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14/10/2004 | LUXEMBOURG | N°18702

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 octobre 2004, 18702


Tribunal administratif N° 18702 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 octobre 2004 Audience publique du 14 octobre 2004

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Requête en sursis à exécution introduite par la société anonyme … … … , …, contre une décision de l'administration des bâtiments publics, en matière de marchés publics

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 8 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierrot SCHILTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre de

s avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … … … , établie et ayant son siège social à L-… …, …...

Tribunal administratif N° 18702 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 octobre 2004 Audience publique du 14 octobre 2004

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Requête en sursis à exécution introduite par la société anonyme … … … , …, contre une décision de l'administration des bâtiments publics, en matière de marchés publics

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ORDONNANCE

Vu la requête déposée le 8 octobre 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierrot SCHILTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … … … , établie et ayant son siège social à L-… …, …, rue … …, représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, tendant au sursis à exécution de la décision de l'administration des bâtiments publics du 19 mai 2004, confirmée par la décision de la commission des soumissions près le ministère des Travaux publics du 16 juillet 2004, portant refus de son offre de soumission pour le marché de travaux du Centre culturel régional de Dudelange et le Centre national de l'audiovisuel, ainsi que de la décision du ministre des Travaux publics du 29 juillet 2004 portant adjudication dudit marché de travaux publics à un concurrent, un recours au fond ayant été par ailleurs introduit contre lesdites décisions par requête introduite le 6 octobre 2004, inscrite sous le numéro 18690 du rôle;

Vu l'article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives;

Vu les pièces versées et notamment les décisions critiquées;

Maître Habiba BOUGHABA, en remplacement de Maître Pierrot SCHILTZ, pour la demanderesse et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH pour l'Etat grand-ducal entendus en leurs plaidoiries respectives.

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Dans le cadre de la mise en adjudication publique d'un marché de travaux pour la menuiserie extérieure en aluminium et la vitrerie du projet Centre national de l'audiovisuel et le Centre culturel régional à Dudelange, la société anonyme … … … , qui avait soumis une offre, fut informée, par courrier de l'administration des bâtiments publics du 19 mai 2004, que son offre n'avait pas été prise en considération, au motif qu'elle ne remplissait pas les minima de participation, les références fournies ne pouvant pas être considérées comme suffisantes au vu de l'envergure du marché en question.

2 Par lettre du 1er juin 2004, le mandataire de la société … … … introduisit une réclamation auprès de l'administration des bâtiments publics dans laquelle il expliqua que sa cliente estimait qu'elle remplissait les conditions, notamment concernant l'exécution antérieure de travaux de même envergure, pour pouvoir participer à la soumission. Le 16 juillet 2004, le président de la commission des soumissions instituée auprès du ministère des Travaux publics confirma le refus de prendre en considération l'offre de la société … … … Par requête déposée le 6 octobre 2004, inscrite sous le numéro 18690 du rôle, la société … … … a introduit un recours en annulation contre "la décision de l'administration des Bâtiments Publics du 19 mai 2004, confirmée par décision de la commission des soumissions près le Ministère des Travaux Publics du 16 juillet 2004, portant refus de l'offre de soumission de la requérante pour le marché de travaux du Centre culturel régional de Dudelange et le Centre national de l'audiovisuel, ainsi que de la décision du ministre des Travaux publics du 29 juillet 2004 portant adjudication dudit marché de travaux publics à un concurrent", et par requête déposée le 8 octobre 2004, inscrite sous le numéro 18702 du rôle, elle a déposé une requête en sursis à exécution de ladite décision.

Elle estime que les moyens invoqués au fond sont sérieux et que l'exécution de la décision risque de lui causer un préjudice grave et définitif. En effet, une fois les travaux de construction litigieux achevés, elle serait définitivement privée de toute chance de se voir octroyer le marché en question.

