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01/07/2004 | LUXEMBOURG | N°17565

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 juillet 2004, 17565


Tribunal administratif N° 17565 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2004 Audience publique du 1er juillet 2004

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Recours formé par Mademoiselle …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17565 du rôle, déposée le 10 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg

, au nom de Mademoiselle …, de nationalité capverdienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon ...

Tribunal administratif N° 17565 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2004 Audience publique du 1er juillet 2004

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Recours formé par Mademoiselle …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17565 du rôle, déposée le 10 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mademoiselle …, de nationalité capverdienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 10 novembre 2003 portant refus d’accorder une autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg à M. … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en ses plaidoiries.

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Faisant suite à une demande afférente introduite le 14 août 2003 par Mademoiselle …, le ministre de la Justice, par décision du 10 novembre 2003, refusa de délivrer un permis de séjour en faveur de M. …, né le …, de nationalité cap-verdienne. A l’appui de sa décision, le ministre invoqua l’existence d’un refus d’entrée et de séjour au Luxembourg à l’encontre de M. ….

Par requête déposée le 10 février 2004, Mademoiselle … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de cette décision ministérielle de rejet du 10 novembre 2003.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

La demanderesse n’a pas pris position par écrit par rapport à ce moyen d’irrecevabilité.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose vouloir se marier avec M. … et elle soutient que la décision ministérielle refusant de le faire bénéficier d’un permis de séjour ne serait pas motivée à suffisance de droit et qu’en outre, elle serait disproportionnée, au motif que M. … « a vécu quasiment toujours au Luxembourg, que toute sa famille y habite, que sa fiancée, la requérante, y habite aussi, ainsi que tous ses amis » et que l’interdiction de territoire serait une « sanction trop radicale et sévère pour un jeune couple », qu’elle constituerait une atteinte à leur vie familiale injustifiée par rapport à « l’éventuel risque que le requérant pourrait risquer de causer à l’ordre public luxembourgeois » et qu’elle violerait l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Pour le surplus, le délégué du gouvernement relève les antécédents judiciaires de M. … qui ont conduit le ministre de la Justice à lui refuser, par arrêté du 20 juin 2002, l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg et le fait que M. … a été rapatrié le 27 septembre 2002. Sur ce, il renvoie au dossier administratif de M. … et soutient que la décision litigieuse serait motivée à suffisance de droit par une ribambelle d’infractions et faits par lui commis et qu’il se dégagerait de son comportement qu’il constitue un danger grave pour l’ordre et la sécurité publics.

Le délégué conteste l’existence d’une vie familiale effective entre la demanderesse et M. … et soutient qu’en tout état de cause, une ingérence serait tout à fait justifiée, une vie familiale étant parfaitement possible au Cap-Vert.

Il convient de prime abord de relever qu’il se dégage d’un jugement rendu par le tribunal administratif le 26 mars 2003 que M. … a été débouté d’un recours par lui introduit le 23 septembre 2002 à l’encontre de la décision ministérielle de refus d’entrée et de séjour au pays du 20 juin 2002, invoquée par le ministre de la Justice à l’appui de la décision actuellement querellée. Dans le cadre de ses considérations, le tribunal a été amené de retenir que « force est de relever qu’il se dégage des éléments d’appréciation soumis au tribunal que le demandeur de par son comportement a d’ores et déjà gravement contrevenu à l’ordre public et il se dégage de son comportement passé qu’il est susceptible de constituer une menace grave pour la sécurité, la santé et l’ordre publics et qu’on ne saurait reprocher au ministre de la Justice d’avoir méconnu la disposition légale prévisée, ni d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de fait.

Cette conclusion s’impose suite à l’examen des pièces soumises à l’appréciation du tribunal, à savoir :

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deux jugements du tribunal de la Jeunesse près le tribunal d’arrondissement de Diekirch des 7 juillet 1999 et 18 octobre 2001 ainsi qu’un jugement du tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière correctionnelle, du 16 mai 2002, desquels il se dégage que Monsieur … a respectivement été condamné au placement à la section disciplinaire du Centre pénitentiaire à Schrassig pour une durée de trois mois, à son placement à la prédite section disciplinaire jusqu’à l’âge de 18 ans accomplis et à l’accomplissement d’un travail d’intérêt général non rémunéré d’une durée de 240 heures pour avoir respectivement volontairement fait des blessures ou porté des coups à T.M., soustrait le contenu d’un portefeuille appartenant à autrui, commis un cel frauduleux, causé des blessures ou porté des coups ayant causé une incapacité de travail personnelle, menacé verbalement, avec ordre ou sous condition, d’un attentat contre les personnes ou les propriétés, résisté avec violence ou menaces envers les dépositaires ou agents de la force publique, agissant pour l’exécution des lois, des ordres ou ordonnances de l’autorité publique, des mandats de justice ou jugements, outragé par parole, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, un agent public et verbalement menacé, non accompagné d’ordre ou de condition, d’un attentat contre les personnes ou les propriétés et comme auteur ayant commis lui-même les infractions, avoir extorqué, par violence et menaces, la remise de fonds, avoir commis un vol à l’aide de violences et de menaces, avoir commis deux autres vols à l’aide de violences, et avoir tenté de commettre un vol à l’aide de violences, à une époque où il n’était âgé que de 16 ans ;

