roland ASSA et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 octobre 2004.

Considérant que par contrats d’expert successifs des 12 décembre 2000, 12 décembre 2001 et 22 décembre 2002, Madame … a été désignée pour effectuer des travaux scientifiques pour compte du Musée national d’histoire et d’art (M.N.H.A) pour la durée déterminée des années civiles respectives 2001, 2002 et 2003 suivant l’indemnité horaire y respectivement fixée, le maximum d’heures de prestation ne pouvant à chaque fois dépasser le nombre de 1768 ;

Que par courrier de son mandataire du 14 octobre 2003, adressé à la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche désignée ci-après par « la ministre », Madame … a sollicité, pour les raisons y plus amplement exposées, un engagement à durée indéterminée en la qualité d’employé de l’Etat ;

Que la ministre de prendre position suivant écrit du 28 octobre 2003 libellé comme suit :

« Monsieur l’avocat, J’ai bien reçu votre courrier au sujet des contrats dont objet.

Vos mandants vous ont peut-être informé du fait que je m’engage depuis des années afin d’obtenir, notamment par la voie budgétaire, des contrats de travail pour tous les experts en relation professionnelle permanente avec mon Ministère.

Malheureusement, le Gouvernement n’y a pas encore donné son feu vert à ce jour.

Forte de votre initiative et de vos arguments, je tenterai une nouvelle fois ma démarche, ceci dans le cadre de la finalisation du budget de l’Etat pour 2004.

Dès que les décisions seront prises en la matière, je vous en informerai.

Je vous prie de croire, Monsieur l’avocat, en l’expression de mes salutations distinguées. » ;

Qu’ayant été informée qu’à défaut de soumettre au ministère une offre de prestation pour l’année 2004, pareillement à celles fournies pour les années antérieures, aucun travail ne pourrait lui être conféré à partir du 1er janvier 2004, Madame … a fait parvenir au directeur du M.N.H.A une offre datée du 8 décembre 2003, tout en précisant que celle-ci était faite sans reconnaissance préjudiciable, ni renonciation aucune et dans le seul but d’obtenir la rétribution de ses prestations ;

Qu’un nouveau contrat d’expert pour l’année 2004, daté du 29 décembre 2003, a été signé par Madame … en date du 15 janvier 2004 avec la « réserve formelle formulée dans le courrier d’accompagnement adressé ce 15 janvier 2004 à Madame le Ministre Erna HENNICOT-SCHOEPGES » ;

Que ledit courrier du 15 janvier 2004 est libellé comme suit :

« Madame la Ministre, Je me permets de vous adresser la présente pour porter à votre connaissance ce qui suit :

En date du 13 janvier 2004, je me suis vu soumettre par Monsieur Guy MASSARD, administrateur du Musée National d’Histoire et d’Art, le « contrat d’expert » ci-joint avec la précision que, conformément à l’indication que lui-même avait reçue de la part de Monsieur …, contrôleur financier auprès de votre ministère, ce contrat était à restituer dûment signé par mes soins pour le jeudi 15 janvier 2004 au plus tard, faute de quoi le paiement de mes traitements était bloqué.

Alors qu’il ne m’est pas possible de me passer de la rémunération de mon travail et pour cette seule raison, j’ai signé aujourd’hui-même ledit contrat.

Estimant, au regard des motifs qui vous ont été exposés par Monsieur Roland ASSA dans son courrier recommandé du 14 octobre 2003, qu’un contrat de travail à durée indéterminée me lie d’ores et déjà à l’Etat, m’apprêtant par ailleurs à faire confirmer cette analyse par les tribunaux compétents.

je souligne que la signature susmentionnée n’implique ni reconnaissance préjudiciable, ni renonciation aucune, que ce soit par rapport à un droit, un moyen ou une action dont je disposerais dans le contexte litigieux.

