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14/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17680

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 octobre 2004, 17680


Tribunal administratif N° 17680 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mars 2004 Audience publique du 14 octobre 2004 Recours formé par la société anonyme S. S.A., Luxembourg, contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17680 du rôle et déposée le 2 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme S. S.A., établie et ayant son s

iège social à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Environnem...

Tribunal administratif N° 17680 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mars 2004 Audience publique du 14 octobre 2004 Recours formé par la société anonyme S. S.A., Luxembourg, contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17680 du rôle et déposée le 2 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme S. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Environnement du 23 septembre 2003 (arrêté n° 1/02/0148) refusant l’autorisation d’installer et d’exploiter un parc éolien comportant cinq éoliennes, cinq transformateurs et un poste de réception sur les territoires des communes de Waldbillig et Medernach ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 mai 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2004 par Maître Victor ELVINGER au nom de la société demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 août 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Serge MARX, en remplacement de Maître Victor ELVINGER, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

La société anonyme S. S.A., ci-après dénommée « la société S. », sollicita suivant demande du 15 mars 2002, complétée les 13 et 28 novembre 2002, l’autorisation d’installer et d’exploiter un parc éolien sur les territoires des communes de Waldbillig et de Medernach portant sur cinq éoliennes d’une puissance nominale unitaire de 1800 kW et d’une hauteur du moyeu de 98 mètres, cinq transformateurs triphasés 20/0,4 kV, refroidis à l’huile, d’une puissance unitaire de 2000 kVA et un poste de réception.

Le 23 septembre 2003 le ministre de l’Environnement, ci-après dénommé « le ministre », refusa l’autorisation sollicitée aux motifs suivants :

« Vu la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés ;

Vu le règlement grand-ducal modifié du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés ;

Vu la loi du 10 août 1992 concernant – la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement – le droit d’agir en justice des associations de protection de la nature et de l’environnement ;

Vu le règlement grand-ducal du 10 août 1992 déterminant la taxe à percevoir lors de la présentation d’une demande en obtention d’une information relative à l’environnement ;

Vu la circulaire ministérielle du 24 septembre 1992 portant sur la mise en œuvre de la législation sur la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement ;

Vu l’enquête commodo et incommodo et l’avis émis en date du 7 avril 2003 par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Waldbillig ;

Vu l’enquête commodo et incommodo et l’avis émis en date du 2 avril 2003 par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Medernach ;

Considérant que pendant le délai légal d’affichage, des observations ont été présentées à l’égard du projet susmentionné ;

Considérant que les éoliennes projetées sur le territoire de la commune de Medernach se situent en zone verte (Land- und Forstwirtschaftsgebiet) d’après le plan d’aménagement en vigueur ;

Considérant que les éoliennes projetées sur le territoire de la commune de Waldbillig se situent en zone agricole d’après le plan d’aménagement en vigueur ;

Considérant que selon le règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la commune de Waldbillig, la zone agricole est destinée à l’agriculture et à la sylviculture au sens large du terme ; qu’il y est précisé -

que la zone agricole ne peut comporter que des constructions indispensables à l’exploitation et au logement des exploitants à condition que le caractère du paysage n’en souffre pas ;

-

que même des aménagements touristiques ou sportifs dans la zone rurale ne peuvent être réalisés que par le vote d’enclave au périmètre d’agglomération conformément à la loi du 12 juin 1937 ;

Considérant que la société S.E.O. S.A. a présenté un projet de modification du projet d’aménagement général de la commune de Waldbillig ayant pour but le reclassement de terrains en vue de la construction du parc éolien ; que le projet de modification précité a été avisé négativement par le conseil communal de Waldbillig en séance publique du 28 juillet 2003 ;

Considérant que les éoliennes projetées sur le territoire de la commune de Waldbillig ne se situent actuellement pas dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ;

