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26/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18374C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 octobre 2004, 18374C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18374 C Inscrit le 9 juillet 2004

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 26 OCTOBRE 2004 Recours formé par …, Tarchamps contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(jugement entrepris du 9 juin 2004, no 17585 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 9 j...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 18374 C Inscrit le 9 juillet 2004

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 26 OCTOBRE 2004 Recours formé par …, Tarchamps contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(jugement entrepris du 9 juin 2004, no 17585 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 9 juillet 2004 par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, au nom de …, né le … à …(Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, …, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 9 juin 2004, à la requête de l’actuel appelant contre deux décisions du ministre de la Justice.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 26 juillet 2004 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller en son rapport et Maître Frank Wies ainsi que la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 17585 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 février 2004 par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, …, né le (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, a demandé la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 12 novembre 2003, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 14 janvier 2004 suite à un recours gracieux du demandeur.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 9 juin 2004, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Maître Frank Wies, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 9 juillet 2004.

L’appelant reproche aux juges de première instance une appréciation erronée des éléments de la cause, alors qu’ils n’auraient pas pris en considération qu’il aurait déclaré qu’il n’était presque plus sorti de sa maison par peur des Albanais.

Par ailleurs, une possibilité de fuite interne ne serait pas possible alors que selon un rapport de l’UNHCR, les déplacements des personnes à l’intérieur de l’ancienne République fédérale de Yougoslavie ne peuvent pas se faire dans des conditions offrant une protection appropriée et raisonnable.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 26 juillet 2004 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.

Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour estime que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

C’est à juste titre que le tribunal administratif a retenu que l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition le 18 septembre 2003, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, l’amène à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, en ce qui concerne de prime abord la situation au Kosovo, région dont l’appelant actuel est originaire, il est constant en cause que suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de 2 même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place.

S’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des « Ashkali », reste difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes, voire d’autres discriminations ou agressions, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs d’asile risquent de subir des persécutions.

Les discriminations et menaces de mort proférées par des membres de la population albanaise à l’encontre du demandeur, à les supposer établies, constituent certainement des pratiques condamnables, mais en l’espèce, ne dénotent non seulement pas une gravité telle qu’ils établissent à l’heure actuelle un risque de persécution dans le chef du demandeur au point que sa vie lui serait intolérable dans son pays d’origine, mais encore et surtout, il convient de constater que ces actes ne s’analysent pas en une persécution émanant de l’Etat, mais d’un groupe de la population et ne sauraient dès lors être reconnus comme motif d’octroi du statut de réfugié.

Si le demandeur tend en l’espèce certes à décrire une situation d’insécurité et de conflit généralisé dans son pays d’origine, il n’a soumis aucun indice concret relativement à l’incapacité actuelle des autorités compétentes de lui fournir une protection adéquate, voire allégué une démarche concrète en vue d’obtenir la protection de la part des autorités en place.

Il en résulte que le demandeur reste en défaut d’établir l’incapacité des autorités en place de lui assurer une protection adéquate.

Par ailleurs, même à admettre qu’à l’heure actuelle, il est toujours difficile pour un membre de la communauté « Ashkali » du Kosovo, originaire du village de …, de s’y réinstaller, le demandeur ne précise pas, au-delà de son affirmation générale quant à des persécutions auxquelles les membres de la minorité « Ashkali » seraient exposés au Kosovo, des raisons pour lesquelles il ne serait pas en mesure de trouver refuge, à l’heure actuelle, dans une autre partie du Kosovo, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité du demandeur d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir les raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne devant être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié.

Il résulte de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef de sorte que le jugement du 9 juin 2004 est à confirmer.

Par ces motifs, La Cour administrative, statuant contradictoirement, sur le rapport de son conseiller;

reçoit la requête d’appel du 9 juillet 2004 en la forme ;

3 la dit cependant non fondée et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 9 juin 2004 dans toute sa teneur;

condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur Carlo Schockweiler, conseiller et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18374C
Date de la décision : 26/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-26;18374c ?

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