En vous souhaitant bonne réception, je vous adresse, Madame le Ministre, mes salutations très distinguées. » ;

Considérant que par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 février 2004, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision de refus implicite découlant du fait de la transmission d’un contrat d’expert à sa demande du 14 octobre 2003 précitée, dans le sens de l’octroi de la qualité d’employé de l’Etat engagé à durée indéterminée auprès de l’Etat, sinon subsidiairement de la décision implicite de refus découlant de l’absence de décision valant silence face à cette demande du 14 octobre 2003 avec demande de réformation dans le même sens ;

Quant à la compétence du tribunal saisi Considérant que la partie demanderesse conclut à la compétence du tribunal pour connaître du recours actuellement déféré en vertu des dispositions de l’article 11 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, étant donné qu’il résulterait de l’ensemble des éléments fournis au dossier qu’elle se trouverait liée à l’Etat par une relation de travail à durée indéterminée, situation qui serait à régulariser par la conclusion d’un contrat d’employé de l’Etat, étant constant que la partie publique continuerait à nier la réalité factuelle et juridique existant en l’espèce ;

Que pour le cas où il conviendrait de retenir, à partir des éléments de l’espèce, l’existence de contestations résultant du contrat d’emploi, la partie demanderesse déclare agir en réformation des décisions déférées sur base dudit article 11 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 ;

Considérant que le délégué du Gouvernement « se rapporte à prudence de justice, tout en soulignant que les intéressés, par la signature des contrats d’experts successifs, ont clairement exprimé leur volonté de se voir liés à l’Etat non par un contrat d’employé de l’Etat à durée indéterminée, mais par un contrat d’expert à durée déterminée. A remarquer par ailleurs qu’il n’y a aucun lien de subordination entre les requérants et l’Etat » ;

Considérant que le fait pour la partie publique de se rapporter à prudence de justice équivalant à une contestation et le tribunal étant amené à vérifier d’office sa compétence d’attribution, et, sur rupture du délibéré, a réouvert les débats afin de permettre aux parties de prendre plus amplement position sur la potentialité à partir des moyens invoqués de voir la partie demanderesse requalifiée en employé de l’Etat, les moyens à la base de son recours supposés justifiés ;

Que la partie demanderesse d’insister dans son mémoire complémentaire qu’elle remplit en l’espèce toutes les conditions pour accéder à un emploi public, dont plus particulièrement celles de la connaissance adéquate des trois langues administratives du pays, de sorte que si le tribunal devait retenir ses moyens comme étant justifiés, la qualité recherchée d’employé de l’Etat devrait lui être accordée, entraînant qu’à la base, la compétence d’attribution du tribunal pour connaître du litige serait également vérifiée ;

Que le délégué du Gouvernement, dans son mémoire supplémentaire, d’énoncer que les faits tels qu’invoqués dans l’attestation testimoniale du chef de service versée en cause ne sont pas contestés, pour se rapporter à prudence de justice quant au surplus et notamment relativement à la connaissance par la partie demanderesse des trois langues administratives du pays ;

Considérant que la loi modifiée du 27 janvier 1972 précitée, dispose en son article 11.1 que « les contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond. Le délai de recours est de trois mois à partir de la notification de la décision » ;

Que suivant les dispositions de l’article 4 de la même loi « la qualité d’employé de l’Etat est reconnue à toute personne qui remplit les conditions prévues par la présente loi et qui est engagée par l’Etat sous contrat d’employé pour une tâche complète ou partielle et à durée déterminée ou indéterminée dans les administrations et services de l’Etat » ;

Que les conditions d’accès à la qualité d’employé de l’Etat prévisées, sont celles contenues à l’article 3 de la même loi ;

Que suivant l’article 4 de la même loi l’engagement est effectué sur l’avis du ministre de la Fonction publique par le ministre qui a dans ses attributions l’administration ou le service dont relèvera l’employé dans les formes et suivant les modalités prévues par les dispositions portant règlement légal du louage de services des employés privés, sous réserve de la fixation de l’indemnité ;

Considérant que les formalités prévues par l’article 4 en question sont à analyser comme constituant des règles de prise de décisions internes à l’Etat et que dès lors le défaut de leur accomplissement régulier ne saurait porter préjudice au partenaire contractuel, ni être invoqué ou retenu à son encontre (Cour adm. 15 mai 2001, n° 12657C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Fonction publique, n° 235, page 307) ;

Que la nature des relations existant entre l’Etat et son partenaire contractuel se réclamant de la qualité d’employé de l’Etat est à examiner au regard du droit du travail auquel renvoie l’article 4 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 précitée (ibidem) ;

