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18/10/2004 | LUXEMBOURG | N°16694a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 octobre 2004, 16694a


Tribunal administratif N° 16694a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2003 Audience publique du 18 octobre 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 16694 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2003 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro) et de son épouse,

Madame …, née le … , agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs e...

Tribunal administratif N° 16694a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2003 Audience publique du 18 octobre 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 16694 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2003 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro) et de son épouse, Madame …, née le … , agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs… ,…, … et …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 30 décembre 2002 par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en obtention d’une autorisation de séjour, ainsi que d’une décision confirmative du 21 mai 2003 intervenue suite à l’introduction d’un recours gracieux ;

Vu le jugement du 8 décembre 2003 ayant nommé experts Messieurs Gilles KIEFFER, Marcel LEVY et Jacques PREYVAL avec la mission d’analyser et de se prononcer sur l’état de santé de Madame …, afin de déterminer si elle est atteinte d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne lui permettant pas de retourner dans son pays d’origine dans l’année suivant la décision litigieuse du 21 mai 2003 ;

Vu le rapport d’expertise déposé au greffe du tribunal administratif le 19 février 2004 ;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2004 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2004 par Maître Olivier LANG pour compte des consorts … ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Olivier LANG et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 octobre 2004.

Après s’être vus refuser l’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 au Grand-Duché de Luxembourg, les époux … et …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs, introduisirent auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse une demande en obtention d’une autorisation de séjour dans le cadre de la campagne dite de régularisation de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Par décision datant du 30 décembre 2002 et co-signée par les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi, cette demande fut refusée dans les termes suivants :

« Suite à l’examen de la demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 13 juillet 2001 auprès du Service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger se supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Pour le surplus, votre demande en obtention d’une autorisation de séjour est également à rejeter au regard des directives applicables en matière de régularisation.

En effet, il ressort des pièces accompagnant votre demande introduite sur base de la catégorie D que vous ne remplissez pas les conditions prévues pour cette catégorie qui est libellée comme suit : « Je réside au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins et je suis atteint(e) d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne me permettant pas de retourner, endéans un an, dans mon pays d’origine ou dans un autre pays dans lequel je suis autorisé(e) à séjourner ».

Vous êtes invitée à quitter le Luxembourg, ensemble avec les membres de votre famille repris sous rubrique, endéans un délai d’un mois. A défaut de départ volontaire, la police sera chargée de vous éloigner du territoire luxembourgeois. » Par courrier de leur mandataire datant du 24 février 2003 les consorts … ont fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 30 décembre 2002. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 21 mai 2003, ils ont fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 30 décembre 2002 et 21 mai 2003 par requête déposée en date du 7 juillet 2003.

Par jugement du 8 décembre 2003, le tribunal administratif a reçu ledit recours en la forme et au fond, avant tout autre progrès en cause, a nommé experts Messieurs Gilles KIEFFER, médecin spécialiste en neurologie, Marcel LEVY, médecin spécialiste en ophtalmologie et Jacques PREYVAL, médecin spécialiste en médecine légale, avec la mission d’analyser et de se prononcer sur l’état de santé de Madame …, afin de déterminer si elle est atteinte d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne lui permettant pas de retourner dans son pays d’origine dans l’année suivant la décision litigieuse du 21 mai 2003.

Les experts ainsi désignés ont déposé leurs rapports en date du 19 février 2004 et ils ont retenu au titre de conclusion commune que « Madame … ne présente pas de maladie d’une gravité exceptionnelle, un retour dans son pays d’origine est médicalement tout à fait possible. » Il se dégage dudit rapport d’expertise que deux volets distincts ont été pris en considération, en l’occurrence d’abord l’élément essentiel qui est celui du méningiome, lequel n’a pas récidivé depuis son ablation il y a près de 4 ans et au sujet duquel le docteur LEVY, expert ophtalmologiste, a retenu en guise de conclusion ce qui suit :

« Compte tenu :

-

de la nature de la tumeur, classiquement répertoriée comme d’évolution très lente -

d’une exérèse faite assez tôt dans l’histoire de la maladie -

de l’ablation en totalité.

