La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18596C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 octobre 2004, 18596C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18596C Inscrit le 25 août 2004

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

----------

Audience publique du 26 octobre 2004 Recours formé par … contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en présence de la société …, … en matière d’élections des délégués du personnel - Appel -

(jugement entrepris du 14 juillet 2004, no 18051 du rôle)

-----------------------------

------------------------------------------------------------------------------------------------

--...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18596C Inscrit le 25 août 2004

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

----------

Audience publique du 26 octobre 2004 Recours formé par … contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en présence de la société …, … en matière d’élections des délégués du personnel - Appel -

(jugement entrepris du 14 juillet 2004, no 18051 du rôle)

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

----------

Vu la requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 25 août 2004 par Maître Roland Assa, avocat à la Cour, au nom de la société … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, zone industrielle, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, contre un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 14 juillet 2004 sous le numéro du rôle 18051, à la requête de …, chauffeur, demeurant à …, contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 26 avril 2004 déclarant non fondée la contestation par lui introduite relative à l’électorat et à la régularité des opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel dans la société … S.A., préqualifiée.

Vu l’acte de signification de ladite requête par exploit d’huissier Guy Engel à … et à l’Amtsgericht Merzig en date du 7 septembre 2004.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 30 septembre 2004 par le délégué du Gouvernement Guy Schleder.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 5 octobre 2004 par Maître Marco Fritsch, au nom de ….

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 11 octobre 2004 par Maître Roland Assa, au nom de la société … S.A.

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise.

Ouï le conseiller en son rapport, Maître Karin Spitz, en remplacement de Maître Roland Assa et Maître Frédéric Krieg, en remplacement de Maître Marco Fritsch ainsi que la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück en leurs observations respectives.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Par requête inscrite sous le numéro 18051 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 mai 2004 par Maître Marco Fritsch, avocat à la Cour, …, chauffeur, demeurant à …, a demandé la réformation et subsidiairement l’annulation d’une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 26 avril 2004 déclarant non fondée la contestation par lui introduite relative à l’électorat et à la régularité des opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel dans la société … S.A., établie à…, zone industrielle.

Le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 14 juillet 2004, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond l’a déclaré justifié, partant, dans le cadre du recours en réformation a déclaré nulles les élections pour la désignation des délégués du personnel au sein de la société … S.A. intervenues à la suite de la décision d’annulation du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 6 janvier 2004 ;

il a déclaré le recours en annulation irrecevable.

Maître Roland Assa, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 25 août 2004.

L’appelant fait d’abord valoir que les juges de première instance se seraient déclarés compétents à tort.

Il argumente ensuite que ce serait à tort que les premiers juges auraient appliqué les délais de procédure prévus par le règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 alors que la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives aurait d’office abrogé les dispositions incompatibles de ce règlement avec cette même loi.

Moyennant application de la nouvelle loi de procédure, la partie appelante aurait eu la possibilité de déposer un mémoire en duplique ce qui lui aurait été refusé à tort par les premiers juges et ce qui constituerait une violation des droits de la défense.

La partie appelante, quant au fond, souligne qu’elle aurait à bon droit refusé les candidatures envoyées avant l’affichage informant les salariés de la tenue de nouvelles élections.

Que les candidatures déposées seraient par ailleurs irrégulières pour ne pas être conformes avec l’article 7 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 30 septembre 2004 dans lequel il demande la réformation du jugement du 14 juillet 2004 en se référant à l’argumentation développée par le directeur de l’Inspection du Travail et des Mines (I.T.M.).

Maître Marco Fritsch a déposé un mémoire en réponse en date du 5 octobre 2004 dans lequel il soulève la caducité de l’appel pour défaut de signification dans le mois à ….

Il conclut à la compétence du tribunal administratif alors que le directeur de l’ITM ne serait pas à considérer comme juge de première instance.

Quant au fond, la partie intimée demande la confirmation du jugement entrepris en se référant à l’argumentation y contenue et en faisant par ailleurs valoir qu’au vu d’un licenciement, qualifié par ailleurs d’irrégulier, il n’aurait pas pu obtenir connaissance de la date des 2 élections de sorte qu’il pouvait estimer déposer sa candidature sans devoir attendre l’affichage les annonçant.

Par ailleurs sa candidature serait à considérer comme suffisant aux exigences du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979.

Maître Roland Assa a déposé un mémoire en réplique en date du 11 octobre 2004 dans lequel il souligne que la requête d’appel aurait été valablement signifiée dans les délais légaux tout en approfondissant ses arguments antérieurement développés.

