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18/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17967

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 octobre 2004, 17967


Tribunal administratif N° 17967 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 avril 2004 Audience publique du 18 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17967 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mo

nsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégri...

Tribunal administratif N° 17967 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 avril 2004 Audience publique du 18 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17967 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo / Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 22 mars 2004, confirmant sur recours gracieux une décision du même ministre datant du 19 janvier 2004 ayant porté refus de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Virginie ADLOFF, en remplacement de Maître Edmond DAUPHIN, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 octobre 2004.

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Le 14 octobre 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, il fut entendu par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Il fut entendu en outre le 13 novembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 19 janvier 2004, notifiée par courrier recommandé expédié le 26 janvier 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif que ses dires traduiraient davantage un sentiment général d’insécurité qu’une réelle crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et que d’une manière générale les minorités au Kosovo ne devraient plus craindre des attaques directes contre leur sécurité à l’heure actuelle.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 20 février 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice prit une décision confirmative le 22 mars 2004.

Le 26 avril 2004, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux contre la décision ministérielle prévisée du 22 mars 2004.

Le demandeur fait exposer à l’appui de son recours que contrairement à ce qui a été retenu par le ministre, les jeunes Bosniaques seraient la cible d’exactions pratiquement permanentes de la part de certains Kosovars qui veulent « épurer » ce qu’ils considèrent comme leur pays, en l’occurrence le Kosovo, de même que certaines régions attenantes où l’albanais est parlée. Il fait valoir que les forces de sécurité internationales aux effectifs réduits ne seraient pas à même de protéger efficacement les minorités, ce constat se trouvant à son avis conforté par le fait que le chef du gouvernement luxembourgeois aurait affirmé à la télévision qu’il ne refoulerait temporairement du moins personne vers le Kosovo où la situation serait toujours critique au plus haut point.

Il se réfère pour le surplus aux évènements de fin mars 2004 qui auraient constitué des débordements d’une violence extrême, ainsi qu’à une recommandation du Haut commissariat des Nations Unies aux réfugiés datant de mars 2004 adressée aux autorités chargées du traitement des demandes d’asile afin qu’elles n’opposent des refus à des requêtes d’asile qu’avec la prudence requise ou plutôt fassent droit aux requêtes émanant de membres de minorités.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que ceux-ci seraient à débouter de leur recours. Il relève que la simple appartenance à une minorité ethnique ne justifierait pas à elle seule l’octroi du statut de réfugié. Il expose encore qu’une crainte de persécutions par les Albanais du Kosovo ne serait pas admissible au sens de la Convention de Genève, étant donné qu’ils ne sauraient constituer des agents de persécution au sens de cette convention. Il se réfère pour le surplus à un rapport de l’UNHCR de janvier 2003 sur la situation des minorités au Kosovo suivant lequel les Bosniaques n’auraient, en règle générale, plus à craindre des attaques directes contre leur sécurité tout en faisant valoir que cette conclusion vaudrait particulièrement pour les bosniaques de la région de Pec. Enfin, il reproche au demandeur de ne pas avoir fait usage des possibilités de fuite interne.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant au fond, l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeurs lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater qu’au-delà d’incidents mineurs sous forme d’insultes, bousculements ou provocations verbales, le demandeur n’a pas fait état de persécutions personnellement subies et que s’il a certes vécu dans un état généralisé de crainte, il n’a pas pour autant fait l’objet de persécutions spécifiques laissant supposer un danger sérieux pour sa personne.

Or, une crainte de persécution susceptible de justifier l’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des persécutions.

En l’espèce il se dégage à suffisance du rapport d’audition du 13 novembre 2003 que les raisons ayant poussé le demandeur à quitter son pays d’origine ont trait d’une manière générale au malaise caractérisant les relations interethniques au Kosovo et que partant sa situation individuelle ne se distingue pas fondamentalement de celle de ses concitoyens globalement considérés qui, même si c’est à des degrés variables, doivent tous faire face aux difficultés d’une situation d’après guerre.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare le recours non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17967
Date de la décision : 18/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-18;17967 ?

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