Considérant que la compétence d’attribution du tribunal est conditionnée en la matière par les contestations découlant du contrat d’emploi, telles que celles-ci se trouvent circonscrites par l’objet du recours ;

Considérant que l’objet du recours s’analyse en le résultat que la partie demanderesse entend obtenir ;

Qu’en l’espèce l’action de la partie demanderesse tend à l’octroi de la qualité d’employé de l’Etat engagé pour le surplus à durée indéterminée ;

Considérant que s’agissant dès lors en l’espèce de contestations sur l’existence d’un contrat d’emploi de nature à fonder la qualité d’employé de l’Etat de celui qui s’en prévaut, dans l’hypothèse à vérifier où les moyens à la base du recours se trouvent fondés, les contestations soumises au tribunal à travers le recours déféré rentrent dans le cadre de celles prévues par l’article 11.1 de la loi modifiée du 27 janvier 1972, de sorte que le tribunal administratif est compétent ratione materiae pour en connaître ;

Considérant que la présentation pour compte de l’Etat d’un itératif contrat d’expert en date du 13 janvier 2004 correspond à la non-acceptation de la reconnaissance de la qualité d’employé de l’Etat dans le chef de la partie demanderesse de sorte que le recours déposé le 20 février 2004 répond encore au délai légal de trois mois ;

Que le recours en réformation ayant pour le surplus été introduit suivant les formes prévue par la loi, il est recevable ;

Que par voie de conséquence le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire, est à déclarer irrecevable ;

Quant au fond Considérant qu’au fond la demande de la partie requérante tend à voir requalifier sa relation de travail avec l’Etat, documentée par les contrats successifs d’expert ainsi désignés conclus à chaque fois avec une durée déterminée, en celle d’un employé de l’Etat à durée indéterminée ;

Considérant que même si dans le cadre du recours de pleine juridiction lui soumis le tribunal est amené à analyser la situation globale des relations de travail existant entre la partie demanderesse et l’Etat, il n’en reste pas moins que la requalification sollicitée par elle appelle une analyse par étapes ;

Qu’ainsi, il convient en premier lieu de scruter la prétention de la partie demanderesse tendant à voir requalifier sa relation de travail d’indépendant telle que se dégageant du libellé des contrats d’expert successivement conclus entre parties, en relation de salarié comportant un lien de subordination par rapport à l’employeur étatique, étant constant que d’après la nature des travaux à effectuer par la partie demanderesse ceux-ci seraient susceptibles de rentrer dans la catégorie des tâches d’un employé à l’exclusion de celles d’un ouvrier ;

Que ce ne serait qu’au cas où un lien de subordination serait retenu par rapport à l’employeur étatique que se poseraient concrètement les autres questions soulevées par la partie demanderesse en ce que, d’une part celle-ci entend voir obtenir la reconnaissance d’un engagement à durée indéterminée en vertu des dispositions de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, en lieu et place des contrats à durée déterminée conclus entre parties, et que, d’un autre côté, toujours dans la même hypothèse de reconnaissance d’une qualité d’employé salarié, celle-ci serait à requalifier en celle d’un employé de l’Etat ;

Considérant qu’il convient de rappeler que le représentant étatique s’est rapporté à prudence de justice tout en énonçant qu’il n’y aurait aucun lien de subordination entre la partie demanderesse et l’Etat et que l’intéressé, par la signature des contrats d’experts successifs, aurait clairement exprimé sa volonté de se voir lié à l’Etat non par un contrat d’employé de l’Etat à durée indéterminée, mais par des contrats d’expert à durée déterminée ;

Considérant que l’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination ou de la qualification qu’elles ont données à leurs conventions, mais des conditions de fait dans lesquelles s’exerce l’activité de la personne concernée ;

Qu’ainsi, la preuve du contrat de travail peut résulter d’un ensemble d’éléments qui constituent des présomptions précises et concordantes faisant conclure à l’existence d’un lien de subordination, ces circonstances de fait relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond (cf. Cour d’appel 4 janvier 2001, n° 24644 du rôle, Orsi/Odwrot, cité in Feyereisen, droit du travail, page 11) ;

Considérant qu’il résulte de l’attestation testimoniale établie par Monsieur …, conservateur au M.N.H.A que l’attestant déclare que « de ce qui suit découle qu’il y a un lien de subordination entre Madame … et moi : La loi du 28 décembre 1988 portant réorganisation des instituts culturels stipule que la gestion du patrimoine archéologique incombe au Musée national de l’histoire et d’art. Elle définit également le M.N.H.A comme centre de recherche ayant l’obligation de publier les résultats scientifiques des fouilles auxquelles il doit procéder.

