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18/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17732

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 octobre 2004, 17732


Numéro 17732 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mars 2004 Audience publique du 18 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de X.

en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17732 du rôle, déposée le 11 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avoca

t à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, indé...

Numéro 17732 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mars 2004 Audience publique du 18 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du bourgmestre de la commune de X.

en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17732 du rôle, déposée le 11 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, indépendant, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de X. le mettant en demeure de procéder dans le délai d’un mois à la suppression de constructions non autorisées réalisées dans une maison lui appartenant et érigée sur une parcelle sise à X., au lieu-dit « … », inscrite au cadastre de la commune de X., section B …, sous le numéro 704;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 11 mars 2004, portant signification dudit recours à l'administration communale de X.;

Vu le mémoire en réponse déposé le 8 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l'administration communale de X., ce mémoire ayant été notifié par voie de télécopie au mandataire de Monsieur … en date du 8 juin 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2004 par Maître Fernand ENTRINGER pour compte de Monsieur …, ce mémoire ayant été notifié au mandataire de la commune de X. le même jour;

Vu le mémoire en duplique déposé le 8 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH pour le compte de l'administration communale de X., ce mémoire ayant été notifié par voie de télécopie au mandataire de Monsieur … le même jour;

Vu les pièces versées en cause et notamment le courrier critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Benoît ENTRINGER, en remplacement de Maître Fernand ENTRINGER, et Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 octobre 2004.

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Ayant acquis une maison avec dépendances et piscine extérieure érigées sur une parcelle à X., au lieu-dit « … », inscrite au cadastre de la commune de X., section B …, sous le numéro 704, parcelle classée en la zone rurale prévue par le plan d’aménagement général de la commune de X. (PAG), Monsieur …, préqualifié, avait entamé des travaux de construction sur cet immeuble, lorsque l’administration communale attira, par lettre du 2 septembre 2002, son attention sur la nécessité d’un permis de construire et d’une autorisation de la part du ministre de l’Environnement pour ces travaux et l’invita à entamer les démarches requises à cet égard.

Suite à la demande afférente de Monsieur … du 3 octobre 2002, le Ministre de l’Environnement accorda le 5 novembre 2002 l’autorisation, conformément à la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, pour l’exécution des travaux suivants sous les conditions ainsi précisées :

« En réponse à votre requête du 3 octobre 2002 par laquelle vous sollicitez l’autorisation de procéder -

au renouvellement de la toiture d’une construction existante et d’une piscine, -

à l’enlèvement d’une cabane en bois et d’une roulotte sur un fonds sis à X., au lieu-dit « … », inscrit au cadastre de la commune de X., section B …, sous le numéro 704, j’ai l’honneur de vous informer qu’en vertu de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je vous accorde l’autorisation sollicitée aux conditions suivantes :

1. Les travaux seront exécutés sur un terrain sis à X., inscrit au cadastre de la commune de X., section B …, sous le numéro 704 et situé au lieu-dit « … ».

2. L’enlèvement de la petite cabane en bois ainsi que l’enlèvement de la roulotte vétuste se feront selon les règles de l’art. Le matériel enlevé sera recyclé selon les règles de l’art dans le respect de la loi.

3. Le renouvellement de la couverture du toit de la maison existante sera exécuté à l’aide d’un matériau gris-ardoise. Le papier goudronné sera recyclé selon les règles de l’art et conformément à la loi.

4. La piscine existante à l’extérieur pourra être renouvelée en respectant les mêmes dimensions ».

Suite à la demande afférente de Monsieur … du 3 octobre 2002, le bourgmestre de la commune de X., ci-après désigné par le « bourgmestre », lui délivra le 15 janvier 2003 le permis de construire libellé comme suit :

« Faisant suite à votre demande du 7 octobre 2002, j’ai l’honneur de vous délivrer l’autorisation relative au renouvellement des couverture de toiture et piscine à ciel ouvert existantes ainsi qu’à la démolition d’un abri en bois sous réserve des conditions spéciales ci-après :

-

procéder au seul renouvellement du matériel de couverture de toiture sans modifier les cotes de la toiture en question ;

-

remplacer la piscine sous réserve de respecter les mêmes implantation et dimensions ;

-

observer les prescriptions de l’autorisation établie par le Ministère de l’Environnement en date du 5 novembre 2002 ;

-

respecter les droits généralement quelconques de tiers.

