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25/10/2004 | LUXEMBOURG | N°14735

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 octobre 2004, 14735


Tribunal administratif N° 14735 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mars 2002 Audience publique du 25 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre en matière de raccordement au réseau d’égout et au réseau de distribution d’eau

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14735 du rôle et déposée le 26 mars 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre PROBST, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, fo

nctionnaire international, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation ...

Tribunal administratif N° 14735 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mars 2002 Audience publique du 25 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre en matière de raccordement au réseau d’égout et au réseau de distribution d’eau

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14735 du rôle et déposée le 26 mars 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre PROBST, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, fonctionnaire international, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision implicite de rejet du bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre se dégageant de son silence suite à la demande de Monsieur … tendant à obtenir une autorisation de se raccorder au réseau d’égout et au réseau de distribution d’eau concernant son immeuble sis à Esch-sur-Sûre, …, sur la parcelle inscrite sous les numéros cadastraux … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 2 avril 2002 portant signification de la prédite requête à l’administration communale d’Esch-sur-Sûre, établie à L-9650 Esch-sur-Sûre, 7, rue du Moulin ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 28 juin 2002 par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de l’administration communale d’Esch-sur-Sûre ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 27 juin 2002, portant signification dudit mémoire en réponse à Monsieur …, préqualifié, en son domicile élu ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 octobre 2002 par Maître Pierre PROBST pour compte du demandeur, lequel mémoire a été notifié le 7 octobre 2002 au mandataire constitué pour l’administration communale d’Esch-sur-Sûre ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2002 par Maître Jean-Luc GONNER au nom de l’administration communale d’Esch-sur-Sûre ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, préqualifié, du 4 novembre 2002 portant signification dudit mémoire en duplique à Monsieur …, préqualifié, en son domicile élu ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Maîtres Pierre PROBST et Jean-Luc GONNER en leurs plaidoiries respectives.

Par courrier du 20 juillet 2001, Monsieur …, par l’intermédiaire du bureau d’architecture « AB+ », sollicita de la part du bourgmestre et des échevins de la commune d’Esch-sur-Sûre « l’autorisation afin de raccorder au réseau d’égout existant ainsi qu’au réseau de distribution d’eau son habitation se trouvant sur votre commune à : … n° …. Nous souhaiterions obtenir ce raccordement pour le mois de septembre 2001 ».

N’ayant enregistré aucune réponse, le bureau d’architecture « AB+ » adressa en date du 19 décembre 2001 un courrier au bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre de la teneur suivante :

« Monsieur le Bourgmestre, Par la présente, je vous confirme la communication téléphonique de ce jour avec votre secrétariat à savoir :

La réponse verbale de votre commune à notre courrier du 20 juillet 2001 au sujet de la demande d’autorisation de raccordement au réseau d’égout et à la distribution d’eau est la suivante : cette autorisation serait donnée à la délivrance du permis de bâtir.

Ne serait-il pas possible d’avoir les deux raccordements indépendamment de l’autorisation de bâtir. En effet peut-on refuser le raccordement d’un immeuble existant au réseau d’eau alimentaire et au réseau d’égout ? (…) » Ladite demande n’ayant pas reçu de réponse, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision implicite de rejet du bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre.

Le tribunal est appelé liminairement à examiner l’admissibilité du mémoire en réplique, déposé par le demandeur au greffe du tribunal le 9 octobre 2002, au regard des délais impartis pour la production de pareil mémoire. – Dans ce contexte, il convient de relever que l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose en effet que la question de la communication des mémoires dans les délais prévus par la loi est à considérer comme étant d’ordre public pour toucher à l’organisation juridictionnelle, le législateur ayant prévu les délais émargés sous peine de forclusion.

L’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 prévoit en ses paragraphes 5 et 6 que :

« 5. Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse, la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois.

6. Les délais prévus au paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il convient encore de noter qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal conformément à l’article 5, paragraphe 7 de la loi précitée du 21 juin 1999 ni, par la force des choses, accordée par ce dernier. Par ailleurs, au vœu de l’article 5 précité, la fourniture du mémoire en réplique dans le délai d’un mois de la communication du mémoire en réponse inclut l’obligation de le déposer au greffe du tribunal et de le communiquer à la partie, voire aux parties défenderesses, dans ledit délai d’un mois.