Quant à la compétence du tribunal administratif L'article 40 de la loi du 18 mai 1979 portant réforme des délégations du personnel dispose que « Les contestations relatives à l'électorat et à la régularité des opérations électorales sont de la compétence du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines; cette décision peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État Comité du contentieux, statuant en dernière instance et comme juge du fond.» L'article 86 de la Constitution stipule que « Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peuvent être établis qu'en vertu d'une loi. Il ne peut être créé de commissions, ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit. » La loi du 12 juillet 1996 a instauré un article 95bis dans la Constitution qui prévoit que « (1) Le contentieux administratif est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative » et que « (2) La loi peut créer d’autres juridictions administratives. » Aucune disposition légale n’a attribué au directeur de l'Inspection du Travail et des Mines compétence pour statuer en tant que juge de première instance en matière administrative.

L'indication par l'article 40 de la loi du 18 mai 1979 portant réforme des délégations du personnel selon laquelle le Conseil d'État devait statuer en dernière instance est depuis la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif sans pertinence pour déterminer si la décision du directeur de l'Inspection du Travail et des Mines est à considérer comme juridiction du premier degré alors qu'à l'époque où le Conseil d'État avait encore compétence pour siéger comme juridiction, il statuait toujours en dernier ressort pour autant qu'il était saisi d'un recours en réformation.

L'article 100 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif stipule de manière impérative que « dans tous les textes de loi et règlement, la référence au Comité du contentieux ou au Comité du contentieux du Conseil d'État ou encore au Conseil d'État tout court, si la fonction juridictionnelle du Conseil d'État est visée, s'entend comme référence au tribunal administratif, tel qu'il est organisé par la présente loi. » Il découle des dispositions précitées que la compétence attribuée au Conseil d'État comité du contentieux par l'article 40 (1) de la loi précitée du 18 mai 1979, est dévolue, par l'effet de l'article 100 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996, au tribunal administratif.

Le paragraphe (2) du même article 100, contenant une exception au principe figurant au paragraphe (1) précité, ne fait pas référence à l'article 40 (1) de la loi précitée du 18 mai 1979 en vue d'attribuer compétence à la Cour administrative pour tout recours dirigé contre une 3 décision rendue par le directeur en matière de contentieux électoral, par exception au principe général en vertu duquel le tribunal administratif a une compétence de droit commun pour statuer en première instance sur tout recours dirigé contre une décision administrative.

S'il est vrai que l'article 6 de la loi précitée du 7 novembre 1996 attribue compétence à la Cour administrative pour statuer en appel et comme juge du fond sur les recours dirigés contre les décisions d'autres juridictions administratives, il n'en demeure pas moins qu'il n'existe pas de loi spéciale attribuant des compétences juridictionnelles au directeur de l’Inspection du Travail et des Mines, l'article 40 (1) de la loi précitée du 18 mai 1979 ne constituant pas une telle disposition légale spéciale.

Le Conseil d'État avait par ailleurs retenu dans son avis du 9 mai 1996 sur le projet de loi portant organisation des juridictions de l'ordre administratif et fiscal (doc. parl. 3940) qu'il résultait du projet de l'article 6 précité que l'on ne pourra plus se référer à différentes jurisprudences du Comité du contentieux ayant notamment décidé qu'un tel organe avait un véritable pouvoir décisionnel pour en conclure qu'il s’agit en l’occurrence de juridictions administratives de premier degré. Notre droit positif ne connaît, à part la Chambre des comptes, pas d'autre juridiction administrative. » La confirmation du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en tant que juridiction administrative n’a résulté que d'une interprétation jurisprudentielle faite a contrario de l'article 40 de la loi du 18 mai 1979 tel que précité, qui ne saurait anéantir les efforts du législateur de 1996 consistant à créer des juridictions administratives indépendantes respectueuses du principe de la séparation des pouvoirs ainsi que des libertés fondamentales et des droits de l'homme dans un Etat de droit.

Il résulte de l'ensemble des considérations et constatations qui précèdent que la simple référence par l'article 40 (1) au Conseil d'État comité du contentieux, statuant en dernière instance et comme juge du fond ne suffit pas pour établir que le directeur, en tant qu'organe rendant des décisions administratives susceptibles d'un recours en réformation devrait de ce seul fait être considéré comme juridiction administrative du premier degré de sorte que sa compétence se limite en vertu du principe de la séparation des pouvoirs dont sont l'expression les articles 84 à 95ter de la Constitution, à un simple pouvoir de décision administrative.

Le tribunal administratif était partant compétent pour statuer sur le recours introduit par ….