Considérant qu’une décision en matière d’établissements classés doit porter dans le présent cas nécessairement sur l’intégralité du parc éolien, et non seulement sur la partie située sur le territoire de la commune de Waldbillig, eu égard à l’indivisibilité de cet élément de l’établissement. (TA, 5 décembre 2001, Hendel, no 12911 et 13117 du rôle) ;

Qu’en application de l’article 17 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, l’autorisation sollicitée est à refuser ;

A R R Ê T E :

Article 1er :

L’autorisation sollicitée est refusée :

Article 2 :

Le présent arrêté est transmis en original à la S.A. S. (S.) pour lui servir de titre, et en copie :

● aux administrations communales de Waldbillig et de Medernach aux fins déterminées par l’article 16 de la loi du 10 juin 1999.

Article 3 :

Contre la présente décision, un recours peut être interjeté auprès du Tribunal administratif statuant comme juge du fond. Ce recours doit être introduit sous peine de déchéance dans un délai de 40 jours à partir de la notification de la présente décision par requête signée d’un avocat à la Cour. » Suivant courrier de son mandataire du 22 octobre 2003, la société S. introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision précitée du 23 septembre 2003 et sollicita la délivrance d’une autorisation sur base de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, ci-après dénommée « la loi de 1999 », principalement pour l’ensemble des éoliennes projetées et subsidiairement pour les seules éoliennes situées sur le territoire de la commune de Medernach.

Ledit recours gracieux restant sans réponse, la société S., par requête inscrite sous le numéro 17680 du rôle introduisit en date du 2 mars 2004 un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle pré-indiquée du 23 septembre 2003.

Le recours en réformation, expressément prévu par la loi en la matière et non autrement critiqué du point de vue de sa recevabilité, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, la société S. estime, concernant le motif de refus tiré de l’article 17.2 de la loi de 1999, que ledit article ne s’appliquerait pas au cas d’espèce, étant donné que les éoliennes litigieuses ne seraient pas situées dans un immeuble existant ou à construire.

Subsidiairement, la société S. conclut à une interprétation erronée par le ministre dudit article 17.2, au motif que ledit article viserait de manière alternative et non cumulative la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, ci-après dénommée « la loi de 1937 », la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire, ci-après dénommée « la loi de 1974 », et la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après dénommée « la loi de 1982 », de sorte que si un établissement serait situé en zone verte, le ministre, saisi d’une demande d’autorisation en matière d’établissement classés, devrait uniquement s’assurer que cet établissement soit susceptible de bénéficier d’une autorisation au titre de l’article 2 de la loi de 1982. Or, comme les éoliennes litigieuses seraient à qualifier d’établissements servant à un but d’utilité publique au sens de l’alinéa 2 dudit article 2 et étant donné que lesdites éoliennes seraient situées en zone verte, le ministre n’aurait pas à analyser si les éoliennes se situeraient de surcroît dans une zone en conformité avec la loi de 1937 ou la loi de 1999.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement relève en premier lieu que selon l’article 2.13.1 du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la commune de Waldbillig, « a) la zone agricole est destinée à l’agriculture et à la sylviculture au sens large du terme » (…), « que la zone agricole ne peut comporter que des constructions indispensables à l’exploitation et au logement des exploitants à condition que le caractère du paysage n’en souffre pas » (…) et que « d) toute construction dans ces zones devra se conformer aux dispositions de l’article 2.14 qui déterminent les prescriptions dimensionnelles », qu’en date du 7 avril 2003, dans le cadre de la procédure « commodo/incommodo », le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Waldbillig se serait exprimé contre le projet présenté et que le conseil communal de Waldbillig aurait refusé le projet de modification du projet d’aménagement général présenté par la société S. en date du 28 juillet 2003, de sorte que le ministre aurait dû refuser par la décision entreprise le projet en question pour incompatibilité avec les dispositions d’urbanisme applicables.