Je me permets toutefois de vous rappeler que les fonds cités en marge font partie du secteur rural. Dès lors, seuls des travaux de rénovation pourront être apportés à l’immeuble existant. Les travaux de transformation ou d’agrandissement respectivement tout changement d’affectation apportée aux différents locaux sont contraires aux prescriptions du plan d’aménagement général en vigueur.

Veuillez agréer, … » Suite au refus de l’entreprise de toiture chargée par lui de poursuivre le chantier en l’état en raison de l’état délabré des maçonneries et boiseries de support qui ne soutiendraient pas le poids d’une toiture et sur l’avis dans le même sens de l’architecte V. G., Monsieur … fit procéder à la destruction des murs de l’étage supérieur de la maison en cause et à leur reconstruction.

Ayant constaté ces travaux de démolition et de reconstruction partielle des murs de la maison susvisée, le bourgmestre prononça en date du 11 décembre 2003 la fermeture immédiate du chantier sur le fonds prévisé.

Se conformant à un courrier afférent du préposé forestier du triage de Mamer du 18 février 2004 le rendant attentif au défaut d’une autorisation ministérielle pour les travaux de reconstruction partielle des murs, Monsieur … soumit le 19 février 2004 une demande d’autorisation y relative au ministre de l’Environnement qui lui délivra l’autorisation afférente le 13 mai 2004 sous la condition d’une reconstruction aux mêmes dimensions que les anciens murs.

Le bourgmestre adressa le 13 février 2004 à Monsieur … un courrier libellé comme suit :

« Monsieur, Par arrêté du 11 décembre 2003, j’ai fait arrêter tous les travaux en train d’être exécutés sur votre terrain sis à X., inscrit au cadastre sous le no 704, section B dite …, lieu-

dit « … ».

Vous avez en effet procédé à des travaux supplémentaires par rapport à ceux qui étaient autorisés par mon permis de bâtir du 15 janvier 2003.

Etant donné que d’après le Plan d’Aménagement Général de la commune votre terrain est classé en zone rurale, aucun permis de bâtir pour une construction à usage d’habitation ne saurait être délivré.

Seuls des travaux de rénovation de l’immeuble existant étaient envisageables et ont été autorisés par mon permis du 15 janvier 2003.

Or, vous avez fait procéder à une destruction de l’immeuble existant jusqu’au niveau de la cave et vous aviez commencé à entreprendre une toute nouvelle construction.

Ce faisant vous avez agi en violation de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, du Plan d’Aménagement Général et du Règlement sur les bâtisses de la commune et de mon permis de construire.

En conséquence, je vous mets en demeure de procéder à la suppression des constructions non autorisées endéans un délai d’un mois.

A défaut de réserve à la présente des suites qui s’imposent, je me propose d’agir en justice à votre encontre. Je me permets à cet égard de vous rendre attentif au fait que les infractions aux dispositions précitées sont passibles de poursuites pénales.

Veuillez agréer, … ».

Par requête déposée le 11 mars 2004, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation de ce courrier du bourgmestre du 13 février 2004.

Etant donné qu’aucune disposition légale n’instaure un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

La commune de X. soulève le moyen d’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation en soutenant que le courrier déféré du 13 février 2004 ne comporterait aucun élément décisionnel, mais constituerait seulement « une simple déclaration d’intention de procéder à une action en justice, précédée d’un exposé des motifs qui amènent la commune d’agir en ce sens », entraînant qu’il ne constituerait pas une décision administrative susceptible de recours.

Le demandeur fait répliquer que le bourgmestre, en lui ordonnant de supprimer les travaux exécutés dans le délai d’un mois, aurait pris une décision de nature à lui faire grief et d’affecter sa situation personnelle et patrimoniale.

La commune de X. fait dupliquer que le courrier litigieux du bourgmestre du 13 février 2004 serait une mise en demeure mettant en œuvre l’arrêté de fermeture de chantier du 11 décembre 2003 et constituant un préalable à une éventuelle action en justice devant les juridictions pénales, de manière qu’il serait à qualifier d’acte d’exécution n’ayant pas d’existence propre et donc non susceptible d’un recours.

