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25/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17832

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 octobre 2004, 17832


Tribunal administratif N° 17832 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 avril 2004 Audience publique du 25 octobre 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17832 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. â

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Tribunal administratif N° 17832 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 avril 2004 Audience publique du 25 octobre 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17832 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Jijel (Algérie), de nationalité algérienne, déclarant demeurer à …, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 1er mars 2004, par laquelle ledit ministre a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié comme non fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie.

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En date du 13 janvier 2004, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, M. … fut entendu par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut encore entendu le 29 janvier 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 1er mars 2004, notifiée par lettre recommandée du 4 mars 2004, le ministre de la Justice l’informa que sa demande d’asile avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté l’Algérie le 5 ou le 6 janvier 2004 pour aller en bateau à Rotterdam. Vous auriez poursuivi votre voyage jusqu’à Luxembourg dans la camionnette d’un passeur.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 12 janvier 2004.

Vous auriez fait votre service militaire de 1990 à 1991 comme pharmacien militaire.

D’après vous, des membres du GIA ou d’autres groupes terroristes seraient venus régulièrement manger chez vous. Votre grand-père aurait été obligé de les laisser faire de peur des représailles. Vous ajoutez qu’ils auraient violé votre sœur en septembre 2003. Vous auriez porté plainte pour ce viol, mais la police aurait pensé que vous souteniez ces terroristes et elle n’aurait entrepris aucune investigation. Elle vous aurait même surveillé davantage encore par la suite. Votre maison aurait été brûlée par la police en novembre 2003, votre mère et votre sœur seraient parties à Constantine et vous ne sauriez pas où se trouverait votre grand-père.

Vous dites n’avoir jamais appartenu à un parti politique.

Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir concrètement que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er, A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Je constate que vous n’avez jamais eu personnellement de menaces de la part de ces terroristes. Vous dites que votre grand-père était obligé de les nourrir, mais je remarque que ni vous ni personne de votre famille n’a essayé de porter plainte contre ce racket, alors que vous auriez pu rechercher protection auprès des autorités pour le faire cesser. Quant au fait que votre maison ait brûlé, quel que soit l’incendiaire, il ne constitue pas une persécution au sens de la Convention de Genève.

De plus, les terroristes que vous craignez ne sauraient constituer des agents de persécutions au sens de la Convention de Genève. Ils ont, d’ailleurs, un champ d’action limité géographiquement et, en vous installant dans une autre ville, vous auriez pu profiter d’une possibilité de fuite interne. Vous auriez ainsi pu suivre votre mère et votre sœur à Constantine.

Il résulte de votre récit que vous éprouvez davantage un sentiment d’insécurité qu’une réelle crainte de persécution telle que prévue dans la Convention de Genève.

Il résulte de ce qui précède que votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par requête déposée le 6 avril 2004, M. … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre de la Justice du 1er mars 2004.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle critiquée. Le recours en réformation formulé en ordre principal ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Quant au fond, le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir commis une erreur d’appréciation en refusant sa demande d’asile, au motif qu’il aurait été confronté à des menaces quotidiennes émanant de terroristes algériens, qui auraient violé sa sœur, de sorte que sa vie serait devenue intolérable en Algérie.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il y a lieu de relever de prime abord que dans le cadre de son recours contentieux, le demandeur maintient comme cause exclusive de son départ de l’Algérie, le fait qu’il aurait été confronté à des menaces émanant de terroristes algériens.

Ceci étant, le tribunal doit constater qu’il n’appert pas des éléments du dossier que le demandeur ait, à un quelconque moment, été personnellement inquiété voire maltraité par des terroristes, le seul fait concret invoqué par le demandeur, dans le cadre de son recours contentieux, étant le prétendu viol de sa sœur. Or, ce fait, même à le supposer établi et sans vouloir contredire sa gravité ou son caractère hautement répréhensible, ne constitue cependant pas un fait personnel au demandeur, ce dernier n’apportant aucun élément concret relativement à des circonstances particulières desquelles il se dégagerait un risque personnel pour lui-même. Il y a lieu d’ajouter encore que d’après les propres déclarations du demandeur, sa sœur n’a pas quitté l’Algérie et a donc pu trouver refuge à l’intérieur dudit pays.

En d’autres termes, force est de constater qu’il appert des éléments d’appréciation soumis au tribunal que les allégations du demandeur relativement un risque de persécution par des terroristes ne sont nullement circonstanciées et qu’elles ne sont pas confortées par un quelconque élément de preuve tangible, de sorte que le récit du demandeur se révèle insuffisant pour établir un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, respectivement sont insuffisantes pour établir que les autorités qui sont au pouvoir en Algérie ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de ce pays.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 25 octobre 2004, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17832
Date de la décision : 25/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-25;17832 ?

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