La croissance accélérée des travaux d’aménagement du territoire au cours de la dernière décennie ayant multiplié les fouilles de sauvetage et partant, les tâches d’inventorisation, de conservation, de présentation et de publication, les conservateurs du M.N.H.A. n’étaient plus en mesure d’y faire face sans l’aide d’assistants.

La loi prévoyant des assistants, mais les rigueurs du numerus clausus n’ayant jamais permis d’en engager, j’ai eu recours dès 1991 avec l’accord du directeur du M.N.H.A., à une collaboratrice extérieure, Madame … en usant de tous les types de contrats à ma disposition (D.A.T., bourse, allocation) pour l’employer.

Une fois ces moyens épuisés, à partir du 1er janvier 2001, il n’y avait plus d’autre choix que de proposer à Madame … de signer un contrat dit « contrat d’expert » avec le ministère de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la recherche, solution ultime pour assurer le bon fonctionnement de mon service.

Mais il est évident que ma collaboratrice, qui m’est subordonnée, n’est en aucun cas un travailleur indépendant.

L’offre de service qu’elle soumet au ministre de la Culture est rédigée après concertation avec moi et ne mentionne qu’une partie du travail que je lui confie, le nombre d’heures à prester et le montant de la prestation horaire lui sont dictés par le ministère.

Elle travaille exclusivement au et pour le service d’archéologie protohistorique et j’attends d’elle une entière disponibilité et un travail à plein temps qu’elle doit exercer dans les locaux du M.N.H.A. (salles d’exposition, bureaux, dépôts, base de fouille) ou sur les chantiers de fouille. Ses horaires sont calculés sur les miens (ce sont en principe les horaires de travail officiels du musée, 8.00-12.00 heures ; 13.00-17.00 heures, mais ils peuvent varier en fonction du travail à effectuer dans la journée) et elle m’avertit préalablement de ses absences pour congé ou autre.

Elle ne prend aucune décision ou initiative, qu’elle soit administrative ou scientifique, sans m’en référer.

En tant que conservateur je décide, en accord avec le directeur du M.N.H.A., de l’organisation du travail dans ma section, en fonction d’impératifs à long, moyen et court terme (recherches et publications, expositions, colloques, conférences, communes, fouilles d’urgence et de sauvetage), et j’en fais dépendre les instructions que je donne à Madame … quant à la nature du travail qu’elle doit effectuer. Son travail ne se limite pas à une tâche précise et non durable, mais consiste véritablement à m’assister dans la totalité de mes tâches quotidiennes, y compris administratives. Elle doit répondre à des demandes (téléphoniques ou écrites) d’informations ou de prêts émanant d’institutions ou de particuliers, rédiger des articles grand public pour diverses publications, participer à la rédaction d’articles scientifiques ou de monographies nécessitant un long travail de recherche et de dépouillement de données, prendre en charge une partie de la gestion des chantiers de fouille (l’inventaire et une partie de la documentation le plus souvent), participer au suivi en matière de restauration, de documentation et d’archéologie des collections en collaboration avec les autres services du M.N.H.A. etc.

Ma collaboratrice est pour moi une adjointe que je forme, afin qu’elle puisse aussi me suppléer si besoin était, sous la tutelle du directeur du M.N.H.A.. C’est pour cette raison que je l’implique dans le fonctionnement quotidien de mon service depuis des années et qu’elle ne peut donc être qualifiée de « spécialiste réalisant une tâche particulière sur base d’une convention contractuelle », tel que défini dans l’article 23 de la loi du 28 décembre 1988 » ;

Considérant qu’à travers son mémoire supplémentaire, le délégué du Gouvernement d’énoncer que le contenu de l’attestation prérelatée n’est point contesté par la partie publique étatique ;