Le représentant étatique conclut encore à l’applicabilité de l’article 17.2 de la loi de 1999, au motif que chaque éolienne reposerait sur une fondation en béton incorporée au sol et hébergerait un transformateur triphasé, refroidi à l’huile, installé au centre de la fondation, de sorte que chaque éolienne serait à considérer comme étant un immeuble.

Le représentant étatique estime ensuite que les autorités compétentes devraient contrôler si le projet est autorisable par rapport à l’ensemble des législations visées par l’article 17.2 de la loi de 1999, à savoir la loi de 1982, la loi de 1937 et la loi de 1974. Or, comme en l’espèce les dispositions d’urbanisme applicables de la commune de Waldbillig ne rangeraient pas explicitement les éoliennes parmi les constructions autorisables en zone agricole, le projet ne serait pas autorisable.

Aux termes de l’article 17.2 de la loi de 1999, « dans le cas où l'établissement est projeté dans des immeubles existants dont la construction a été dûment autorisée, les autorisations requises en vertu de la présente loi ne pourront être délivrées que lorsque l'établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes ou avec un plan d'aménagement établi en exécution de la loi du 20 mars 1974 concernant l'aménagement général du territoire ou avec la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. Il en est de même lorsque l'établissement est projeté dans un immeuble à construire. » Or, en l’espèce, il est constant que chaque éolienne est installée sur une fondation en béton incorporée au sol d’une hauteur de 4 mètres, dont 0,80 mètres ne sont pas enfouis dans le sol et que chaque éolienne héberge un transformateur au centre de la fondation.

Partant, c’est à juste titre que le délégué du gouvernement conclut à l’applicabilité de l’article 17.2 de la loi de 1999, étant donné qu’au vu de l’envergure des fondations, de la mise en place des transformateurs à l’intérieur de celles-ci, nécessaires au fonctionnement de chaque éolienne et du caractère fixe de son implantation, chaque socle d’une éolienne doit être considéré comme immeuble à construire.

C’est encore à juste titre que le délégué du gouvernement estime que les autorités compétentes doivent contrôler si le projet est autorisable par rapport à l’ensemble des législations visées par l’article 17.2 de la loi de 1999, et non seulement en tant qu’établissement servant à un but d’utilité publique et situé en zone verte au sens de l’article 2, alinéa 2 de la loi de 1982. En effet, il convient de souligner par rapport à la législation actuellement applicable que la délivrance des autorisations requises par la législation sur les établissements classés est directement liée à la condition que l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec les corps de la loi de 1937, de la loi de 1974 et de la loi de 1982. Il s’ensuit que les ministres concernés doivent vérifier la concordance de la zone territoriale par rapport à l’établissement projeté qui doit répondre cumulativement aux exigences des trois lois citées (cf. Cour adm. 22 janvier 2002, n° 12952C du rôle et Cour adm. 2 juillet 2002, n° 14623C du rôle) et que l’autorisation est refusée chaque fois que l’établissement projeté ne se situe pas dans une zone prévue à ces fins en conformité avec l’une des trois lois en question (cf. trib. adm. 12 mars 2002, n° 12420 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etablissements classés, n° 28).

La société S. estime encore, en relation avec les articles 2 et 52 de la loi de 1937, que le plan d’aménagement général d’une commune ne devrait pas énumérer expressément les établissements classés admis dans chaque zone, étant donné que les diverses installations d’utilité publique, tels que l’eau potable, l’éclairage, la canalisation, les réseaux d’électricité ou le gaz, pourtant non explicitement prévus par le plan d’aménagement général de la commune de Waldbillig, auraient néanmoins été autorisés, de sorte qu’elles devraient, soit être considérées comme illégales, soit être autorisables du seul fait de leur caractère d’utilité publique, et ce indépendamment de l’existence d’une disposition expresse en ce sens dans ledit plan. Partant, la société S. entend bénéficier du même régime que ces infrastructures d’utilité publique.