L'Etat fait expliquer que le pouvoir adjudicateur a refusé de prendre en considération l'offre de la société … … … , ne s'estimant pas satisfait par les indications concernant l'envergure des travaux exécutés antérieurement par la demanderesse. Il souligne que la décision d'adjudication des travaux à la société … … fut prise le 5 mai 2004 et que la société … … … fut informée le 19 mai 2004 de ce que son offre n'avait pas été retenue. Suite à la réclamation introduite le 1er juin 2004 par le mandataire de celle-ci, et après rejet de cette réclamation le 16 juillet 2004, le directeur des bâtiments publics aurait informé, par courrier du 29 juillet 2004, la société … … de ce qu'elle s'était vu attribuer le marché, cette lettre valant conclusion du contrat civil relatif à l'exécution des travaux ayant fait l'objet de la soumission.

La conclusion du contrat en question interdirait au président du tribunal administratif de prononcer le sursis à exécution de la décision d'adjudication, étant donné qu'une telle mesure empêcherait l'exécution du contrat civil et excéderait en cela la compétence du juge administratif.

La demanderesse a fait valoir que la lettre du 29 juillet 2004 ne vaudrait pas conclusion du contrat civil concernant les travaux litigieux. Elle estime que du fait de sa réclamation, le 1er juin 2004, contre la décision de non-adjudication, elle aurait exercé le recours qui lui est offert par l'article 90 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics.

A l'audience, le soussigné a soulevé la question de la mise en intervention de la partie tierce intéressée, à savoir la société … … qui s'est finalement vu attribuer le marché litigieux.

Il se dégage en effet de l'article 4, (1) et (4) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives que le recours introductif d'instance doit être signifié aux tiers intéressés, le tribunal pouvant même, en cas de défaut de signification aux tiers intéressés, ordonner leur mise in intervention.

3 La demanderesse a souligné que son recours est dirigé contre la décision de non-

adjudication qui lui a été notifiée le 19 mai 2004, l'adjudication effective des travaux litigieux, y compris la date de l'adjudication et l'identité de l'adjudicataire, lui ayant été inconnue jusqu'à l'audience où elle s'est vu remettre de la part du délégué du gouvernement des pièces contenant les informations afférentes.

Sauf hypothèses spéciales, les décisions d'adjudication d'un marché à un soumissionnaire, d'une part, et de non-adjudication du même marché aux autres soumissionnaires, sont tributaires l'une de l'autre et ne sauraient être considérées de manière isolée par le juge dans le cadre d'un recours contentieux dirigé contre l'une ou l'autre de ces décisions. En réalité, en cas de décision d'adjudication de travaux à un soumissionnaire, la décision de non-adjudication aux autres soumissionnaires ne constitue que l'aspect négatif de la même décision.

Il s'ensuit que même dans le cadre d'un recours dirigé contre la seule décision de non-

adjudication, le soumissionnaire qui s'est vu attribuer le marché par la décision d'adjudication, est à considérer comme partie tierce intéressée, étant donné qu'une éventuelle annulation de la décision de non-adjudication doit nécessairement influer sur la décision positive qui lui a adjugé le marché (v. M.-A. Flamme et alii, Commentaire pratique de la réglementation des marchés publics, tome 1B, 6e éd., p. 1881), de sorte que même dans le cadre d'un tel recours, l'adjudicataire effectif du marché doit en principe être mis en intervention.

L'article 90, alinéa 3 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003, précité, dispose que le pouvoir adjudicateur informe par lettre recommandée les concurrents non retenus du non-

usage de leur offre, avec l'indication des motifs à la base de la non-prise en considération de celle-ci.

La disposition en question n'oblige pas le pouvoir adjudicateur de révéler aux soumissionnaires non retenus l'identité de l'adjudicataire, et dans le cas d'espèce, la lettre d'information du 29 mai 2004 ne mentionne pas que c'est la société … qui s'est vu attribuer le marché litigieux.

