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20/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17107

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 octobre 2004, 17107


Tribunal administratif N° 17107 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 octobre 2003 Audience publique du 20 octobre 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l, …, contre une décision du ministre des Travaux Publics en matière de marchés publics

JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 17107 du rôle et déposée le 30 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limité

e … s.à r.l, établie et ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’a...

Tribunal administratif N° 17107 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 octobre 2003 Audience publique du 20 octobre 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l, …, contre une décision du ministre des Travaux Publics en matière de marchés publics

JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 17107 du rôle et déposée le 30 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l, établie et ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du 19 septembre 2003 du ministre des Travaux Publics l’informant que son offre faite dans le cadre de la soumission publique du 10 juin 2003 concernant des travaux de curage de fosses à exécuter le long de la voirie étatique pour le compte de l’Administration des Ponts et Chaussées a été refusée ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Luxembourg, du 5 mai 2004 portant signification de la précitée requête du 30 octobre 2003 à la société … s.a. ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 juillet 2004 par Maître Roy NATHAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … s.a., établie et ayant son siège social à L-… ;

Revu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

Ouï Maître Marc KERGER en ses plaidoiries complémentaires à l’audience publique du 18 octobre 2004, Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK s’étant rallié à ses écrits.

Par dossier daté du 5 juin 2003, la société à responsabilité limitée … s.à r.l, préqualifiée, ci-après désignée par « la société … », participa à la soumission publique de l’administration des Ponts et Chaussées pour des travaux de curage de fossés à exécuter le long de la voirie de l’Etat.

Par arrêté du 27 août 2003, le ministre des Travaux publics attribua le marché relatif aux travaux de curage de fossés à exécuter le long de la voirie de l’Etat à la société … s.a..

Par courrier du 28 août 2003, la société … s’adressa au président de la Commission des soumissions auprès du ministère des Travaux Publics pour s’opposer à l’attribution du marché à l’un de ses concurrents.

Par courrier du 19 septembre 2003, la société … relança le président de la Commission des soumissions auprès du ministère des Travaux Publics et exigea une prise de position dans les plus brefs délais.

Par courrier daté du même jour, notifiée à la société … le 30 septembre 2003, l’administrateur général du ministère des Travaux Publics informa la requérante au nom du ministre des Travaux Publics que l’offre qu’elle avait remise dans le cadre de la soumission publique relative au susdit marché avait été écartée pour les motifs suivants :

« La soumission a été ouverte le 5 juin 2003.

-

En théorie et conformément à l’ancienne (et à la nouvelle législation) le marché aurait dû être adjugé dans les deux mois après l’ouverture.

-

Comme l’administration avait eu des doutes quant à votre équipement à mettre en œuvre pour l’exécution elle a entamé le 11 juillet 2003 des pourparlers avec votre firme. Normalement la date de l’ouverture des offres aurait dû être la date-clé pour la preuve de justification de votre capacité technique.

-

Je constate donc que contrairement aux pratiques et contrairement au principe de l’équité de traitement à un même pied d’égalité, un certain délai vous a été accordé pour rapporter la preuve de la disponibilité de l’engin en cause (possibilité de location).

-

Le dossier de la proposition d’adjudication en faveur du 2e classé a été présenté le 5 août 2003 par la filière administrative et est parvenu ultérieurement à mes services.

-

C’est seulement le 26 août 2003 que vous avez pris contact avec l’administration des Ponts et Chaussées pour présenter l’engin.

-

L’adjudication s’est faite le 27 août 2003 au profit de votre concurrent et a été visée favorablement par le Contrôle Financier.

-

Je saisirai la Commission des Soumissions dont la nomination des membres se fera en date d’aujourd’hui par le Conseil de Gouvernement sur base de la loi du 30 juin 2003, sur les marchés publics, mise en vigueur le 1er septembre 2003, de votre réclamation. Il appartient à ladite Commission de s’exprimer, par voie d’avis sur le bien-fondé du refus de votre offre. (…) ».

Par courrier daté du 7 octobre 2003, l’ingénieur-chef de division de la division des services régionaux de la voirie – Luxembourg, administration des Ponts et Chaussées, a encore informé la société … des raisons techniques justifiant le rejet de son offre.

Par requête déposée le 30 octobre 2003, la société … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision de refus datée du 19 septembre 2003.

