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13/10/2004 | LUXEMBOURG | N°17977

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 octobre 2004, 17977


Tribunal administratif N° 17977 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 avril 2004 Audience publique du 13 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17977 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 avril 2004 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, assisté de Maître Amélile JURIN, avocat, tous les deux inscrits au t

ableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité u...

Tribunal administratif N° 17977 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 avril 2004 Audience publique du 13 octobre 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17977 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 avril 2004 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, assisté de Maître Amélile JURIN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité ukrainienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 22 mars 2004 rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2004 par Maître Nicolas DECKER au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Amélie JURIN et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 octobre 2004.

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Le 22 juillet 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du 11 mars 2004 par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 22 mars 2004, notifiée par courrier recommandé expédié le 2 avril 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il aurait manifestement refusé de collaborer avec les autorités administratives en charge de l’instruction de son dossier et qu’il ne se serait partant pas acquitté des obligations importantes lui imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile.

Par requête déposée en date du 28 avril 2004, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de décision ministérielle prévisée du 22 mars 2004.

Le recours en réformation, expressément prévu en la matière, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur fait valoir à l’appui de son recours que le ministre n’aurait pas apprécié à leur juste valeur les faits par lui invoqués à l’appui de sa demande d’asile. Il fait exposer plus particulièrement que la situation politique en Ukraine ne garantirait nullement aux citoyens l’exercice de leurs droits civiques et politiques. Il fait état en outre de l’absence de sécurité juridique, dont notamment les droits de la défense les plus élémentaires dont tout citoyen devrait jouir librement. S’estimant ainsi exposé à un risque de persécution dans l’exercice de ses droits démocratiques les plus élémentaires en cas de retour en Ukraine, le demandeur fait valoir qu’il remplirait entièrement les conditions d’application pour se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement relève l’imprécision des moyens invoqués à l’appui du recours et se réfère au procès-verbal d’audition du 11 mars 2004 pour soutenir que le demandeur aurait répondu « n’importe quoi » à l’agent chargé d’instruire sa demande d’asile, de sorte que ses réponses, qu’il qualifie de franchement grossières, n’auraient à aucun moment permis d’élucider les raisons de son départ d’Ukraine. Il signale pour le surplus que le demandeur a déclaré avoir quitté son pays d’origine il y a huit mois pour conclure au caractère tardif du dépôt de sa demande d’asile, ceci tout en relevant par ailleurs qu’il serait connu en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Norvège et au Danemark sous d’autres identités.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur affirme être arrivé au Luxembourg au départ de son pays d’origine le 22 juillet 2003 et s’être rendu immédiatement auprès des services compétents en vue de faire enregistrer sa demande d’asile.

Il est constant que le motif de refus retenu à la base de la décision litigieuse est tiré directement de l’article 6, 2), f) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, qui dispose qu’« une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile » et que tel est notamment le cas lorsque le demandeur a « omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile ».

Il est encore constant que pour arriver à la conclusion d’un défaut de collaboration afférent, le ministre a fait référence aux réponses données par le demandeur aux questions qui lui ont été posées lors de l’instruction de sa demande d’asile et qui se trouvent renseignées dans le procès-verbal d’audition afférent du 11 mars 2004 versée au dossier administratif.

Si le ministre n’a en l’espèce certes pas eu recours à la possibilité lui accordée de déclarer la demande d’asile de Monsieur … manifestement infondée sur base de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée, il n’en reste pas moins constant qu’un motif de refus expressément envisagé par le règlement grand-ducal du 22 avril 1996 précité pour considérer une demande d’asile comme manifestement infondée peut, si les conditions s’en trouvent vérifiées, a fortiori également être invoqué par le ministre lorsqu’il statue sur le bien-fondé de la demande d’asile sur base de l’article 11 de la même loi du 3 avril 1996.

Au-delà du constat que le demandeur reste en défaut d’invoquer un quelconque moyen se rapportant concrètement à la motivation retenue à la base de la décision litigieuse, ceci à la fois en rapport avec le défaut de collaboration caractérisé lui reproché, ainsi qu’avec le constat lui opposé de divers séjours préalables dans d’autres pays sous d’autres identités, le tribunal est amené à constater qu’en tout état de cause la conclusion du ministre, telle que maintenue et précisée en cours d’instance contentieuse, se trouve largement confortée par les pièces versées au dossier administratif, lesquelles sont suffisamment parlantes pour illustrer l’état d’esprit du demandeur qui n’a manifestement pas cherché à collaborer avec les autorités auxquelles il s’est adressé pour solliciter l’octroi du statut de réfugié.

En effet, à part des réflexions non pertinentes, voire désobligeantes à l’adresse de l’agent d’accueil, le demandeur n’a pas fait état d’un quelconque élément concret susceptible d’établir les raisons qui l’ont poussé à quitter son pays d’origine, de sorte que le ministre a valablement pu considérer en l’espèce le recours à la procédure d’asile comme étant abusif.

A défaut de toute précision apportée en cours d’instance contentieuse permettant, d’un côté, d’invalider la conclusion afférente du ministre, ne serait ce que par un début d’explication relativement au comportement du demandeur au cours de l’instruction de sa demande d’asile, ainsi que, d’un autre côté, de combler la carence au niveau des déclarations de toute précision relativement à des actes de persécution personnellement vécus ou à craindre, le tribunal, appelé à toiser un litige dans le cadre des moyens qui lui sont présentés, n’entrevoit en l’espèce aucun élément de critique tangible permettant d’énerver utilement la motivation concrètement retenue par le ministre à l’appui de la décision litigieuse, de sorte qu’il ne lui reste qu’à débouter le demandeur de son recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 octobre 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17977
Date de la décision : 13/10/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-10-13;17977 ?

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