Sur ce point, il convient de prime abord de relever que l’existence éventuelle d’installations ou d’infrastructures illégalement érigées en zone agricole ne saurait faire naître un quelconque droit au profit de la société S.. Par ailleurs, les infrastructures citées par la société S. constituent toutes des installations desservant les constructions prévues par le plan d’aménagement général, voire même des infrastructures indispensables et indissociables des différentes constructions autorisées, alors que les éoliennes ne constituent ni des installations desservant directement les besoins propres de l’une des zones, ni des aménagements indissociables de l’une ou l’autre zone. Le tribunal tient à ce sujet à relever le libellé de l’article 2.13.1 du plan d’aménagement général de la commune de Waldbillig qui permet explicitement les « constructions indispensables à l'exploitation et au logement des exploitants », disposition qui, si elle couvre a priori les divers réseaux et canalisations d’utilité publique, tels que l’eau potable, l’éclairage, l’électricité ou le gaz, ne saurait cependant s’appliquer aux éoliennes (cf. trib. adm. 26 avril 2004, n° 17396 du rôle, non encore publié).

Partant, c’est à bon droit que le ministre a retenu, dans sa décision entreprise, que les éoliennes projetées sur le territoire de la commune de Waldbillig ne se situent actuellement pas dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi de 1937, étant donné qu’elles ne servent ni à l’agriculture, ni à la sylviculture au sens large du terme et qu’elles ne respectent pas les dimensions prévues à l’article 2.14 du règlement des bâtisses de ladite commune.

La société S. argumente ensuite que le règlement des bâtisses de la commune de Waldbillig permettrait en l’état actuel de sa rédaction l’implantation d’éoliennes en zone agricole et plus précisément l’article 2.35 dudit règlement, d’après lequel « exceptionnellement, le bourgmestre peut autoriser des dérogations aux prescriptions du présent règlement concernant l’ordre, les dimensions et l’implantation des constructions, s’il s’agit de constructions d’intérêt public dont la destination et l’architecture réclament des dispositions spéciales ». Or, comme les éoliennes constitueraient des constructions d’intérêt public, leur implantation en zone agricole resterait possible en vertu dudit article 2.35.

Le délégué du gouvernement, sans contester le pouvoir dérogatoire exceptionnel du bourgmestre de la commune de Waldbillig en vertu dudit article 2.35, relève dans ce contexte que la société S. n’aurait pas sollicité pareille dérogation de la part du bourgmestre, mais aurait entamé une procédure de reclassement ayant pour objet de créer une « zone éolienne ». D’autre part, ledit article ne s’appliquerait que si la destination et l’architecture de la construction litigieuse réclameraient des dispositions spéciales. Or, cette condition ne serait pas remplie en l’espèce, étant donné que les éoliennes ne seraient tout simplement pas autorisables en zone agricole et que la société S. ne prouverait pas en quoi la construction du parc éolien nécessiterait des dispositions spéciales. A cela s’ajouterait que le pouvoir dérogatoire exceptionnel du bourgmestre se limiterait aux modalités des constructions et ne conférerait pas au bourgmestre un pouvoir de reclassement devant impérativement se faire d’après la procédure de reclassement prévue par la loi de 1937.

L’article 2.35 cité ci-avant permet au bourgmestre, en tant que simple faculté, de déroger à des prescriptions techniques déterminées, à savoir à celles fixant l’ordre, les dimensions et l’implantation de constructions d’intérêt public, sans cependant habiliter le bourgmestre à déroger aux prescriptions réglant l’affectation des diverses zones. Or, en l’espèce, l’article 2.13.1.a) du règlement des bâtisses définissant la zone agricole, réglemente l’affectation précise de cette zone, question étrangère à celle des caractéristiques techniques d’une construction pouvant bénéficier du régime dérogatoire de l’article 2.35. Partant, c’est à juste titre que le délégué du gouvernement soutient que le pouvoir dérogatoire exceptionnel du bourgmestre se limite aux modalités des constructions et ne lui confère pas un pouvoir de reclassement devant impérativement se faire d’après la procédure de reclassement prévue à la loi de 1937.