Dans la mesure où le mémoire en réponse de la partie défenderesse a été déposé le 28 juin 2002 et signifié au demandeur en son domicile élu le 27 juin 2002, le dépôt et la communication du mémoire en réplique auraient dû intervenir pour le 28 septembre 2002 au plus tard, eu égard à la suspension des délais entre le 16 juillet et le 15 septembre telle que prévue au paragraphe 6 de l’article 5 de la loi du 21 juin 1999 précitée. Or, il convient de constater que le dépôt du mémoire en réplique au greffe du tribunal n’a été fait qu’en date du 9 octobre 2002, c’est-à-dire qu’il n’est pas intervenu dans le prédit délai. Par conséquent, à défaut d’avoir été déposé dans le délai d’un mois légalement prévu à peine de forclusion, le tribunal est dans l’obligation d’écarter le mémoire en réplique des débats.

Le mémoire en réplique ayant été écarté, le même sort frappe le mémoire en duplique de la partie défenderesse, lequel ne constitue qu’une réponse à la réplique fournie.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (cf. trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 4).

La loi ne prévoyant pas un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation.

Dans son mémoire en réponse, l’administration communale d’Esch-sur-Sûre soulève encore l’irrecevabilité du recours au motif qu’il est dirigé contre un refus implicite du bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre, alors qu’il appartiendrait « le cas échéant » au conseil échevinal d’autoriser les raccordements sollicités, étant donné que les travaux prévus devraient être appréciés par rapport à un plan d’aménagement particulier visant la transformation de son immeuble, présenté antérieurement par Monsieur …, et que suivant les dispositions de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, seul le collège échevinal serait compétent pour accorder pareilles autorisations.

En l’espèce, il échet cependant de constater que si la demande de raccordement initiale de Monsieur … a été adressée en date du 20 juillet 2001 à l’attention du bourgmestre et des échevins de l’administration communale d’Esch-sur-Sûre, demande qui n’a pas été rencontrée par une quelconque réponse, ni de la part du bourgmestre, ni de la part du collège échevinal, le demandeur a adressé une deuxième demande au seul bourgmestre de la commune d’Esc-sur-Sûre en date du 19 décembre 2001, par laquelle il sollicite « les deux raccordements indépendamment de l’autorisation de bâtir ».

C’est partant à tort que l’administration communale d’Esch-sur-Sûre soutient que les raccordements sollicités s’inséreraient dans le cadre du plan d’aménagement particulier présenté par le demandeur, alors que la demande, dans sa dernière formulation, ne visait plus de raccordements en relation avec ledit projet d’aménagement particulier. Il s’ensuit que c’est à bon droit que le demandeur, par rapport à ce silence prolongé, s’est pourvu contre un silence implicite du bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre, étant donné que le bourgmestre est chargé de l’exécution des lois et règlements de police et qu’il a à titre personnel, le droit et le devoir d’assurer l’exécution des lois de police et de la législation sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire (cf.

trib. adm. 15 avril 1997, n° 9510 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Commune, n° 1).

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité soulevé par l’administration communale d’Esch-sur-Sûre est à rejeter.

Etant donné que l’administré a la possibilité de déférer la décision de refus implicite résultant du silence de l’administration devant le tribunal administratif de façon illimitée dans le temps, du moins tant qu’aucune décision administrative ne sera intervenue (cf. trib. adm. 15 mars 2000, n° 11557 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 87 et autres références y citées), le recours en annulation, non autrement contesté, est encore recevable pour avoir été introduit dans les délai et formes de la loi.

Quant à la demande de raccordement au réseau d’égout :

Pour refuser le raccordement au réseau d’égout, l’administration communale d’Esch-sur-Sûre soutient que ledit raccordement, en vertu de l’article 40 du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la commune d’Esch-sur-Sûre, ci-après désigné par le « règlement des bâtisses », serait prévu pour recueillir les eaux de pluies superficielles et qu’au moment de la demande de raccordement, la commune devrait être en mesure de vérifier si les installations prévues seraient conformes au règlement des bâtisses. Or, le raccordement sollicité ne pourrait être délivré en l’absence de plans déposés et approuvés à l’appui d’une demande d’autorisation de construire, respectivement d’un plan d’aménagement particulier.

Aux termes de l’article 40.1 du règlement des bâtisses « tout terrain sur lequel se trouvent des constructions doit être raccordé au réseau public d’égout existant. La même disposition est applicable aux terrains non bâtis situés à l’intérieur du périmètre d’agglomération, sur lesquels se forment des eaux stagnantes ou des bourbiers ( …) ».

