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14/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17711

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 octobre 2004, 17711


Numéro 17711 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mars 2004 Audience publique du 14 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre un bulletin d’établissement en commun émis par le bureau d'imposition Luxembourg 6 en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17711 du rôle, déposée le 9 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, ingénieur t

echnicien, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’un bulletin d’établissement des reven...

Numéro 17711 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mars 2004 Audience publique du 14 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre un bulletin d’établissement en commun émis par le bureau d'imposition Luxembourg 6 en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17711 du rôle, déposée le 9 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, ingénieur technicien, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’un bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives pour l’année 1995 du 19 juin 2003 relatif à la fixation en commun avec sa mère des revenus de location de biens du chef de deux immeubles en copropriété, émis par le bureau d'imposition Luxembourg 6;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2004;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 juin 2004 par Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin entrepris;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur … en ses explications et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en sa plaidoirie à l’audience publique du 29 septembre 2004.

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Suite au décès de Monsieur… en date du 18 juillet 1985, son épouse survivante, Madame … est devenue usufruitière à 100% et nu-propriétaire à 75% de deux immeubles sis à … et …, tandis que son fils, Monsieur …, préqualifié, est devenu nu-propriétaire à concurrence de 25% de ces mêmes immeubles. Dans la suite, l’immeuble sis à …, fut occupé par Madame … tandis que l’autre immeuble fut loué à des tiers.

Suite au dépôt par Madame … de sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 1995, renseignant entre autres un revenu net de la location de biens à hauteur de –108.617 LUF provenant notamment de la location de l’immeuble susvisé sis dans la …, le bureau d'imposition Luxembourg 6 de la section personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d'imposition », émit le 27 février 1997 à l’égard de Madame … un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1995 retenant dans son chef notamment un revenu net de location de biens à hauteur de –108.617 LUF.

Madame … décéda en date du 19 septembre 1999.

Suivant décision du bureau d'imposition du 7 février 2002, Monsieur … fut sommé de déposer, du chef des revenus perçus en raison de la location de l’immeuble en copropriété de la …, une déclaration pour l’établissement en commun des revenus de copropriétés de l’année 1995 pour le 11 mars 2002 au plus tard, sous peine d’une astreinte de 250 €. Son recours hiérarchique contre cette décision du bureau d'imposition ayant été rejeté comme non fondé par décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 4 mars 2003, Monsieur … introduisit un recours contentieux à l’encontre de la décision directoriale du 4 mars 2003, lequel fut cependant à son tour rejeté par jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2003 (n° 16432 du rôle).

A défaut de déclaration déposée jusqu’à cette date, le bureau d'imposition émit en date du 19 juin 2003 à l’égard de la copropriété entre Madame … et Monsieur … un bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour l’année 1995, retenant dans leur chef un revenu commun de 127.402 LUF du chef de la location de l’immeuble susvisé, imputé à concurrence de 138.201 LUF à Madame … et de –10.799 LUF à Monsieur ….

Sa réclamation du 10 juillet 2003 à l’encontre de ce bulletin d’établissement en commun n’ayant pas été toisée par une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, Monsieur … introduisit, par requête déposée le 9 mars 2004, un recours contentieux à l’encontre dudit bulletin du 19 juin 2003.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours dirigé contre un bulletin d’établissement en commun en cas de silence du directeur durant plus de six mois suite à une réclamation dûment introduite par le contribuable. Le tribunal a partant compétence pour connaître du recours en réformation dirigé contre le bulletin d’établissement en commun du 19 juin 2003.

Le demandeur sollicite encore à travers le dispositif de sa requête introductive la restitution de l'impôt sur le revenu acquitté en trop suite au bulletin d’établissement critiqué.

La perception de l’impôt se divise en trois phases, à savoir la phase d’assiette, la phase de liquidation de l’impôt et la phase de recouvrement de l’impôt (cf. Jean OLINGER, Le droit fiscal, Etudes Fiscales nos 93-95, p. 63). Un bulletin d’établissement en commun, dans la mesure où il comporte les seules détermination des bases d’imposition, ne porte que sur la première phase. Les questions relatives respectivement à l’obligation du contribuable de régler un solde d’impôt ou son droit de se voir restituer un impôt déjà payé relèvent par contre de la phase de recouvrement.

Dans le cadre de l’impôt sur le revenu et de la réformation d’un bulletin par une instance de recours, le contribuable tire à la fois de l’article 154 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », et du paragraphe 151 AO un droit au remboursement du trop-payé d’impôt sur le revenu. Dès lors que l’administration n’entend pas exécuter le remboursement dans la mesure voulue par le contribuable, elle doit, conformément au paragraphe 150 (2) AO, matérialiser son refus par un bulletin qui constitue ainsi une décision autonome propre à la phase de recouvrement de l’impôt et soumise aux voies de recours prévues par le paragraphe 235, n° 5 AO.

