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18/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18052

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 octobre 2004, 18052


Tribunal administratif N° 18052 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mai 2004 Audience publique du 18 octobre 2004

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Recours formé par la société X. S.A., … contre une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’enseignes publicitaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 18052 et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2004 Maître Nicolas DECKER, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme X. S....

Tribunal administratif N° 18052 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mai 2004 Audience publique du 18 octobre 2004

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Recours formé par la société X. S.A., … contre une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’enseignes publicitaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 18052 et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2004 Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme X. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 19 février 2004 refusant l’autorisation d’apposer sur la façade de l’immeuble sis au numéro … à E., diverses enseignes publicitaires pour les diverses publications du groupe X. ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé le 23 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie.

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A la suite d’une demande de dérogation sur base de l’article 9 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 relatif à la publicité visée aux articles 37 et ss. de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, ci-après dénommées « le règlement du 4 juin 1984 » et « la loi du 18 juillet 1983 », adressée le 15 octobre 2003 par la société X. S.A., ci-après dénommée « la société X. », à Madame le bourgmestre de la Ville d’E., et tendant à obtenir l’autorisation d’apposer à plat sur la façade principale et sur la façade latérale du bâtiment sis au numéro … à E., une enseigne publicitaire non lumineuse pour les diverses publications du groupe X. aux dimensions de 1250 x 75 cm, le prédit bourgmestre émit le 2 décembre 2003 un avis favorable en retenant qu’il y avait lieu d’accorder à la demanderesse l’autorisation sollicitée.

Le 28 janvier 2004, le groupe de travail « publicité » de la commission des sites et monuments nationaux, appelée à aviser en matière d’enseignes publicitaires la prédite demande d’autorisation de la société X. émit à l’unanimité de ses membres présents un avis négatif et refusa l’autorisation sollicitée « par dérogation aux dispositions du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 relatif à la publicité pour les motifs suivants : le projet est surdimensionné et incongru, en disharmonie totale avec la façade de ce bâtiment ».

Le 19 février 2004, le ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après dénommé « le ministre de la Culture », refusa de faire droit à l’autorisation sollicitée « par dérogation aux dispositions du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 relatif à la publicité pré-mentionné et suivant les données du dossier présenté pour le motif que le projet est surdimensionné et totalement incongru, en disharmonie fondamentale avec la façade de ce bâtiment (…) ».

Par requête déposée en date du 13 mai 2004, la société X. a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle de refus précitée du 19 février 2004.

Etant donné que ni la loi du 18 juillet 1983, ni aucune autre disposition légale ne prévoient un recours de pleine juridiction en la matière, le recours en annulation, introduit dans les formes et délai de la loi, et d’ailleurs non autrement contesté à ce sujet, est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse soutient à titre principal que la décision déférée serait illégale pour violation de l’article 36 de la Constitution, au motif que les critères d’autorisation de publicité, tels que prévus par le règlement grand-ducal du 4 juin 1984, dépasseraient le cadre de la disposition habilitante de l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983, de sorte qu’en application de l’article 95 de la Constitution, le tribunal ne pourrait pas appliquer le règlement grand-ducal du 4 juin 1984.

Elle soulève ensuite l’inconstitutionnalité de la loi du 18 juillet 1983, sur base de laquelle la décision déférée a été prise, au regard de la liberté du commerce et de l’industrie telle que garantie par l’article 11 (6) de la Constitution, à l’exception des restrictions à établir par le pouvoir législatif. Dans ce contexte, elle fait valoir que la publicité devrait être considérée comme faisant partie intégrante de la liberté du commerce et de l’industrie et que la loi du 18 juillet 1983, en ne déterminant pas elle-

même les critères auxquels les publicités doivent répondre, mais en laissant au pouvoir exécutif le soin de les définir, violerait ledit article 11 (6) de la Constitution.

En ordre subsidiaire, la demanderesse conclut à l’annulation de la décision attaquée pour violation de la loi, dans la mesure où le motif libellé dans ladite décision, à savoir que « le projet est surdimensionné et totalement incongru, en disharmonie fondamentale avec la façade de ce bâtiment », ne constituerait pas un des critères fixés par le règlement grand-ducal du 4 juin 1984 sur lesquels le ministre de la Culture, ayant une compétence liée en cette matière, pourrait se baser pour motiver légalement sa décision. Elle ajoute que le motif de refus serait le résultat d’une appréciation subjective dénuée de tout fondement juridique.