La société S. conclut encore à l’illégalité de l’article 2.13.1.a) cité ci-avant en ce qu’il ne prévoirait pas en zone agricole la possibilité de construction d’établissements à des fins d’utilité publique, violant de sorte l’article 2, alinéa 2 de la loi de 1982, au motif que le règlement des bâtisses, norme juridique hiérarchiquement inférieure, devrait respecter la loi de 1982, c’est-à-dire une norme supérieure.

Elle expose plus particulièrement que l’article 2.13.1.a) du plan d’aménagement général en question ferait partie des règlements communaux qui, d’après l’article 29 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, ne peuvent être ni contraires aux lois, ni aux règlements d’administration générale et que pareille conformité relèverait du contrôle de la légalité interne du règlement communal litigieux. Pour le surplus, le principe de légalité exigerait que les autorités d’un niveau inférieur, à savoir les autorités communales, ne pourraient, dans leur action, contredire les autorités organiquement supérieures, à savoir le législateur, qui aurait expressément prévu que des constructions d’utilité publique sont possibles en zone verte.

Le délégué du gouvernement estime de son côté que les dispositions de la loi de 1982, qui confèrent un pouvoir d’appréciation et de décision au ministre, ne sauraient empêcher en principe que le pouvoir communal puisse être investi, sur base des textes régissant la matière communale, de pouvoirs propres et distincts, que les pouvoirs gouvernemental et communal seraient distincts et autonomes et qu’aucun principe n’empêcherait que telles initiative ou activité puissent être sujettes à des décisions des deux autorités qui statuent chacune dans le cadre des lois et règlements qui lui confèrent compétence. Partant, les autorités communales pourraient, sur base des procédures prévues par la loi de 1937, précitée, restreindre la loi de 1982 précitée en ce qui concerne les constructions autorisables.

L’article 2 alinéa 2 de loi de 1982 dispose que « dans les parties du territoire de ces communes [communes régies par un projet d’aménagement couvrant l’ensemble d’un territoire communal établi en exécution de la loi de 1937 ou par un plan d’aménagement établi en exécution de la loi de 1974] situées en dehors des zones définies à l’alinéa 1er, parties dénommées « zone verte » dans la présente loi, seules peuvent être érigées des constructions servant à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, piscicole, apicole ou cynégétique, ou à un but d’utilité publique. Elles restent cependant soumises à l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts, désigné dans la présente loi par les termes « le ministre ».

Force est de constater que la zone agricole prévue par l’article 2.13.1.a) cité ci-

avant, de par sa destination limitée à l’activité agricole, correspond à la zone verte telle que définie par l’alinéa second de l’article 2 prérelaté.

D’après l’article 95 de la Constitution, les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois.

Par ailleurs, conformément à l’article 29 de la loi communale modifiée du 11 décembre 1988, « le conseil [communal] fait les règlements communaux. Ces règlements ne peuvent être contraires aux lois ni aux règlements d’administration générale ».

Il y a lieu de relever que le plan d’aménagement général de la commune de Waldbillig a été adopté, puis approuvé - le 17 septembre 1981 - sous l’empire de la loi modifiée de 1974, laquelle dispose en son article 14 que « par dérogation à la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, chaque commune est tenue d’établir un projet d’aménagement partiel ou global couvrant l’ensemble de son territoire (…). Chaque projet fixe pour le moins l’affectation générale des diverses zones du territoire communal. (…) La loi du 12 juin 1937 précitée reste en vigueur et est applicable aux projets visés à l’alinéa 1er, dans la mesure où la présente loi n’y déroge pas ».