Je recommanderais qu’un contrôle annuel soit fait basé sur l’examen :

-

scannographique -

étude du champ visuel -

examen ophtalmologique Ces examens sont de pratique courante et simples à réaliser dans une structure hospitalière normale. » Le deuxième volet abordé est le volet dépressif en relation directe avec le fait pour Madame … d’être confrontée le cas échéant à un retour dans son pays d’origine, au sujet duquel le docteur PREYVAL a retenu ce qui suit :

« Dans le volumineux dossier que nous avons il n’y a guère de modification et on ne peut imaginer que la plupart des troubles subjectifs en cause ne peuvent être traités sur place dans n’importe quel pays civilisé. » Dans son mémoire supplémentaire, le délégué du Gouvernement relève que le collège d’experts est arrivé à la même conclusion que le médecin du contrôle médical de la Sécurité sociale qui a estimé lui aussi que l’état de santé de Madame … n’empêchait pas un rapatriement de l’intéressée dans son pays d’origine. Il demande partant au tribunal d’entériner les conclusions du rapport d’expertise et de rejeter le recours comme étant non fondé.

Les demandeurs font constater dans leur mémoire supplémentaire qu’aucun des trois médecins ne se prononce quant aux possibilités réelles de Madame … de se faire suivre et traiter dans son pays d’origine, au vu notamment de la structure médicale permettant de l’accueillir. Ils estiment ainsi que les experts auraient totalement éludé la question de savoir si le Monténégro présente des structures médicales suffisantes et efficaces pour assurer le traitement de Madame …. Ils font état dans ce contexte des conditions catastrophiques qui régneraient dans leur village d’origine quant à la possibilité d’être véhiculé convenablement et rapidement vers l’hôpital le plus proche à …. Pour illustrer ce propos, les demandeurs versent au dossier le rapport de l’antenne de la fondation Caritas Luxembourg à Bérane au Monténégro, établi le 6 septembre 2004, aux termes duquel il est relevé que le village de … est éloigné de 15 kilomètres de … et de 12 kilomètres de la localité la plus proche de …, le village … où vivait autre fois la famille …, se trouvant au sommet d’une montagne et étant accessible uniquement par un chemin en pente raide avec beaucoup de virages qui, à partir des premières pluies serait inutilisable et de fait inaccessible de novembre à mai. Il est relevé en outre dans ledit rapport que l’ambulance la plus proche est à … et que d’habitude les malades sont transportés par tous les moyens possibles jusqu’à … et conduits ensuite en voiture vers l’hôpital de ….

Les demandeurs s’appuient sur cette pièce pour soutenir qu’en cas de rechute, Madame … n’aurait de toute évidence pas la possibilité de se faire soigner rapidement et efficacement.

Le mandataire des demandeurs a soutenu en outre en termes de plaidoiries que le bien-fondé de leur demande aurait dû être apprécié à la date de la demande de régularisation et non à celle de la prise de la décision litigieuse, intervenue plus d’un an après seulement.

Concernant cette dernière observation, il y a lieu de relever que contrairement à ce qui est soutenu par les demandeurs, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise (cf. trib. adm. 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, V° Pas. adm. 2003, Recours en annulation, n° 14 et autres références y citées, p. 585), ceci notamment par soucis de préserver l’effet utile de l’action administrative.

Quant au fond, les développements à la base de conclusion du collège d’experts ne sont pas de nature à corroborer l’existence, à l’époque de la prise de la décision litigieuse, d’une maladie d’une gravité exceptionnelle dans le chef de Madame … qui aurait rendu impossible un retour de la famille dans son pays d’origine. Au contraire, les experts rejoignent à cet égard la conclusion du médecin commis du contrôle médical de la Sécurité sociale sur laquelle le ministre s’est basé pour prendre la décision litigieuse.

Concernant les considérations avancées en cause basées sur le rapport de l’antenne de la fondation Caritas Luxembourg à Bérane, force est encore de constater que l’hôpital à …, d’après les informations y renseignées, comprend tous les services spécialisés comme par exemple le service oncologique, de sorte qu’il est plutôt de nature à dissiper tout doute quant aux possibilités effectives de dispenser les prestations diagnostiques et thérapeutiques requises pour assurer le suivi de Madame … dans son pays d’origine.

Quant aux considérations ayant trait à l’accessibilité dudit hôpital, il y a lieu de relever que les difficultés invoquées sont d’ordre tout à fait général et communes à une grande partie de la population villageoise au Monténégro, de sorte qu’en l’absence d’autres éléments fournis en cause, la légalité de la décision ministérielle déférée ne saurait s’en trouver énervée.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

vidant le jugement du 8 décembre 2003 ;

déclare le recours non fondé et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 18 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16694a
Date de la décision : 18/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-18;16694a ?

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