En l’espèce, le tribunal est saisi d’un recours contre un bulletin d’établissement en commun de certains revenus ne comportant aucun élément décisionnel quant à une restitution d’impôt. En l’absence d’une décision de l’autorité compétente, préalablement contestée devant le directeur de l’administration des Contributions directes, sur le remboursement d’un trop-perçu d’impôt sur le revenu au bénéfice des demandeurs et faute de disposition légale investissant le tribunal d’un pouvoir spontané pour ordonner un remboursement d’impôts, le tribunal, bien qu’étant en principe compétent pour connaître de ces contestations, ne saurait connaître à ce stade de la demande en question laquelle doit dès lors être déclarée irrecevable.

Il résulte de ce qui précède que le recours sous analyse encourt l’irrecevabilité en ce qu’il entend voir ordonner une restitution d’impôt, mais est recevable pour le surplus pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Lors des plaidoiries à l’audience, le demandeur a, avant le rapport du juge-rapporteur, soumis au tribunal une note de plaidoirie en arguant qu’elle devrait être reçue par le tribunal en tant que mémoire supplémentaire au motif que le bureau d'imposition n’aurait déposé au greffe les dossiers fiscaux en cause dans l’affaire sous analyse qu’au moment où il aurait déjà envoyé son mémoire en réplique, de manière à l’avoir privé de son droit de présenter ses observations quant au contenu de ces dossiers.

L’article 7, alinéa 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose qu’« il ne pourra y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive », de manière que la note de plaidoirie constitue en réalité un troisième mémoire déposé à la suite de la requête introductive et du mémoire en réplique et donc en violation dudit article 7, alinéa 1er.

S’il est vrai que la date du dépôt des dossiers fiscaux a empêché le demandeur d’y prendre position à travers son mémoire en réplique, il lui aurait incombé de soumettre au président du tribunal ou au président de la chambre appelée à connaître de l’affaire une demande tendant à être autorisé à produire un mémoire supplémentaire en se prévalant de son droit de la défense face aux éléments nouveaux contenus dans lesdits dossiers. Il s’ensuit que la note de plaidoirie doit être écartée des débats.

Quant au fond de son recours, le demandeur renvoie essentiellement aux moyens par lui soumis dans le cadre de sa réclamation du 10 juillet 2003, renvoyant encore à plusieurs courriers antérieurs.

Il soulève ainsi d’abord le moyen fondé sur la prescription de la créance d’impôt du chef de l’année 1995 à la date d’émission du bulletin d’établissement en commun entrepris.

Dans la mesure cependant où il est de principe « que les délais de prescription de l’impôt ne jouent pas à l’égard des décisions qui ne fixent pas une cote d’impôt, mais une base d’imposition » (CE 10 juillet 1968, Paquet-Laedrach, n° 5855 et 5992) et que le bulletin d’établissement en commun litigieux fixe un revenu commun à deux contribuables et les quote-parts imputables à chacun d’eux, mais non pas une cote d’impôt dont ils seraient redevables, aucun délai de prescription de nature à empêcher l’émission valable dudit bulletin d’établissement en commun n’a pu courir en l’espèce, entraînant que ce moyen laisse d’être fondé.

Le demandeur soutient ensuite que le revenu net de la location de biens pour l’année 1995 aurait dû être fixé à –108.167 LUF, tel que ce montant se trouverait étayé par la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 1995 déposée par Madame … et confirmé par le bulletin de l’impôt sur le revenu de la même année du 27 février 1997 émis pareillement à l’égard de Madame ….

Il découle du libellé du bulletin d’établissement en commun déféré que le bureau d'imposition a retenu un revenu net de location de biens positif à hauteur de 127.402 LUF, tout en tenant compte d’un amortissement de l’immeuble en cause à hauteur de 43.196 LUF.

Ni le dit bulletin, ni le dossier fiscal ne renseignent sur le niveau de recettes retenu et sur une prise en compte éventuelle d’autres frais d’obtention.

Concernant le niveau de recettes de loyers, étant donné qu’il est constant qu’aucune déclaration pour l’établissement en commun des revenus de copropriétés de l’année 1995 relative à l’immeuble sis dans la … à Luxembourg n’avait été déposée malgré injonction afférente du bureau d'imposition, celui-ci a pu se fonder prioritairement sur les éléments à sa disposition contenus dans le dossier fiscal de la copropriété entre le demandeur et Madame …. Or, ce dossier comporte notamment comme pièces versées par le demandeur–même un contrat de bail signé le 2 septembre 1993 et portant sur l’immeuble sis … à Luxembourg, dont il ressort que les locataires devaient régler à partir du 1er novembre 1993 un loyer mensuel de 22.000 LUF, augmenté d’une avance mensuelle pour leur quote-part dans les frais communs à hauteur de 4.500 LUF. Il y a en outre lieu de relever qu’il ressort du dossier fiscal versé en cause que le demandeur avait déposé pour l’année 1997 le 9 mars 1999 une déclaration pour l’établissement en commun des revenus tablant également sur des recettes de loyers totales de 126.000 LUF, mais qu’il avait déposé le 17 février 2000 une déclaration rectificative faisant état d’un total de recettes de loyers de 275.000 LUF pour cette année.