En ordre plus subsidiaire, la demanderesse conclut à l’illégalité de la décision déférée pour violation, principalement de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en ce que l’avis de la commission des sites et monuments émis préalablement à la décision litigieuse ne serait pas motivé en droit, emportant ainsi l’illégalité de la décision déférée basée sur cet avis irrégulier et, subsidiairement de l’article 6 du prédit règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en ce qu’elle ne reposerait sur aucune motivation en fait et en droit, étant donné qu’elle se bornerait à renvoyer simplement à la loi du 18 juillet 1983 précitée et au règlement grand-ducal du 4 juin 1984, sans indication des articles spécifiquement appliqués en l’espèce et sans préciser les circonstances de l’espèce sur lesquelles elle se fonde.

En ordre encore plus subsidiaire, la demanderesse conclut à l’illégalité de la décision attaquée pour excès de pouvoir, dans la mesure où elle est basée sur l’article 9 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984, au motif que l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983 n’habiliterait pas le pouvoir exécutif à subordonner certaines publicités à une autorisation ministérielle, de sorte que le ministre de la Culture n’aurait pas été habilité ni à délivrer ni à refuser la délivrance de l’autorisation et que ledit article 9 devrait conformément à l’article 95 de la Constitution rester sans application.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en la présente affaire.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif n’est pas obligé de respecter l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par la demanderesse mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent.

Ceci dit, il convient d’analyser en premier lieu le moyen d’annulation tiré de l’absence de motivation de la décision incriminée avant d’examiner les autres moyens exposés par la demanderesse à l’appui de son recours.

La demanderesse soulève dans ce contexte à titre principal la violation de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité.

Etant donné que l’avis de la commission des sites et monuments nationaux prend soin d’indiquer que celle-ci a avisé sur base des dispositions du règlement grand-ducal du 4 juin 1984, ledit avis se trouve légalement motivé, sans avoir dû viser spécifiquement les articles du règlement grand-ducal ainsi indiqué, aucune méprise n’ayant d’ailleurs pu être constatée dans le chef de la demanderesse, de sorte que le moyen tiré de la prétendue violation de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est à écarter.

Quant à la violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, celui-ci dispose que toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et elle doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé.

La sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (cf. Cour adm. 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, Pas. adm.

2003, V° Procédure administrative non contentieuse, III. Motivation de la décision administrative, n°44, et autres références citées).

En outre, le défaut d’indiquer dans la décision la disposition légale qui constitue son fondement n’encourt pas de sanction, dès lors que les raisons fournies sont suffisamment explicites pour permettre au destinataire de la décision de les rattacher à la disposition légale visée par l’administration.

En l’espèce, les éléments de motivation contenus dans la décision attaquée, ensemble les informations qui se dégagent de l’avis de la commission des sites et monuments nationaux du 28 janvier 2004, sont suffisamment précis pour permettre à la partie demanderesse d’assurer la sauvegarde de ses intérêts et, sans méprise ni quant aux dispositions légales sur lesquelles la décision querellée est fondée, ni sur les circonstances de fait qui ont conduit le ministre de la Culture à appliquer ces dispositions légales, de faire valoir tels moyens et arguments qu’elle a jugés nécessaires ou utiles, de sorte que le moyen afférent manque de fondement.

Il convient ensuite d’examiner le moyen soulevé à titre principal et tiré de la violation de l’article 36 de la Constitution, en ce que les critères d’autorisation de publicité prévus par le règlement grand-ducal du 4 juin 1984 dépasseraient le cadre de la disposition habilitante de l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983.

Il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 95 de la Constitution, le tribunal n’applique un règlement grand-ducal qu’autant qu’il est conforme aux lois, de sorte qu’il lui appartient d’examiner si la mesure réglementaire qui lui est soumise est, ou n’est pas contraire à la loi, notamment au vu du cadre par elle fixé.

Force est de constater que la décision attaquée se réfère dans ses visas à la fois à la loi du 18 juillet 1983 et au règlement grand-ducal du 4 juin 1984.

Au vœu de l’article 37 de la loi du 18 juillet 1983, on entend par publicité « tout dispositif optique établi en vue de la publicité, quels que soient l’objet de la publicité et l’emplacement du dispositif, à l’exception de la publicité produisant son effet exclusivement vers l’intérieur des immeubles ».

Aux termes de l’article 38 de la même loi, « toute publicité qui n’est pas conforme aux critères à définir par règlement grand-ducal est interdite ».

La disposition habilitante de l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983 confère au pouvoir exécutif le droit de définir les critères auxquels toute publicité devra répondre pour être légalement permise.