Elle critique les motifs avancés par le ministère des Travaux Publics pour écarter son offre et conteste le fait qu’elle aurait complété son dossier après dépôt de celui-ci, le dossier tel que déposé ayant été complet « à la lumière du cahier spécial de charge et de l’offre économiquement la plus avantageuse ». Elle estime par ailleurs que son offre aurait répondu à toutes les prescriptions du cahier spécial des charges, ce qui aurait d’ailleurs été confirmé par les tests exigés en violation de la loi par l’administration des Ponts et Chaussées.

Elle relève à ce sujet que l’issue de ces tests, imposés de manière illégale, ne saurait justifier le rejet de son offre.

Elle conteste encore tout dépassement du délai d’adjudication et estime qu’en tout état de cause un éventuel dépassement de ce délai, prescrit en faveur des soumissionnaires, ne saurait justifier le rejet de son offre.

Le délégué du Gouvernement pour sa part soulève l’irrecevabilité du recours en réformation formulé à titre principal.

En ce qui concerne le fond de l’affaire, il estime que le ministre aurait non seulement fait une saine application de la loi, mais relève encore que l’offre écartée n’était pas conforme aux exigences du cahier spécial des charges, de sorte que la requérante serait à débouter de son recours.

La société … résiste à cette argumentation et conteste le bien-fondé de la décision déférée en affirmant que son offre aurait été complète et aurait répondu à toutes les prescriptions du cahier spécial des charges.

Par jugement du 26 avril 2004 (n° 17107 du rôle), le tribunal, statuant à l’égard de toutes les parties, a reçu le recours en annulation en la forme et, avant tout autre progrès en cause, tous droits et moyens des parties étant réservés, a ordonné à la requérante de mettre en intervention la société … s.a., mise en intervention effectuée en date du 5 mai 2004.

Le mandataire de la société … s.a. a informé le tribunal par courrier du 18 octobre 2004 que sa mandante n’entendait pas intervenir dans le litige. Nonobstant ce fait, le tribunal statue néanmoins en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. contradictoirement à l’égard de toutes les parties, celles-ci ayant toutes été valablement informées du dépôt de la requête introductive d’instance.

En ce qui concerne le fond, le cahier spécial des charges, faisant partie intégrante du dossier de soumission, indique avoir pour objet le curage de fossés et précise, en tant que conditions particulières, que « les prestations comprennent le nettoyage et le curage de fossés dotés d’un profil trapézoïdal ». Le même cahier spécial des charges exige par ailleurs du soumissionnaire qu’il joigne « à son offre une description de l’engin excavateur qu’il compte mettre à la disposition de l’Administration ».

Il est constant en cause que l’offre soumise par … renseignait un engin soit de marque JCB, soit de marque O & K MH 2.5 / MH 3.5, chaque fois muni d’un godet standard, c’est-à-dire à deux parois parallèles, adapté à des tranchées à profil rectangulaire.

Il appert par ailleurs des pièces versées en cause par la requérante, et en particulier de l’attestation testimoniale produite, que les informations et documentations relatives au godet trapézoïdal n’ont été fournies qu’en date du 11 juillet 2003, soit après la date de l’ouverture de la soumission.

Il en résulte que la requérante a fourni après dépôt de son offre initiale et après ouverture de la soumission des pièces et renseignements concernant une variante non initialement prévue.

Si l’article 28 (10) du règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 portant institution d’un cahier général des charges applicable aux marchés publics de travaux et de fournitures pour compte de l’Etat prévoit effectivement la possibilité pour le soumissionnaire de compléter son offre avant l’adjudication, cette possibilité ne s’étend cependant qu’aux « données techniques ou économiques » de l’entreprise du soumissionnaire, c’est-à-dire à des données permettant au pouvoir adjudicateur d’apprécier les critères prévus par l’article 32 (3) du même règlement grand-ducal, c’est-

à-dire les capacités techniques et financières, la situation fiscale et parafiscale, les moyens d’organisation en outillage, matériel et personnel qualifié ainsi que le degré d’occupation de l’entreprise.

Cette disposition en revanche ne vise ni la fourniture des données techniques complémentaires ou de précisions techniques concernant l’objet même de la soumission, ni surtout, comme en l’espèce, la soumission de variantes non initialement prévues.

Bien au contraire, aux termes de l’article 30 (13) du prédit règlement grand-ducal du 2 janvier 1989, « il n’est pas tenu compte des changements et additions proposés par les soumissionnaires après l’ouverture des soumissions ».