Il découle des dispositions claires et précises de l’article 14 prérelaté que, par dérogation à la loi de 1937 et notamment à ses articles 1, 2 et 52, le plan d’aménagement d’une commune couvre l’ensemble du territoire de la commune et détermine l’affectation de toutes les zones du territoire communal ; il en résulte que le pouvoir de police des autorités communales en matière de bâtisses et la faculté que la loi leur accorde de réglementer l’aménagement du territoire de la commune s’étend à l’ensemble de ce territoire.

D’un autre côté, en ce qui concerne la construction en zone verte au sens de la loi de 1982, l’obligation de requérir de la part du ministre compétent l’autorisation de construire est uniquement basée sur des considérations relatives à la protection de la nature, à l’exclusion de toutes autres, notamment de celles relatives au maintien de la sécurité publique et à l’observation des règles d’urbanisme.

Il en découle que le pouvoir de police des autorités communales en matière de bâtisses et la faculté que la loi leur accorde de réglementer l’aménagement du territoire de la commune ne sont donc nullement entamés par la loi concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ces prérogatives du pouvoir local restant pleines et entières. En effet, les dispositions de la loi de 1982 qui confèrent un pouvoir d’appréciation et de décision au ministre de l’Environnement ne sauraient empêcher que le pouvoir communal puisse être investi, sur base des textes régissant la matière communale, de pouvoirs propres et distincts (cf. Cour adm. 2 juillet 2002, n° 14623 du rôle, non publié).

Le bourgmestre, ainsi que le ministre ayant dans ses attributions respectivement l’administration des Eaux et Forêts et l’administration de l’Environnement, ont donc, notamment dans les zones situées en dehors des agglomérations, des compétences concurrentes, chacune de ces autorités administratives agissant dans la sphère de sa compétence propre et en application de ses lois et règlements spécifiques, de sorte qu’elles doivent tirer autorité des normes et conditions qui relèvent de leurs sphères de compétence respectives (cf. trib. adm. 9 juillet 2001, n° 13064, confirmé par Cour adm.

28 février 2002, n° 13885C ; Pas. adm. 2003, V° Environnement, n° 7, p. 136 et les autres décisions y citées).

Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que, bien que la zone agricole au sens de l’article 2.13.1.a) du règlement des bâtisses de la Commune de Waldbillig fasse partie au sens de la loi de 1982 de la zone verte définie à son article 2 alinéa 2, cet état des choses n’entraîne cependant pas que les législations sur la protection de la nature et des ressources naturelles d’une part, ainsi que sur l’urbanisme communal, d’autre part, répondent à des structures et assiettes parallèles comportant des sphères de compétence concurrentes dans le chef respectivement du ministre de l’Environnement et des autorités communales, de sorte que la question de la conformité dudit article 2.13.1.a) par rapport à l’article 2 alinéa 2 de la loi de 1982 ne se pose pas dans les termes posés par la société S., entraînant que l’exception d’illégalité par elle ainsi proposée est à écarter (cf. trib. adm. 26 avril 2004, n° 17396 du rôle, non encore publié).

Finalement, la société S. reproche au ministre de ne pas avoir retenu que son projet d’éoliennes serait divisible et de ne pas avoir accordé une autorisation pour les éoliennes situées sur le territoire de la commune de Medernach, au motif que l’article 11 du règlement des bâtisses de la commune de Medernach autoriserait en zone agricole non seulement les constructions d’utilité publique mais également les constructions servant à la fourniture d’énergie électrique. Or, le projet d’éoliennes présenté serait parfaitement divisible, étant donné que chaque éolienne constituerait une entité autonome et pourrait fonctionner indépendamment des autres éoliennes projetées, de sorte que les éoliennes et le poste de réception situés sur le territoire de la commune de Medernach pourraient être autorisés indépendamment des éoliennes situées sur le territoire de la commune de Waldbillig.