L'acte émanant d'une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l'intention de l'autorité qui l'émet, une véritable décision, à qualifier d'acte de nature à faire grief, c'est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l'acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n'est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible de faire l'objet d'un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief (trib. adm. 18 mars 1998, n° 10286, Pas. adm. 2003, v° Actes administratifs, n° 4).

Afin de clarifier si le courrier critiqué du bourgmestre du 13 février 2004 constitue une décision de nature à faire grief, force est de constater que l’article 58 alinéa 3 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, encore en vigueur à la date de l’émission du courrier litigieux du 13 février 2004, dispose que « le juge pourra ordonner la suppression des travaux exécutés ainsi que le rétablissement des lieux dans leur état primitif, aux frais des contrevenants. La commune ou, à son défaut, l’Etat pourront se constituer partie civile ».

Il découle de cette disposition légale que, si le pouvoir de la police des bâtisses dont est investi le bourgmestre englobe la compétence pour vérifier la conformité de projets de construction aux règles d’aménagement applicables et conférer les autorisations afférentes ainsi que pour empêcher la continuation de tous travaux de construction contraires aux règles d’aménagement ou non couverts par une autorisation afférente, le juge judiciaire est seul compétent pour ordonner la suppression de constructions érigées illégalement et la remise en pristin état d’un site, laquelle constitue non pas une peine mais un mode particulier de réparation ou de restitution destiné à mettre fin à une situation contraire à la loi résultant de l’infraction et nuisant à l’intérêt public (Cour cass. 9 janvier 1992, Pas. 28, p. 182), de manière que cette attribution échappe dans cette mesure à la fois au bourgmestre de même qu’au tribunal administratif saisi dans le cadre d’un recours contentieux.

Cependant, à un stade précontentieux, il est admis que le bourgmestre invite un administré à enlever une construction érigée sans permis de construire avec comme conséquence la remise des lieux en leur pristin état, cette invitation pouvant comme en l’espèce, revêtir la forme d’une sommation assortie de délais, proportionnée à la gravité apparente de la situation en fait, du moment qu’il appert que cette invitation constitue la conséquence découlant directement d’un arrêté de fermeture d’un chantier illégal et est préalable à des poursuites judiciaires que l’administration communale envisage d’entamer afin d’obtenir la condamnation de l’auteur de l’infraction à l’exécution des mesures prévues par l’article 58 alinéa 3 précité. Une telle invitation ne constitue pas une décision autonome de nature à faire grief, étant donné qu’elle n’a pas pour effet de créer à charge de l’administré concerné une nouvelle obligation dans la mesure où l’illégalité des travaux exécutés découle des dispositions du plan d’aménagement et du règlement sur les bâtisses et où l’obligation légale de la suppression des travaux illégaux ne peut découler que d’un jugement. Une telle invitation doit plutôt être considérée comme mesure d’exécution préliminaire de l’arrêté de fermeture de chantier dans la saine intention de conférer à l’administré l’occasion d’éliminer volontairement dans un certain délai le résultat de son agissement illégal tout en évitant une condamnation afférente de la part du juge judiciaire.

En l’espèce, il découle de ces principes ainsi que du libellé du courrier du 13 février 2004 que le bourgmestre y réitère le constat de l’illégalité des travaux de reconstruction des murs de l’étage supérieur de la maison en cause, déjà contenu dans l’arrêté de fermeture de chantier du 11 décembre 2003, qu’il annonce au demandeur l’intention de l’administration communale d’engager à son encontre la procédure judiciaire prévue par l’article 58 alinéa 3 précité et qu’il somme le demandeur à tirer lui-même les conséquences du constat d’illégalité des travaux par lui exécutés en supprimant les murs reconstruits sans le couvert d’un permis de construire, entraînant que ce courrier ne peut pas être qualifié de décision administrative susceptible d’un recours contentieux.

Dans la mesure où ledit courrier du bourgmestre du 13 février 2004 constitue l’unique acte déféré au tribunal, il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation encourt l’irrecevabilité.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 18 octobre 2004 par le vice-président en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17732
Date de la décision : 18/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-18;17732 ?

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