Or, dans une telle hypothèse, où l'administration décide de ne pas révéler aux soumissionnaires évincés l'identité de l'adjudicataire du marché, on ne saurait a priori exiger du soumissionnaire évincé qui entend exercer un recours contentieux contre la décision en vertu de laquelle il ne s'est pas vu adjuger le marché, de mettre en intervention l'adjudicataire effectif du marché.

S'il est concevable que le tribunal administratif, statuant au fond, exige une telle mise en intervention en cours de procédure, après que l'administration a révélé l'identité de l'adjudicataire, une telle démarche ne se conçoit pas dans le cadre d'une procédure d'urgence où la rapidité de l'ordonnance à intervenir est le seul garant de son efficacité.

Il y a dès lors lieu de retenir, au vu de la circonstance que l'administration n'a pas révélé, avant l'introduction du recours contentieux, l'identité de l'adjudicataire à la demanderesse et qu'il ne se dégage d'aucun élément du dossier que celle-ci ait effectivement connu cette identité, qu'une mise en intervention de la société … … , dans le cadre de la présente procédure d'urgence, n'était pas requise.

4 Le délégué du gouvernement se prévaut encore de ce que le contrat civil concernant l'exécution du marché litigieux aurait d'ores et déjà été conclu avec la société … … , et que dès lors, le président du tribunal administratif serait incompétent pour ordonner la mesure sollicitée.

La demanderesse conteste la conclusion même d'un tel contrat avec sa concurrente.

En vertu de l'article 90, (4) dernière phrase du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003, précité, la conclusion du contrat avec l'adjudicataire a lieu par l'apposition de la signature du pouvoir adjudicateur sur le document de soumission remis par l'adjudicataire.

En l'espèce, l'Etat verse une lettre du directeur des bâtiments publics du 29 juillet 2004 par laquelle celui-ci informe la société … … que par son arrêté du 5 mai 2004, Monsieur (sic) le ministre des Travaux publics a chargé la société en question des travaux en question au prix indiqué dans son offre. La lettre informe encore l'adjudicataire de certaines modalités d'exécution du marché, l'invitant, entre autres à se mettre en rapport avec le bureau d'architecture … … de … pour les "détails d'exécution" et à présenter les factures sur un formulaire déterminé.

S'il est vrai que cette lettre ne remplit pas, d'un point de vue formel, les exigences de la disposition réglementaire précitée, il y a cependant lieu d'admettre, dans le cadre du présent litige, que la lettre, ensemble l'affirmation, par l'Etat, que les travaux ont déjà été commencés et le délai assez long qui s'est écoulé depuis l'envoi de cette lettre, que l'Etat a conclu un contrat d'exécution du marché litigieux avec la société … … Or, s'il est vrai que le président du tribunal administratif peut ordonner le sursis à exécution de la décision d'adjudication entre le moment où elle est prise et le moment de la conclusion du contrat d'exécution du marché, cette conclusion ne pouvant légalement intervenir avant l'écoulement d'un délai de quinzaine prévu par l'article 90, (4) du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003, précité, de sorte que tout soumissionnaire normalement prudent et diligent, informé de ce que son offre n'a pas été retenue, a la possibilité d'agir utilement contre la décision d'adjudication, le juge administratif ne saurait suspendre l'exécution d'un contrat civil conclu après l'écoulement du délai en question. En effet, il ne saurait ordonner une mesure affectant la validité ou le caractère exécutoire d'un contrat relevant du droit civil, la loi ne lui permettant pas de prendre des mesures ayant pour objet des droits civils.

Il suit des considérations qui précèdent que la demande, formulée à un moment où le contrat civil s'est d'ores et déjà formé entre l'Etat et la société adjudicatrice, est à rejeter.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande en sursis à exécution non justifiée et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

5 Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 14 octobre 2004 par M. Ravarani, président du tribunal administratif, en présence de M. Rassel, greffier.

s. Rassel s. Ravarani


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18702
Date de la décision : 14/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-14;18702 ?

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