Il s’ensuit que seule l’offre telle que déposée le 5 juin 2003 pouvait être prise en compte par le pouvoir adjudicateur : les développements de la partie requérante relatifs aux renseignements fournis par elle après l’ouverture de la soumission ainsi qu’à l’issue des essais du godet trapézoïdal effectués sur demande de l’administration des Ponts et Chaussées également après l’ouverture de la soumission sont dès lors à écarter comme étant non pertinents.

La requérante critique encore la décision déférée, qui motiverait le rejet de son offre par l’écoulement du délai de 2 mois prescrit par l’article 26 du règlement grand-

ducal précité.

Le tribunal constate cependant que la décision déférée n’entend pas justifier le rejet de l’offre de la requérante par l’écoulement du prédit délai, mais que cette décision répond aux courriers de la requérante datés des 28 août et 19 septembre 2003 par lesquels la requérante exprimait son espoir qu’une décision ne serait prise qu’une fois les essais exécutés, à savoir le 12 septembre 2003 : la décision déférée du 19 septembre 2003 explique seulement pourquoi le pouvoir adjudicateur n’a pas voulu étendre la faveur accordée - « contrairement aux pratiques et au principe de l’égalité de traitement à un même pied d’égalité » - au-delà de ce délai de 2 mois.

Le moyen de la requérante relatif au délai prescrit par l’article 26 du règlement grand-ducal précité est par conséquent à son tour à rejeter.

Comme relevé ci-avant, seule l’offre telle que déposée le 5 juin 2003 pouvait être prise en compte par le pouvoir adjudicateur. Il est à ce sujet constant en cause que cette offre renseignait un engin muni d’un godet à deux parois parallèles, adapté à des tranchées à profil rectangulaire, et ce alors que le cahier spécial des charges prévoyait expressément en son article 3, intitulé « Conditions particulières », le nettoyage et le curage de fossés à profil trapézoïdal.

La requérante fait plaider à ce sujet que le cahier spécial des charges ne prévoit aucune condition spécifique relative à l’engin excavateur, le cahier spécial des charges se bornant à imposer une description de cet engin, sans cependant pour autant prescrire des normes techniques ou caractéristiques particulières, et relève que l’engin excavateur serait parfaitement à même de prester les travaux de curage faisant l’objet de la soumission, pour en déduire que ce serait à tort que son offre aurait été écartée comme n’étant pas conforme aux prescriptions du cahier spécial des charges.

S’il est exact, ainsi que le soulève la requérante en termes de plaidoiries, que le cahier spécial des charges n’impose pas expressément à l’excavateur une configuration spécifique, en l’occurrence d’être doté d’un godet trapézoïdal, de sorte que l’offre d’un engin dépourvu d’un tel godet ne saurait, à elle seule, justifier son rejet, il n’en demeure pas moins que l’offre telle que déposée avant l’ouverture des soumissions doit être complète, en ce sens qu’elle doit indiquer la totalité des prestations nécessaires pour assurer la bonne exécution du marché.

Force est cependant de constater que la requérante admet dans le cadre de la procédure contentieuse que le godet rectangulaire tel qu’indiqué dans l’offre ne saurait seul aboutir à former des fossés trapézoïdaux, mais qu’il y aurait « lieu de travailler, à la fois, avec la pelle mécanique et avec des ouvriers récurant les fossés manuellement afin d’avoir un profil trapézoïdal », le mandataire de la requérante ayant précisé en termes de plaidoiries qu’il faudrait pour ce faire au moins deux ouvriers.

Il ne ressort pas du dossier de soumission que ces prestations supplémentaires aient fait l’objet d’une quelconque indication. Bien au contraire il appert que seul un total de 100 heures de régie a été prévu au poste 14 du bordereau de soumission pour des prestations de manœuvre, poste qui est commun à tous les soumissionnaires, de sorte qu’il s’en déduit que l’offre telle que déposée se limite à proposer un engin excavateur à godet à deux parois parallèles, impropre à effectuer le nettoyage et le curage de fossés à profil trapézoïdal sans intervention supplémentaire d’ouvriers, non prévue à cette fin au niveau de l’offre.

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu écarter l’offre de la requérante comme ne répondant pas aux prescriptions du cahier spécial des charges, de sorte que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, vidant le jugement du 26 avril 2004, au fond, déclare le recours en annulation non justifié et en déboute, condamne la requérante aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 octobre 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25.10.2004 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17107
Date de la décision : 20/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-20;17107 ?

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