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un rapport du commandant du commissariat de police de Heiderscheid du 30 novembre 2000 énumérant 10 procès-verbaux dressés à l’encontre du demandeur pour menaces et attentat avec injure contre un enseignant, vols, coups et blessures volontaires, dégradation d’objets ne lui appartenant pas, détention, transport et consommation de drogues, recel, injures d’un agent des forces de l’ordre ;

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un rapport circonstancié du juge de la Jeunesse près du tribunal d’arrondissement de Diekirch du 10 juin 2002, qualifiant le demandeur de « bombe à retardement, une fois relâché dans notre société », à l’encontre duquel il y aurait lieu de prendre des mesures « draconiennes », au vu de son comportement violent et dangereux et de sa fréquentation du milieu de la drogue par le biais duquel il risquerait de financer son train de vie « une fois sorti de prison » où, à l’époque du rapport, il était placé en section disciplinaire jusqu’à l’âge de 18 ans accomplis ;

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un rapport établi en date du 17 avril 2002 par l’enseignant ayant dirigé la classe scolaire dont le demandeur faisait partie au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, relatant un incident qui s’est produit au cours d’une leçon, pendant laquelle le demandeur a montré un comportement dangereux et violent à l’égard du prédit enseignant et n’a pas respecté l’autorité de celui-ci en refusant de suivre ses instructions ;

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un rapport d’un psychologue du 15 avril 2002 adressé au directeur adjoint du Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig dont il ressort que dans le chef du demandeur, il existerait un risque de récidive et qu’il recommanderait à son profit de suivre une thérapie de réhabilitation sociale à l’étranger, ainsi que 10 décisions disciplinaires ;

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un rapport disciplinaire et 3 comptes rendus d’incidents rédigés à l’encontre de Monsieur … au cours de son séjour au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, portant sur des faits qui se sont produits pendant la période allant du 25 octobre 2001 au 28 mai 2002 ».

Or, s’il est vrai que ledit jugement n’est pas intervenu entre les mêmes parties et qu’il n’a pas la même cause, il n’en reste pas moins que ce jugement constitue un élément d’appréciation qui doit être pris en considération dans le cadre de la présente affaire.

Ceci étant, le premier moyen basé sur un prétenu défaut de motivation suffisante n’est pas fondé, dès lors que le renvoi par le ministre de la Justice à l’existence de la susdite décision de refus d’entrée et de séjour, ensemble les précisions apportées par le délégué du gouvernement au cours de l’instruction de la présente affaire ont permis à la demanderesse d’assurer la défense de ses intérêts en connaissance de cause, c’est-à-dire sans qu’elle n’ait pu se méprendre sur la portée de la décision ministérielle querellée.

En ce qui concerne le moyen tiré du droit au regroupement familial, tel qu’il se dégage de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, moyen que M. … avait également fait soulever dans le cadre de la procédure prévisée dirigée à l’encontre de l’arrêté ministériel de refus d’entrée et de séjour et que le tribunal avait été amené à rejeter au motif que « même en admettant l’existence d’une vie familiale effective au Luxembourg (…) avec sa fiancée et l’enfant de cette dernière, dont il soutient être le père, (…) la mesure litigieuse, compte tenu des circonstances de l’espèce, constitue en tout état de cause une intervention légalement prévue, ainsi qu’une mesure justifiée et proportionnée par rapport au but poursuivi par le ministre de la Justice », force est encore de constater que - même abstraction faite de ce que l’existence d’une vie familiale effective n’a pas été établie en cause et que même à l’admettre, elle pourrait se poursuivre au Cap-Vert, pays dont les deux intéressés ont tous les deux la nationalité - en présence de circonstances de fait identiques sinon semblables, la même conclusion s’impose dans le cadre de la présente instance.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que la demanderesse doit en être déboutée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande principale en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 1er juillet 2004, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17565
Date de la décision : 01/07/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-07-01;17565 ?

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