Le délégué du gouvernement estime de son côté que les éoliennes projetées sur le territoire de la commune de Medernach ne pourraient être détachées du projet et que le dossier devrait être renvoyé au ministre pour une nouvelle enquête publique en raison de la modification substantielle opérée, d’autant plus que lors d’une entrevue en date du 26 novembre 2003 avec le ministre, la société S. aurait précisé qu’elle aurait l’intention de déplacer les éoliennes pour ne pas entraver les activités exercées sur une plate-forme ULM située à proximité. Ainsi, la réduction de l’assiette de la demande, tendant à voir autoriser uniquement deux éoliennes, au lieu des cinq éoliennes initialement prévues, constituerait une modification ayant des incidences significatives sur les intérêts protégés par l’article 1er de la loi de 1999, nécessitant une nouvelle enquête publique en raison de ladite modification substantielle.

La société S. rétorque sur ce point que la modification proposée, à savoir la dissociation des éoliennes situées sur le territoire de la commune de Medernach et celles situées sur le territoire de la commune de Waldbillig, n’entraînerait aucune incidence négative ou significative par rapport aux intérêts protégés par l’article 1er de la loi de 1999, et que le délégué du gouvernement se bornerait à s’opposer à la division du projet sans préciser en quoi cette division serait à considérer comme modification substantielle.

Bien au contraire, dans ce contexte, la division du projet constituerait une amélioration par rapport au projet initial, en ce qu’elle réduirait les effets éventuellement nuisibles sur l’environnement.

Il est constant en cause que le ministre avait été saisi dans le cadre du recours gracieux du 22 octobre 2003 d’une demande tendant à la divisibilité du projet, à laquelle il n’a pas fourni de réponse, et que ce n’est que par le dépôt du mémoire en duplique qu’il fait argumenter que le projet divisé constituerait une modification substantielle ayant des incidences significatives sur les intérêts protégés par l’article 1er de la loi de 1999 en raison de la proximité d’une plate-forme ULM, dont les utilisateurs sont d’avis que les éoliennes « présentent des obstacles insurmontables même pour des pilotes expérimentés à la moindre contrariété météorologique », d’autant plus que la société S. aurait déclaré, lors d’une entrevue en date du 26 novembre 2003, vouloir déplacer les éoliennes situées sur le territoire de la commune de Medernach.

Aux termes de l’article 11 du règlement des bâtisses de la commune de Medernach, intitulé « Land- und Forstwirtschaftsgebiete » :

« In diesen Gebieten sind grundsätzlich alle Bauten untersagt. Bauvorhaben sind nur dann zulässig, wenn öffentliche Belange nicht entgegenstehen, die ausreichende Erschliessung gesichert ist und wenn sie 1. unmittelbar der Land- und Forstwirtschaft dienen;

2. dem öffentlichen Nutzen dienen;

3. der öffentlichen Versorgung mit Elektrizität, Gas, Wärme und Wasser, der Abwasserwirtschaft und dem Fernmeldewesen dienen.

Die vorbenannten Bauvorhaben unterliegen gemäss Artikel 2, Abschnitt 22 [sic] des Naturschutzgesetzes vom 11. August 1982, so wie es in Folge abgeändert wurde, der Genehmigung des Ministers in dessen Kompetenzbereich die Forstverwaltung liegt. » Comme ledit article 11 permet sur le territoire de la commune de Medernach la construction en zone agricole de constructions d’utilité publique et de constructions servant à la fourniture d’énergie électrique, l’installation projetée de deux éoliennes sur le territoire de cette commune, le mandataire de la société S. ayant déclaré à l’audience à laquelle l’affaire a été plaidée que sa partie avait renoncé à l’installation de l’éolienne sur le site 2, et du poste de réception, sont partant autorisables en vertu de l’article 17.2 de la loi de 1999.

La société S. n’a pas non plus été contredite dans son affirmation que le projet d’éoliennes est d’un point de vue technique parfaitement divisible, étant donné que chaque éolienne est indépendante de l’autre et peut fonctionner en parfaite autonomie par le fait d’abriter son propre poste de transformation à l’intérieur de son socle.