Il se dégage partant dudit article 40.1 que tout terrain sur lequel se trouve une construction doit être raccordé au réseau public d’égout existant. Il est également établi en cause que le raccordement sollicité par le demandeur vise un terrain sur lequel se trouve une construction qui depuis les années 40 n’a plus servi à l’habitation, mais comme entrepôt pour machines agricoles. Comme il est d’ailleurs relevé en marge de l’article 40.1 cité ci-avant, ledit article constitue une mesure d’assainissement, qui est prévue pour recueillir les eaux de pluies superficielles, de façon à les évacuer par le réseau de canalisation. Or, ladite mesure d’assainissement impose une obligation à charge du propriétaire d’une construction indépendamment de la destination de ladite construction.

S’il est compréhensible en l’espèce que les autorités communales affirment vouloir apprécier la demande de raccordement de Monsieur … dans le cadre du projet d’aménagement particulier présenté par ce dernier, lesdites autorités communales n’apportent cependant aucune justification en relation avec la demande de Monsieur … visant à raccorder son immeuble indépendamment de la délivrance d’un permis de bâtir, d’autant plus que, comme indiqué ci-avant, l’article 40.1 du règlement sur les bâtisses exige que toute construction doit être raccordée au réseau public d’égout existant.

Partant, le refus implicite du bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre d’accorder à Monsieur … l’autorisation de se raccorder au réseau d’égout est à annuler comme étant contraire à l’article 40.1 du règlement sur les bâtisses de la commune d’Esch-sur-Sûre.

Quant à la demande de raccordement au réseau de distribution d’eau :

L’administration communale d’Esch-sur-Sûre, sur ce point, argumente de nouveau que cette autorisation ne pourrait être accordée en l’absence d’une approbation des plans de construction en relation avec le plan d’aménagement particulier présenté par le demandeur. Elle invoque dans ce contexte l’article 45.1 du règlement sur les bâtisses d’après lequel « dans la mesure où les terrains à bâtir bordent des voies publiques alimentées en eau par le réseau public de distribution, tous les logements doivent être raccordés à celui-ci » et estime que « l’autorité communale doit être informée du nombre de logements et de la façon de laquelle les logements seront raccordés au réseau public de distribution d’eau » et que ceci s’appliquerait « aux transformations, agrandissements et rénovations de constructions existantes, ainsi qu’aux modifications apportées à leur affectation ».

Un bourgmestre ne saurait légalement refuser le raccordement d’un immeuble à la conduite d’eau publique au seul motif tiré de ce que les propriétaires ont changé l’affectation de l’immeuble d’étable en maison d’habitation, sans analyser si le raccordement était possible en qualité d’étable de l’immeuble (cf. trib. adm. 26 mars 1997, n° 9558 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Urbanisme, n° 197).

S’il est exact qu’en l’espèce, la demande initiale de Monsieur … visait à obtenir le raccordement de son immeuble au réseau public de distribution d’eau en relation avec un projet de transformation, le demandeur a sollicité en dernier lieu un raccordement audit réseau public « indépendamment de l’autorisation de bâtir », de sorte que le bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre, par son silence, de même que l’administration communale en cours de procédure contentieuse, n’ont pas apporté de motivation valable par rapport à la demande tendant à obtenir pareil raccordement pour la construction existante, c’est-à-dire indépendamment du projet de transformation de l’immeuble.

Partant, le refus implicite du bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre d’autoriser Monsieur … à se raccorder au réseau public de distribution d’eau encourt l’annulation pour défaut de motivation.

Au vu de l’issue du litige, il convient de rejeter la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure pour le montant de 2.000,- € formulée par l’administration communale d’Esch-sur-Sûre et de condamner cette dernière aux frais, à l’exception des frais engendrés par les mémoires en réplique et en duplique écartés des débats.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

écarte le mémoire en réplique et le mémoire en duplique et met respectivement laisse les frais afférents à charge du demandeur ;

se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;

reçoit le recours principal en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant annule le refus implicite du bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre d’autoriser le demandeur de se raccorder au réseau d’égout et au réseau de distribution d’eau concernant son immeuble sis à Esch-sur-Sûre, …, sur la parcelle inscrite sous les numéros cadastraux … ;

renvoie l’affaire devant le bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Sûre ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure sollicitée par l’administration communale d’Esch-sur-Sûre ;

condamne l’administration communale d’Esch-sur-Sûre aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 25 octobre 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14735
Date de la décision : 25/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-25;14735 ?

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