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18/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17958

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 octobre 2004, 17958


Tribunal administratif N° 17958 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2004 Audience publique du 18 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17958 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …(Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténÃ

©grine, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 22 janvier 200...

Tribunal administratif N° 17958 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 avril 2004 Audience publique du 18 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17958 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …(Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 22 janvier 2004, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du 22 mars 2004 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH à l’audience publique du 11 octobre 2004.

Monsieur … introduisit en date du 12 septembre 2003 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 7 novembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 22 janvier 2004, lui envoyée par courrier recommandé expédié le 27 janvier 2004, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif que les éléments par lui invoqués traduiraient plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Le ministre a relevé d’abord à l’appui de la décision litigieuse un refus de collaboration caractérisé dans le chef de Monsieur … dégagé du fait qu’il ne serait plus venu prolonger son attestation de demandeur d’asile depuis le mois d’octobre 2003. Le ministre a relevé en outre certaines incohérences et invraisemblances au niveau du récit présenté par Monsieur … à l’appui de sa demande d’asile en considérant notamment qu’il serait fort étonnant qu’en tant qu’albanais il aurait voulu intégrer la police serbe et qu’au niveau de ses déclarations il n’a pas indiqué avoir été recherché par la police en raison d’un prétendu support financier accordé à l’UCPMB. Le ministre a souligné en outre que d’après les déclarations mêmes du demandeur, la police était au courant de son retour à Bujanovic depuis 2001 et qu’elle aurait dès lors pu l’arrêter à ce moment-là pour les mêmes faits.

Le recours gracieux que Monsieur … a fait introduire par courrier de son mandataire datant du 1er mars 2004 à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 22 janvier 2004 s’étant soldé par une décision confirmative du 22 mars 2004, il a fait introduire, par requête déposée le 23 avril 2004, un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles prévisées des 22 janvier et 22 mars 2004.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que les menaces dont il aurait fait l’objet et auxquelles il risquerait d’être exposé en cas de retour dans son pays d’origine se dégageraient à suffisance du procès-verbal d’audition dressé en date du 7 novembre 2003 en ce qu’il a déclaré notamment que « des amis et la famille des emprisonnés, qui les ont visités m’ont dit qu’il existe une liste sur laquelle figure des noms. Cette liste était rédigée par le service secret de la Serbie. Je figure aussi sur cette liste. Il y a différentes catégories. Moi je figure sous la catégorie d’avoir apporté des fonds pour des armes (…) pour l’UCPMB (…) personnellement je n’étais pas dans l’UCPMB. Deux cousins ont été tués dans leur propre maison par la police. La police était chez eux. Ils ont aussi demandé de pouvoir parler avec moi. Ils ont soupçonné mes deux cousins de la même chose que moi, puis ils les ont tué. » Le demandeur estime que sur base de ses déclarations il serait établi que les autorités serbes sont convaincues de sa prétendue participation au financement de l’UCPMB au point que les services secrets de Serbie auraient fait apparaître son nom sur une liste de personnes à emprisonner. Dans la mesure où il se trouverait de ce fait dans la même situation que celle ayant conduit à l’assassinat de ses deux cousins, Monsieur … estime dès lors remplir les conditions d’octroi du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

Il se dégage des pièces versées au dossier et plus particulièrement des déclarations du demandeur que les craintes par lui invoquées ont trait à un risque de persécution alléguée de la part de la police secrète serbe qui le soupçonnerait d’avoir fourni des fonds pour l’achat d’armes au profit de l’UCPMB pendant le conflit du Kosovo.

Force est cependant de constater que le demandeur reste en défaut de faire état, voire d’alléguer un quelconque élément de rattachement de ses craintes à l’un des critères d’égibilité énoncés par l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, de sorte qu’en l’état actuel du dossier, le tribunal ne perçoit pas le cadre précis du débat juridique que le demandeur entend voir engager dans la procédure contentieuse sous examen. En effet, le demandeur ne fait état ni d’opinions politiques ni d’une quelconque appartenance à un certain groupe social qui auraient engendré des persécutions au sens de la Convention de Genève dans son chef, mais se limite à soutenir que les faits par lui invoqués expliqueraient des craintes reposant sur les critères énoncés par la Convention de Genève, sans pour autant énoncer, ne serait-ce que sommairement, les raisons qui lui font admettre ce rapprochement.

Il s’y ajoute que le ministre, tel que relevé ci-avant, a fait état dans la décision litigieuse du 22 janvier 2004 de manière précise et circonstanciée de toute une série d’invraisemblances au niveau du récit présenté par Monsieur … à l’appui de sa demande d’asile, mais que ce dernier n’a pas fourni le moindre élément tangible, voire une quelconque explication susceptible d’élucider sa situation au regard des interrogations pourtant clairement posées, de sorte que le tribunal, confronté à un dossier non autrement instruit sur ces points, ne peut que partager les doutes relevés à travers la décision ministérielle litigieuse initiale.

La même conclusion s’impose relativement au motif d’un refus de collaboration caractérisé explicitement reproché à Monsieur … par le ministre dans sa décision du 22 janvier 2004, étant donné que le demandeur, loin de combattre ledit motif de refus, n’a pas pris position du tout à ce sujet, de manière à ne pas avoir mis le tribunal en mesure d’engager utilement un quelconque débat afférent.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier, le tribunal, appelé à toiser un litige dans le cadre des moyens qui lui sont présentés, ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé des décisions litigieuses.

Il s’ensuit que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17958
Date de la décision : 18/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-18;17958 ?

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