En vertu de l’article 2, point 7 de la loi de 1999, « une modification substantielle » constitue « une modification de l’établissement qui, de l’appréciation des autorités compétentes, peut avoir des incidences négatives et/ou significatives sur les intérêts protégés par l’article 1er de [la loi de 1999] ».

En l’espèce, il convient de rappeler que la seule modification actuellement en discussion consiste à diviser le projet initial pour ramener le parc éolien projeté de cinq à deux éoliennes, et non pas une demande tendant à déplacer les éoliennes situées sur le territoire de la commune de Medernach, aucune demande n’ayant été formulée en ce sens, diminution qui en elle-même n’est pas de nature à être à l’origine de dangers ou d’inconvénients supplémentaires pour l’environnement humain et naturel. Partant, la demande de divisibilité, dans la mesure où elle réduit l’envergure du projet initial, n’est pas à considérer comme modification substantielle devant faire l’objet d’une nouvelle enquête publique.

Pour le surplus, le mandataire de la société S. a encore soutenu que l’incidence significative mise en avant par le ministre dans le mémoire en duplique, à savoir la proximité d’une plate-forme ULM et les risques encourus par les utilisateurs de celle-ci, ne rentrerait pas dans la sphère de compétence de ce dernier, mais relèverait de la compétence du ministre du Travail, conformément à l’article 13.4 de la loi de 1999.

Aux termes de l’article 13.3 de la loi de 1999 « l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions l’environnement, détermine les conditions d’aménagement et d’exploitation visant l’environnement humain et naturel, telles que la protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, la lutte contre le bruit et les vibrations, l’utilisation rationnelle de l’énergie, la prévention et la gestion des déchets (…)».

L’article 13.4 de ladite loi énonce que « l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions le travail, détermine les conditions d’aménagement et d’exploitation relatives à la sécurité du public et du voisinage en général ainsi qu’à la sécurité, l’hygiène et la santé sur le lieu de travail, la salubrité et l’ergonomie (…)».

Il échet de constater que le ministre, pour s’opposer à la divisibilité du projet en raison de la proximité d’une plate-forme ULM, n’invoque aucun moyen ou argument relatifs à la protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, à la lutte contre le bruit et les vibrations, à l’utilisation rationnelle de l’énergie ou à la prévention et la gestion des déchets, mais soulève une question ayant trait à la sécurité du public et du voisinage en général, à savoir la sécurité des usagers de ladite plate-forme ULM dans l’hypothèse d’un déplacement des éoliennes en question. Or, ce faisant le ministre se base sur des considérations qui ne sont pas de sa compétence, de sorte que sa motivation, pour s’opposer à la demande de divisibilité du projet présentée par la société S., doit être rejetée comme non pertinente.

Partant, il échet, par réformation de la décision entreprise, d’autoriser la société S.

d’installer et d’exploiter les deux éoliennes avec les transformateurs respectifs du site 1 et du site 3, ainsi que le poste de réception, situés sur le territoire de la commune de Medernach et de renvoyer le dossier pour fixation des conditions d’exploitation devant le ministre de l’Environnement.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en réformation recevable ;

au fond, le déclare non fondé en ce qu’il tend à la délivrance d’une autorisation d’installation et d’exploitation pour l’ensemble du parc éolien projeté ;

le dit cependant fondé pour le surplus et par réformation accorde à la société anonyme S. S.A. l’autorisation de principe d’installer et d’exploiter les deux éoliennes du site 1 et du site 3, avec les transformateurs respectifs, ainsi que le poste de réception, situés sur le territoire de la commune de Medernach ;

renvoie le dossier devant le ministre de l’Environnement pour fixation des conditions d’exploitation ;

fait masse des dépens et les impose pour moitié à la demanderesse et pour moitié à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Ainsi jugé et prononcé é l’audience publique du 14 octobre 2004 par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge Mme Gillardin, juge En présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 13


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17680
Date de la décision : 14/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-14;17680 ?

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