Considérant que les précisions circonstanciées et concordantes de l’attestant prérelatées tenant plus particulièrement au lien de subordination existant pour la partie demanderesse par rapport à l’attestant, conservateur au M.N.H.A. et plus loin au directeur du M.N.H.A., ainsi qu’à la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche sont encore corroborées par le courrier du 28 octobre 2003, en réponse notamment à la demande précitée de Madame … du 24 octobre 2003, émanant de ladite ministre, suivant lequel cette dernière s’engage « depuis des années afin d’obtenir, notamment par la voie budgétaire, des contrats de travail pour tous les experts en relations professionnelles permanentes avec mon ministère » ;

Considérant qu’il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que les relations de travail entre Madame … et l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg sont à requalifier en contrat de travail soumis à sa base aux dispositions de la loi modifiée du 24 mai 1989 ;

Considérant qu’il est constant en fait que les quatre contrats de travail successifs à durée déterminée soumis au tribunal ont été conclus pour les années civiles respectives 2001 à 2004 entre Madame … et l’Etat ;

Considérant que d’après les dispositions de l’article 8 (1) de ladite loi modifiée du 24 mai 1989 « à l’exception du contrat à caractère saisonnier, la durée du contrat conclu pour une durée déterminée sur la base de l’article 5 ne peut, pour le même salarié, excéder vingt-quatre mois, renouvellements compris » ;

Considérant que le caractère permanent et continu de l’affectation de Madame … au sein de la section de la préhistoire du M.N.H.A. résulte à suffisance de droit à la fois des contrats produits et de l’attestation …, prérelatée, ensemble les autres éléments du dossier y compris la relation professionnelle permanente reconnue par la ministre à travers son dit courrier du 28 octobre 2003 ;

Que dès lors sur base des pièces versées au dossier, c’est à partir du 1er janvier 2003, après vingt-quatre mois de relations de travail couvertes par des contrats à durée déterminée pour les années 2001 et 2002, l’engagement de Madame … est à considérer comme étant à durée indéterminée ;

Considérant que le dernier volet de la demande concerne celui de la reconnaissance de la qualité d’employé de l’Etat ;

Considérant qu’il convient de souligner liminairement que les règles légales de reconnaissance de la qualité d’employé de l’Etat ont été fondamentalement changées par la loi du 8 août 1988 modifiant a) la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création de chambres professionnelles à base élective ainsi que b) la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat ;

Considérant que suivant la loi du 27 janvier 1972 précitée, dans son libellé antérieur à la loi du 8 août 1988, la qualité d’employé de l’Etat était reconnue en vertu de son article 2 à toute personne engagée auprès de l’Etat pour une tâche complète, et sous la dénomination précise et formelle d’ « employé de l’Etat » ;

Que c’est justement l’exigence de la dénomination en tant qu’employé de l’Etat, ensemble par ailleurs celle exclusive d’une tâche complète, qui ont été omis à travers la modification de l’article 2 de la loi du 27 janvier 1972 opérée par la loi du 8 août 1988, cette modification étant issue d’un amendement proposé par la Commission de la Fonction publique de la Chambre des députés destiné à voir conserver, sinon obtenir la qualité d’électeur à la Chambre des fonctionnaires et des employés publics à tous les employés aux services de l’Etat, y compris les anciens employés privés, tout en aboutissant de la sorte à omettre l’ancienne catégorie des employés privés aux services de l’Etat, sauf ceux visés par la disposition transitoire de l’article 15 de la loi du 27 janvier 1972 introduite par la loi du 8 août 1988 ;

Que ledit article 15 dispose que « les personnes qui ont été engagées avant le 15 juillet 1988 aux services de l’Etat, dans les formes et suivant les modalités prévues par les dispositions portant règlement légal du louage de services des employés privés et qui ne remplissent pas les conditions prévues par l’article 3 a) de la présente loi [à savoir être de nationalité luxembourgeoise], peuvent continuer à bénéficier d’un contrat d’employé privé aux services de l’Etat » ;

Considérant que le changement de législation ainsi adopté, au-delà des réticences du Conseil d’Etat (cf. doc. parl. 31482, pages 8 et 20 ainsi que doc. parl. 31484, page 2) a été explicité comme suit par la Commission de la Fonction publique de la Chambre des députés : « L’amendement II entend modifier la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat sur le point précis de la définition légale de la notion d’employé de l’Etat. Le texte actuel de l’article 2 de la loi précitée indique en effet que la qualité d’employé de l’Etat est reconnue à toute personne engagée auprès de l’Etat pour une tâche complète, sous la dénomination « employé de l’Etat ».