Dans la mesure où elle constitue une délégation de pouvoir conférée par le législateur au pouvoir exécutif, les mesures habilitantes contenues dans une disposition législative sont à appliquer à la lettre dans le cadre formel du texte portant habilitation en suivant pour autant que possible son libellé. En effet, le règlement est subordonné à la loi et doit se borner à mettre en œuvre celle-ci, ne pouvant ni l’étendre, ni la restreindre, ni la modifier.

Selon l’exposé des motifs de la loi du 18 juillet 1983, le règlement grand-ducal à prendre ne devait fixer que des détails techniques concernant notamment les dimensions des dispositifs publicitaires.

Or, force est de constater que les critères d’autorisation tels que prévus par les articles 1er à 8 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 ne font que régler les détails techniques et plus particulièrement les dimensions des dispositifs publicitaires. En effet, les articles 1er, 7 et 8 dudit règlement déterminent l’endroit où la publicité peut être placée et les articles 2 à 6 en fixent les dimensions.

Il en suit que le règlement du 4 juin 1984 en fixant les critères d’autorisation auxquels la publicité doit répondre pour être légalement permise ne sort pas du cadre de la disposition habilitante de l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983, de sorte que le moyen afférent de la demanderesse est à écarter comme non fondé.

La demanderesse soulève encore l’inconstitutionnalité de la loi du 18 juillet 1983 laquelle, en ne déterminant pas elle-même les critères auxquels les publicités doivent répondre, mais en laissant au pouvoir exécutif le soin de les définir, violerait l’article 11 (6) de la Constitution qui garantit la liberté du commerce, sauf les restrictions à établir par le pouvoir législatif.

L’article 11 (6) de la Constitution dispose que « la loi garantit la liberté de commerce et de l’industrie, l’exercice de la profession libérale et du travail agricole, sauf les restrictions à établir par le pouvoir législatif ».

Etant donné que la prédite disposition constitutionnelle permet au pouvoir législatif d’établir des restrictions à la liberté du commerce, force est de constater que le prédit article 38 de la loi du 18 juillet 1983 en se bornant à tracer le grand principe et en laissant au pouvoir réglementaire la mise en œuvre du détail n’est pas contraire à la disposition constitutionnelle précitée, de sorte que le moyen d’inconstitutionnalité soulevé est dénué de tout fondement.

La demanderesse reproche ensuite au ministre de la Culture d’avoir basé sa décision sur un motif de refus qui ne figurerait pas parmi les critères d’autorisation de publicité fixés par le règlement grand-ducal du 4 juin 1984.

Or, étant donné que la décision attaquée a été prise sur base de l’article 9 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984, qui permet au ministre de la Culture d’accorder des dérogations aux critères fixés par les articles 1er à 8 dudit règlement, il convient d’examiner ce moyen ensemble avec le moyen tiré de l’illégalité de la décision attaquée pour excès de pouvoir, l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983 n’habilitant pas le pouvoir exécutif à subdéléguer en la matière les autorisations à un ministre, de sorte que l’article 9 du règlement grand-ducal devrait conformément à l’article 95 de la Constitution, rester sans application.

Il est constant que la ville d’E. ne figure pas parmi celles énumérées à l’article 13 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 pour lesquelles, d’après l’article 12 du même règlement, toute publicité, au sens de l’article 37 précité, est subordonnée à l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles. En effet, pour les localités énumérées à l’article précité, toutes les publicités sans exception doivent être autorisées préalablement par ledit ministre, même celles visées aux articles 1er à 8 du même règlement et qui n’excéderaient pas les limites y prévues, ainsi que cette prescription est prévue par l’article 12 alinéa 2 du même règlement.

Par voie de conséquence pour les autres localités, non énumérées à l’article 13, il est de principe qu’aucune autorisation ministérielle n’est requise, dans la mesure où les publicités s’inscrivent dans le cadre des prescriptions des articles 1 à 8 dudit règlement grand-ducal du 4 juin 1984 et ce n’est qu’au cas où une dérogation aux prescriptions desdits articles 1 à 8 devait être sollicitée, que le ministre de la Culture peut accorder pareille dérogation suivant les modalités plus amplement prévues à l’article 9 du même règlement.

En l’espèce, il convient d’examiner si les publicités apposées par la société X.

dépassent le cadre des prescriptions des articles 1er à 8 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984, dans la mesure où, dans ce cas de figure, une dérogation aux prescriptions desdits articles 1er à 8 doit être sollicitée auprès du ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles au vœu de l’article 9 du même règlement.

