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25/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18103

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 octobre 2004, 18103


Tribunal administratif N° 18103 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mai 2004 Audience publique du 25 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18103 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monté...

Tribunal administratif N° 18103 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 mai 2004 Audience publique du 25 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18103 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 25 février 2004 ayant porté refus de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondé, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 26 avril 2004 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 août 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 octobre 2004.

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Le 6 novembre 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut entendu en outre le 30 janvier 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 25 février 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée comme non fondée en relevant notamment des divergences au sujet du récit relatif à son voyage vers le Luxembourg, ainsi que sur le lieu où se trouverait sa carte d’identité, lesquelles seraient de nature à jeter un doute sérieux sur la crédibilité de son récit globalement présenté. Le ministre a retenu finalement que même à supposer les faits invoqués par Monsieur … comme étant établis, les motifs de persécution par lui invoqués ne seraient pas de nature à justifier une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné que des personnes inconnues, membres de l’UCK, ne sauraient être considérées comme des agents de persécution au sens de cette Convention et que par ailleurs sa peur traduirait plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une véritable crainte de persécution.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 4 avril 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice a pris une décision confirmative le 26 avril 2004, laquelle fut notifiée à Monsieur … par voie de courrier recommandé et expédié le 28 avril 2004.

Le 25 mai 2004, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des décisions ministérielles prévisées des 25 février et 26 avril 2004.

Le demandeur fait exposer à l’appui de son recours que le départ de son pays d’origine aurait été motivé par le fait qu’il aurait été confronté à de graves problèmes de sécurité, notamment du fait d’agressions dont il aurait été personnellement victime en raison de son comportement pendant la guerre. Dans la mesure où ses diverses demandes de protection adressées aux autorités policières n’auraient pas permis d’améliorer sa situation et que celle-ci qui serait devenue insoutenable, il n’aurait dès lors eu d’autre choix que de quitter son pays d’origine pour solliciter l’asile au sens de la Convention de Genève. Il se réfère en outre à différents rapports illustrant la situation générale actuelle au Kosovo pour soutenir que les personnes ayant eu de près ou de loin des relations avec des Serbes avant la fin de la guerre au Kosovo se trouveraient dans une situation vulnérable et qu’en raison de l’absence de protection efficace de la part des autorités en place, les Albanais, en l’espèce les membres de l’UCK, seraient à considérer comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Si le demandeur a en l’espèce certes pu apporter à travers son recours gracieux des explications relativement aux incohérences lui opposées par le ministre dans la décision litigieuse initiale du 25 février 2004, force est cependant de constater que l’examen des déclarations faites par le demandeurs lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, le sentiment d’insécurité relaté par le demandeur trouve sa source dans le seul fait indiqué que Monsieur … serait soupçonné d’avoir collaboré avec les Serbes pour avoir vendu des cigarettes ensemble avec un Serbe. Or, de ce seul fait Monsieur … ne saurait être considéré comme s’étant livré à des activités qui l’exposeraient particulièrement à un risque de persécution au sens de la Convention de Genève. Au contraire, eu égard à la nature des faits relatés, la situation de Monsieur … se confond avec celle de bon nombre de ses concitoyens qui se trouvent confrontés, à des degrés certes variables, à des tensions interethniques ainsi que des difficultés d’une situation générale d’après-guerre, sans pour autant être susceptibles de rentrer dans les prévisions spécifiques de la Convention de Genève, laquelle n’a pas pour objet de remédier d’une manière générale à des disparités de sécurité qui sont souvent à la base d’une décision de migrer.

Ni une situation de guerre, ni a fortiori une situation d’après-guerre ne caractérisent en effet en elles-mêmes à suffisance une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et les éléments individuels invoqués en l’espèce n’emportent pas non plus la conviction du tribunal quant au caractère différentiel du risque invoqué par le demandeur par rapport à celui encouru par une grande partie de la population dans son pays d’origine.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26.10.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18103
Date de la décision : 25/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-25;18103 ?

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