Etant donné que le projet de loi modifiant la loi modifiée du 4 avril 1924 portant création de chambres professionnelles à base élective entend dorénavant réserver la qualité d’électeur à la chambre professionnelle des fonctionnaires et employés publics aux seules catégories d’agents bénéficiant d’un statut de droit public ou liés à leur employeur par un contrat de droit privé sur lequel se greffe un statut légal ou réglementaire, un grand nombre d’employés privés au service de l’Etat, qui jusqu’à présent ne sont pas tombés sous le champ d’application de la loi du 27 janvier 1972 précitée, auraient perdu la qualité d’électeur à la chambre professionnelle des fonctionnaires et employés publics et seraient devenus des ressortissants de la chambre professionnelle des employés privés.

Or, il est un fait que cette catégorie des employés privés au service de l’Etat, qui regroupe presque mille personnes, a jusqu’à ce jour toujours participé aux élections pour le renouvellement de la chambre professionnelle des fonctionnaires et employés publics. Par ailleurs et quant au fond, les employés privés au service de l’Etat sont soumis aux mêmes règles déterminant leurs rémunérations, leurs avancements etc. que les employés de l’Etat.

En supprimant les termes « pour une tâche complète, sous la dénomination « employés de l’Etat » de la définition légale contenue dans l’article 2 de la loi du 17 janvier 1972 précitée, le présent amendement a pour résultat que dorénavant il n’y aura plus qu’une seule catégorie d’agents contractuels engagés auprès de l’Etat, à savoir les employés de l’Etat, qui seront tous ressortissants de la chambre professionnelle des fonctionnaires et employés publics, étant donné qu’ils seront tous soumis uniformément au statut légal de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat » (doc. parl. 31482, page 2) ;

Considérant que les articles 2 et 3 de la loi modifiée du 27 janvier 1972, tels que résultant de la loi du 8 août 1988 et, pour le point e) dudit article 3, de la loi du 17 mai 1999 concernant l’accès des ressortissants communautaires à la fonction publique luxembourgeoise, s’agencent comme suit :

« Article 2. La qualité d’employé de l’Etat est reconnue à toute personne qui remplit les conditions prévues par la présente loi et qui est engagée par l’Etat sous contrat d’employé pour une tâche complète ou partielle et à durée déterminée ou indéterminée dans les administrations et services de l’Etat.

Dans les dispositions qui suivent l’employé de l’Etat est désigné par le terme « employé ».

Article 3. Nul n’est admis au service de l’Etat en qualité d’employé s’il ne remplit les conditions suivantes :

a) être de nationalité luxembourgeoise, b) jouir des droits civils et politiques, c) offrir les garanties de moralité requises, d) satisfaire aux conditions d’aptitude requises pour l’exercice de son emploi, e) faire preuve d’une connaissance adéquate des trois langues administratives telles que définies par la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues, sauf pour les emplois, à déterminer par règlement grand-ducal, pour lesquels la connaissance de l’une ou de l’autre de ces langues n’est pas reconnue nécessaire en raison de la nature et du niveau de responsabilité de ces emplois.

La condition de la nationalité ne s’applique pas à l’égard des ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne qui sont candidats aux emplois dans les secteurs - de la recherche, - de l’enseignement, - de la santé, - des transports terrestres, - des postes et télécommunications, - de distribution de l’eau, du gaz et de l’électricité sauf dans les cas où ces emplois comportent une participation, directe ou indirecte, à l’exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’Etat ou des autres personnes morales de droit public. Un règlement grand-ducal peut préciser les modalités et critères d’application du présent alinéa. » ;

Considérant que relativement aux conditions posées par l’article 3 prérelaté, l’Etat, dans un premier stade de se rapporter tout simplement à prudence de justice, sans préciser autrement ses contestations ainsi énoncées, pour, à travers son mémoire supplémentaire, maintenir plus spécifiquement les contestations de principe non autrement définies quant au degré de connaissance par la partie demanderesse des trois langues administratives du pays ;