Eu égard aux dispositions contenues aux articles 1er à 8 du règlement grand-

ducal, qui contiennent une distinction quant à la forme de la publicité à apposer suivant qu’il s’agit d’une publicité posée à plat ou en saillie, notamment sous forme de panneaux, ou d’une publicité qui se fait par des lettres aux contours découpés, tel que prévu par l’article 3, peu importe dans ces cas de savoir s’il s’agit d’une réclame ou d’une enseigne, il y a lieu d’examiner les conditions d’admission de ces publicités au vu de la demande présentée par la société X..

Concernant l’apposition d’une enseigne non lumineuses simple face posée à plat sur la façade principale et latérale aux dimensions de 1250 x 75 cm = 9,38 m2, il n’est pas contesté par la demanderesse que le dispositif publicitaire projeté ne répond pas aux exigences de l’article 2 du règlement grand-ducal précité qui dispose que «posée à plat, une enseigne de firme ou une réclame ne peut excéder en surface, cadre compris, 1,5 m2, ni dépasser les bords de la façade », ni qu’elle remplit les conditions fixées par une autre disposition des articles 1er à 8 du règlement grand-

ducal du 4 juin 1984, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Culture a analysé la demande par rapport aux dispositions dérogatoires prévues par l’article 9 dudit règlement grand-ducal du 4 juin 1984, qui dispose que « sur demande motivée à présenter à l’Administration communale, et sur l’avis de celle-ci, le ministre ayant dans ses attributions les Affaires culturelles peut accorder, la Commission des sites et monuments nationaux entendue en son avis, des dérogations aux dispositions qui précèdent (…) ».

Aux termes de l’article 95 de la Constitution, le tribunal n’applique un règlement grand-ducal qu’autant qu’il est conforme aux lois, de sorte qu’il lui appartient d’examiner si la mesure réglementaire qui lui est soumise est ou n’est pas contraire à la loi, notamment au vu du cadre par elle fixé.

Or, aux termes de la disposition habilitante de l’article 38 citée ci-avant de la loi du 18 juillet 1983, ledit article ne confère au pouvoir exécutif que le seul droit de définir les critères auxquels toute publicité devra répondre pour être légalement permise, sans toutefois habiliter le pouvoir exécutif à subdéléguer en cette matière son application à un ministre.

Il en résulte que l’article 9 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984, en ce qu’il prévoit que le ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles peut accorder des dérogations sans autrement définir des critères afférents, sort du cadre de la disposition habilitante de l’article 38 précité.

A défaut de toute autre disposition légale habilitante, le tribunal administratif doit refuser l’application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984, conformément à l’article 95 de la Constitution, aux termes duquel les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois (cf. C.E. 3 février 1988, n° 7928 du rôle; C.E. 26 avril 1988, n° 7921 du rôle, trib. adm. 16 février 1998, n° 10130 et 10131 du rôle, Pas. adm.

2003, V° Sites et Monuments, n° 4, et autres références y citées).

Il se dégage de ce qui précède à propos du dispositif publicitaire à apposer sur l’immeuble de la société X., que le ministre de la Culture n’était pas habilité à délivrer une autorisation dérogatoire aux prescriptions normales inscrites aux articles 1er à 8, tel que cela est prévu par l’article 9 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984, de sorte que le moyen de refus retenu en l’espèce et basé sur le caractère « surdimensionné et totalement incongru, en disharmonie fondamentale avec la façade » n’a pas pu être utilement invoqué pour justifier la décision litigieuse.

Si le ministre de la Culture a ainsi certes excédé ses pouvoirs en statuant par dérogation sur la demande lui adressée, il n’en demeure pas moins que la décision attaquée reste légalement motivée dans son refus et qu’il y a lieu de retenir, par substitution des motifs ci-avant énoncés, que la décision de refus déférée est justifiée par application de l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983 qui interdit toute publicité qui n’est pas conforme aux critères fixés par les articles 1er à 8 du règlement grand-

ducal du 4 juin 1984.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre la décision ministérielle du 19 février 2004 est à rejeter comme étant non fondé.

Compte tenu du fait que la non-conformité de l’article 9 du règlement grand-

ducal du 4 juin 1984 à l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983 a été constatée à plusieurs reprises déjà tant au niveau des juridictions administratives qu’à l’époque par le Comité du contentieux du Conseil d’Etat, mais que malgré cette jurisprudence constante aucune initiative tendant à la clarification de cette situation n’a été prise, il serait inéquitable de laisser les frais de l’instance à charge de la partie demanderesse qui, compte tenu des textes actuellement encore en vigueur, a valablement pu croire en la possibilité d’une dérogation en la matière. Au-delà de l’issue du litige, il y a partant lieu de condamner l’Etat aux frais.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 18 octobre 2004 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18052
Date de la décision : 18/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-18;18052 ?

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