D’un autre côté, la déclaration d’impôt pour l’année 1995 déposée par Madame … faisait état de recettes de loyers totales pour l’année 1995 à hauteur de 126.000 LUF, correspondant à douze loyers mensuels de 10.500 LUF, sans que des preuves quant à ce niveau de recettes n’aient été versées en cause.

Il en découle que les éléments du dossier fiscal de la copropriété indiquent l’existence de recettes de loyers à hauteur de (12 x 22.000 =) 264.000 LUF et d’avances à hauteur de (12 x 4.500 =) 54.000 LUF, donc un total de 318.000 LUF qui est 2,5 fois supérieur à celui renseigné dans la déclaration d’impôt de Madame ….

En considération de l’ensemble de ces éléments à sa disposition et plus particulièrement du défaut de toute justification quant à l’écart substantiel entre les recettes déclarées et celles correspondant aux prévisions du contrat de bail, le bureau d'imposition pouvait valablement taxer les recettes de loyers-mêmes au niveau découlant des clauses du contrat de bail susvisé, à savoir au montant de 264.000 LUF. Concernant les avances pour frais et charges stipulées dans le même contrat, s’il est vrai que les montants versés par le locataire à son bailleur en qualité d’avances sur frais et charges ne constituent pas des recettes dans le chef du bailleur mais des postes transitoires, cette qualification est cependant sujette à la condition de la confection d’un décompte entre le locataire et le bailleur comportant une fixation définitive des frais et le cas échéant un solde à rembourser au locataire ou à verser par ce dernier. A défaut d’un tel décompte, les montants versés au cours de l’année d’imposition au titre de telles avances augmentent le loyer brut. Aucun décompte n’étant allégué ou établi en l’espèce, le montant de 54.000 LUF versé par le locataire au cours de l’année 1995 comme avances pour frais et charges doit s’ajouter aux loyers taxés à hauteur de 264.000 LUF.

S’il est vrai que le demandeur renvoie au montant de recettes figurant dans la déclaration d’impôt de sa mère en affirmant qu’elle « a renseigné d’une manière explicite sur tous les émoluments et charges entrant en ligne de compte » et qu’il a versé, sur demande afférente du tribunal, des copies d’extraits de compte documentant, pour la période de janvier 1995 à avril 1996, des virements mensuels de 10.500 LUF de son propre compte bancaire vers le compte d’épargne à vue de sa mère, il n’en reste pas moins que ces copies ne documentent pas les paiements de loyers effectués par les locataires, mais des flux financiers entre copropriétaires, et que le demandeur reste entièrement en défaut de fournir des explications concernant la réduction substantielle des loyers prétendument perçus par rapport à celui résultant du contrat de bail signé entre parties, de manière que ces éléments ne sont pas de nature à affecter le bien-fondé de la taxation des recettes opérée par le bureau d'imposition.

Il s’ensuit que le bureau d'imposition pouvait valablement admettre l’existence de recettes d’un import de 318.000 LUF pour l’année 1995 du chef de la mise en location de l’immeuble sis à Luxembourg, ….

En ce qui concerne les frais d’obtention en relation avec ces recettes, il ressort des éléments du dossier fiscal versé en cause que Madame … avait fait état d’un total de frais d’obtention en relation avec la location de l’immeuble en cause à hauteur de 237.817 LUF, dont les différents chefs sont dûment documentés et ne sont pas contestés en cause, de manière qu’il y a lieu d’admettre ce montant en tant que frais d’obtention déductibles.

Il découle de l’ensemble des développements ci-dessus que le revenu net de location de biens du chef de la location de l’immeuble en cause est à taxer au revenu net de (318.000 – 237.817 =) 80.183 LUF et que le bulletin d’établissement entrepris encourt dès lors la réformation partielle en ce sens que le revenu commun net afférent est à réduire de 127.402 à 80.183 LUF, les montants imputés au demandeur et à Madame … devant également être adaptés en conséquence.

Au vu de l’issue au fond du litige et plus particulièrement du fait que le demandeur a succombé en partie de ses moyens, il y a lieu de faire masse des frais et de les imputer à raison de la moitié au demandeur et de l’autre moitié à l’Etat.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur est à rejeter comme non fondée, les conditions légales afférentes ne se trouvant pas réunies en l’espèce.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, déclare le recours irrecevable en ce qu’il tend à la restitution d’un trop-perçu d’impôt, écarte des débats la note de plaidoirie déposée à l’audience par le demandeur, reçoit le recours en réformation en la forme pour le surplus, au fond, le déclare partiellement justifié, partant, par réformation du bulletin d’établissement en commun entrepris du 19 juin 2003, dit que le revenu net de location de biens du chef de la location de l’immeuble en cause est à taxer au revenu net de (318.000 – 237.817 =) 80.183 LUF, les montants imputés au demandeur et à Madame … devant également être adaptés en conséquence, renvoie l’affaire au directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d'imposition compétent, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur, fait masse des frais et les impute à raison d’une moitié au demandeur et de l’autre moitié à l’Etat.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 14 octobre 2004 par le vice-président en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17711
Date de la décision : 14/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-14;17711 ?

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