Considérant qu’à travers les pièces versées au dossier ensemble des explications fournies, il appert que la partie demanderesse remplit effectivement les conditions posées par l’article 3 sous e) en question pour être admis au service de l’Etat en la qualité d’employé de l’Etat ;

Que plus particulièrement il résulte d’un certificat du délégué d’officier de l’état civil de la Ville de Luxembourg, établi lors de sa demande d’option pour la nationalité luxembourgeoise formulée en juin 2003 que l’intéressée comprend la langue luxembourgeoise de façon courante et s’exprime en la langue nationale de la même façon courante ;

Que ses connaissances en français et en allemand sont dûment documentées en l’espèce à travers la demande d’admission en classe de première année préparatoire aux grandes écoles formulée par Madame …, originaire d’Alsace ;

Considérant qu’il découle des développements qui précèdent que la partie demanderesse à fait preuve d’une connaissance adéquate des trois langues administratives, de sorte que la condition portée à l’article 3 e) de la loi modifiée du 27 janvier 1972 prérelatée se trouve vérifiée ;

Considérant que les autres conditions portées par ledit article 3 ne se trouvent pas être litigieuses en l’espèce, de sorte que le tribunal n’est pas amené à pousser les vérifications afférentes plus loin, faute de contestation circonstanciée y relative émise par la partie publique ;

Qu’il convient tout simplement de relever pour le bon ordre que l’emploi revêtu par la partie demanderesse depuis au moins le 1er janvier 2001 fait partie du domaine de la recherche au sens de l’article 3 alinéa second prérelaté sans participer à l’exercice de la puissance souveraine de sorte que le fait pour la partie demanderesse d’être ressortissante communautaire est suffisant en vue de l’accès à l’emploi en question conformément aux dispositions sous revue ;

Considérant qu’il découle encore des développements qui précèdent qu’au-delà des termes des contrats d’experts conclus entre la partie demanderesse et l’Etat, la relation de travail existant entre parties est à requalifier en qualité d’engagement auprès de l’Etat suivant un lien de subordination voyant les conditions fixées par les articles 2 et 3 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 prérelatés vérifiées, de sorte à s’analyser en engagement à titre d’employé de l’Etat ;

Considérant qu’il se dégage dès lors de l’ensemble des développements qui précèdent que la partie demanderesse remplit toutes les conditions requises par la loi, de sorte à disposer à partir du 1er janvier 2001 de la qualité d’employé de l’Etat à tâche complète relevant du ministère de la Culture, Musée national de l’histoire et d’art, section de la préhistoire ;

Que pour le surplus il se dégage encore des éléments de fait et de droit qui précèdent que depuis le 1er janvier 2003 l’engagement de la demanderesse auprès de l’Etat s’analyse comme étant à durée indéterminée ;

Considérant que le tribunal est dès lors amené, par réformation, à reconnaître à la partie demanderesse la qualité d’employée de l’Etat, suivant une tâche complète depuis le 1er janvier 2001 et à durée indéterminée avec effet à partir du 1er janvier 2003 ;

Que par voie de conséquence il convient de renvoyer le dossier devant le ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en prosécution de cause en vue notamment d’établir les jeux d’écritures d’application requis ;

Considérant que la partie demanderesse sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de l’ordre de 3.000,- € sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Considérant que compte tenu de l’issue du litige et de la situation d’emploi ambigu créée, du moins partiellement, sinon essentiellement du fait de l’Etat, la demande en allocation d’une indemnité de procédure est justifiée à concurrence d’un montant évalué ex æquo et bono à 1000,- € (mille euro).

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

reformant, dit que l’engagement de Madame … auprès de l’Etat est celui d’un employé de l’Etat à tâche complète à partir du 1er janvier 2001 et à durée indéterminée à partir du 1er janvier 2003 ;

renvoie le dossier en prosécution de cause devant le ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne l’Etat à payer à la partie demanderesse une indemnité de procédure de l’ordre de 1000- € (mille euro) ;

condamne l’Etat aux frais ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 octobre 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28.10.2204 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17636
Date de la décision : 27/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-27;17636 ?

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