Quant à l’instruction du recours devant le tribunal administratif L'article 40 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel dispose que «Dans les quinze jours de leur notification, les décisions du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines peuvent faire l’objet d’un recours devant le Conseil d'État Comité du contentieux, qui statue d’urgence et en tous cas dans le mois, en dernière instance et comme juge au fond. » La partie appelante, tout comme en première instance, argumente que ce serait à tort que les premiers juges ont appliqué les délais de procédure prévus par ce règlement alors que la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives aurait d’office abrogé les dispositions incompatibles de ce règlement avec cette même loi en prévoyant dans son article 5 un délai de 3 mois pour fournir un mémoire en réponse à dater de 4 la signification de la requête introductive d’instance, respectivement un délai d’un mois pour les mémoires en réplique, respectivement en duplique.

Moyennant application de la nouvelle loi de procédure, elle aurait eu la possibilité de déposer un mémoire en duplique ce qui lui aurait été refusé à tort par les premiers juges et ce qui constituerait une violation des droits de la défense.

Le législateur, en 1999, a pris soin de déterminer des délais d’instruction des instances devant le tribunal administratif avec toute la précision requise et dans un souci de juste équilibre entre les impératifs tenant, d’un côté, au respect du principe du contradictoire, et, d’un autre côté, à la volonté de voir les affaires contentieuses évacuées dans un délai raisonnable.

Il importe par ailleurs de souligner à cet égard le caractère complet des garanties structurelles mises en place en ce que notamment un traitement différencié est prévu pour les affaires urgentes à travers les dispositions de l’article 5 (8) de la nouvelle loi de procédure, étant entendu que les seuls mécanismes prévus pour prolonger les délais d’instruction, voire, tel que cela serait requis en la matière plus particulièrement concernée, pour abréger lesdits délais par ordonnance du président du tribunal, ne confèrent aucun pouvoir d’initiative afférent à la juridiction saisie, l’article 5 (8) de la loi du 21 juin 1999 précitée n’envisageant en effet que la seule hypothèse d’une « demande en abréviation des délais », devant, par définition, émaner de l’une des parties au litige.

L’article 40 du règlement grand-ducal du 21 septembre 1979, appelé à régler les délais d’instruction applicables en la présente matière, imposant au juge administratif de statuer dans le mois de l’introduction de la requête ayant comme corollaire nécessaire des délais d’instruction inférieurs à un mois dans le chef des parties au litige, est inconciliable avec les dispositions de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999, donc postérieure, et consacrant d’une manière générale des délais d’instruction plus étendus.

Le caractère inconciliable entre les normes en question tient au fait que l’article 40, en fixant le délai pour statuer en la matière à un mois sans pour autant fournir d’indication sur les conséquences procédurales au niveau de l’instruction des recours s’en dégageant au regard notamment des impératifs tenant au respect du principe du contradictoire, consacre un délai d’instruction global très court, inconciliable en tant que tel avec les délais inscrits à l’article 5 de la loi du 21 juin 1999 précitée, à travers l’obligation faite au tribunal de statuer dans le mois de l’introduction du recours.

La logique de ce texte commande dès lors que le juge administratif, auquel l’obligation de respecter le délai d’un mois est adressée, dispose pour le moins du pouvoir d’initier une abréviation des délais d’instruction prévus par la loi du 21 juin 1999 régissant plus particulièrement cette matière, ceci abstraction même faite de toute autre considération tenant notamment au respect du principe du contradictoire qui est l’un des principes directeurs du procès et range dans les principes dits généraux du droit.

Le législateur n’a manifesté aucune intention allant dans le sens d’une volonté affirmée de maintenir le délai d’un mois tel que prévu dans le règlement grand-ducal du 21 septembre 1979 moyennant promulgation d’une loi spéciale postérieure et dérogatoire à la règle générale inscrite dans la loi du 21 juin 1999.

5 Or, les règles tenant aux délais d’instruction étant d’ordre public pour toucher à un volet fondamental de l’organisation juridictionnelle, c’est à tort que le tribunal administratif a implicitement appliqué une disposition légale qui, dans sa substance, est antérieure en date et qui, de surcroît, loin de traiter directement de la matière de la procédure contentieuse, n’y touche qu’incidemment et ne fournit par ailleurs aucune solution satisfaisante au conflit de loi ci-avant dégagé.

La méconnaissance des règles de compétence et de procédure par les premiers juges, devant par ailleurs être soulevée d’office par la Cour, constitue un vice substantiel qui doit entraîner l’annulation du jugement du 14 juillet 2004, ceci indépendamment de la qualité ou de l’opportunité intrinsèque de la décision.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller, reçoit l’acte d’appel du 25 août 2004, le déclare fondé, annule le jugement du 14 juillet 2004, renvoie le dossier devant le tribunal administratif, réserve les frais Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18596C
Date de la décision : 26/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-26;18596c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award