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20/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18118

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 octobre 2004, 18118


Tribunal administratif N° 18118 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mai 2004 Audience publique du 20 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18118 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …(Côte d’Ivoire), de nationalité ivoirienne, demeurant actuell

ement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 6 févrie...

Tribunal administratif N° 18118 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mai 2004 Audience publique du 20 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18118 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …(Côte d’Ivoire), de nationalité ivoirienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 6 février 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du 26 avril 2004 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 août 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Virginie ADLOFF, en remplacement de Maître Edmond DAUPHIN, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK à l’audience publique du 18 octobre 2004.

Monsieur … introduisit en date du 9 décembre 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 26 janvier 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 6 février 2004, lui envoyée par courrier recommandé expédié le 9 février 2004, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif que de nombreuses contradictions dans son récit laisseraient planer des doutes quant à l’intégralité de son passé et au motif de fuite invoqué. Le ministre a relevé à cet égard des incohérences au niveau de la date de naissance indiquée par Monsieur …, ainsi que le fait qu’il a déclaré auprès du service de police judiciaire avoir fait partie des rebelles, alors que lors de son audition en date du 26 janvier 2004 il a affirmé ne jamais avoir été rebelle, tout en relevant qu’il serait également peu crédible que Monsieur … n’aurait rien payé pour son voyage en Europe et qu’il ne puisse pas donner plus d’indications quant au trajet emprunté. Le ministre a fait état en outre des faibles connaissances du demandeur sur la Côte d’Ivoire qui seraient de nature à nourrir un doute quant à sa réelle nationalité, étant donné qu’il aurait cité des langues qui ne sont pas parlées en Côte d’Ivoire, qu’il ignorerait les départements, tout en en citant qui n’existent pas et que cette même constatation vaudrait pour les villes par lui indiquées. Le ministre a relevé finalement que Monsieur … a indiqué que les chrétiens seraient majoritaires alors qu’ils sont en réalité en minorité absolue et qu’il ne connaîtrait ni le concept d’ivoirité, ni le PDCI, de même qu’il ne connaîtrait pas le nom des rebelles alors que son père et son frère, d’après ses propres déclarations, en seraient membres. Le ministre a retenu finalement que la demande de Monsieur … ne correspondrait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, étant donné que sa peur de son père s’analyserait en une raison familiale et ne saurait dès lors fonder une demande en obtention du statut de réfugié. Le ministre a estimé finalement que la réaction de fuite de Monsieur … serait totalement démesurée par rapport aux faits par lui allégués et il relève qu’il ne ressortirait pas non plus du dossier qu’il aurait été impossible à Monsieur … de s’installer dans un autre département ou une autre ville de la Côte d’Ivoire et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne.

Le recours gracieux que Monsieur … a fait introduire par courrier de son mandataire datant du 10 mars 2004 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 6 février 2004 s’étant soldé par une décision confirmative du 26 avril 2004, il a fait introduire, par requête déposée le 26 mai 2004, un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles prévisées des 6 février et 26 avril 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que ce serait de manière péremptoire que le ministre a retenu que les éléments par lui invoqués, en l’occurrence le fait d’avoir fait l’objet de persécutions en raison de son refus d’accepter de faire partie des rebelles, de les rejoindre et de participer à la guerre, ainsi que la présence de menaces de mort et de mauvais traitements, ne sauraient fonder une demande d’asile politique au sens de la Convention de Genève. Il estime qu’il résulterait au contraire clairement de ses déclarations que sa crainte est liée au sort inéluctable de persécution, sinon d’exclusion dont il risquerait de faire l’objet de la part des rebelles. Pour illustrer ses propos, le demandeur se réfère à différents rapports fournis par des organisations internationales documentant la situation générale en Côte d’Ivoire. Estimant que sur la toile de fond de cette situation générale sa situation spécifique, telle que relatée à travers ses déclarations, justifierait pleinement son admission au statut de réfugié, il conclut partant à la réformation des décisions ministérielles litigieuses.

Il y a lieu de relever liminairement que les décisions ministérielles litigieuses, outre d’être motivées quant au fond par la considération que le motif de persécution invoqué par le demandeur ne saurait pas, de par sa nature, être utilement retenu pour justifier une demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, sont d’abord basées sur le constat d’un défaut de crédibilité et de cohérence au niveau du récit présenté par Monsieur … à l’appui de sa demande, le ministre, dans sa décision initiale du 6 février 2004, ayant fait état à cet égard de toute une série d’incohérences et d’éléments mettant en doute la crédibilité des déclarations de Monsieur …, et s’étant expressément référé aux dispositions de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée.

Le propre des motifs de refus prévus sur base dudit article 9 pour rejeter une demande d’asile comme étant manifestement infondée est de se situer à un stade généralement préalable à l’examen quant au fond proprement dit de la demande d’asile, de sorte qu’il y a lieu d’examiner d’abord si le ministre de la Justice a en l’espèce valablement pu considérer que la demande d’asile de Monsieur … pouvait être écartée comme étant manifestement dénuée de fondement en raison des incohérences et invraisemblances par lui invoquées, étant donné que le constat du caractère manifestement infondé d’une demande rend superfétatoire l’examen plus en avant de motifs présentés à son appui.

Or, concernant le motif de refus ci-avant évoqué basé sur l’invraisemblance et l’incohérence du récit présenté par Monsieur …, force est de constater que le demandeur n’a pas fourni le moindre élément tangible, voire une quelconque explication susceptible d’élucider sa situation au regard des interrogations pourtant clairement posées, de sorte que le tribunal, confronté à un dossier non autrement instruit sur ces points, ne peut que constater que ledit motif de refus n’a pas été utilement combattu, le demandeur n’ayant tout simplement pas pris position y relativement, de manière à ne pas avoir mis le tribunal en mesure d’engager utilement un quelconque débat afférent.

En effet, si le tribunal est certes investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond en la présente matière, il n’en demeure pas moins que saisi d’un recours contentieux, l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-

fondé des décisions litigieuses, lesquelles sont motivées à suffisance de droit et de fait par le seul motif de refus basé sur l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée.

Il s’ensuit que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18118
Date de la décision : 20/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-20;18118 ?

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