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30/06/2004 | LUXEMBOURG | N°18158

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 juin 2004, 18158


Tribunal administratif N° 18158 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juin 2004 Audience publique du 30 juin 2004 Recours formé par les époux … et …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18158 du rôle, déposée le 1er juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur… , né le … (Serbie/Etat de Serbie et Monténégro), et de son épouse

, Madame …, née le … , tous les deux de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuelleme...

Tribunal administratif N° 18158 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juin 2004 Audience publique du 30 juin 2004 Recours formé par les époux … et …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18158 du rôle, déposée le 1er juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur… , né le … (Serbie/Etat de Serbie et Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le … , tous les deux de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 1er mars 2004, telle que confirmée par une décision du même ministre du 26 avril 2004 suite à l’introduction d’un recours gracieux, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié irrecevable ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, et Maître Frank WIES à l’audience publique du 21 juin 2004.

Le 18 mai 1999, Monsieur … et son épouse Madame … introduisirent une première demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Cette procédure d’asile fut définitivement clôturée par un arrêt de la Cour administrative du 8 octobre 2002 (n° 14806 du rôle), confirmant le jugement du tribunal administratif, en retenant que … n’invoque aucune crainte raisonnable crédible de persécutions susceptibles de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine en cas de retour.

Le 3 décembre 2002, les époux …-… introduisirent une nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sur les motifs à la base de sa nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié en dates des 10 décembre 2002 et 28 janvier 2004.

Madame … fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 28 janvier 2004.

Par décision du 1er mars 2004, envoyée par lettre recommandée le 3 mars 2004, le ministre de la Justice informa les époux …-… de ce que leur nouvelle demande a été considérée comme irrecevable au sens de l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire. Il précise que la pièce versée à l’appui de la seconde demande d’asile, à savoir un jugement du tribunal de … du 18 septembre 2002, condamnant Monsieur … à une peine d’emprisonnement de onze ans pour ses activités au sein du parti SDA, constituerait un faux, de sorte qu’elle ne saurait constituer un élément nouveau, et, à fortiori de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution ne seraient établies.

Le 5 avril 2004, les époux …-… firent introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision, en émettant des doutes quant à l’authenticité des pièces versées par le ministère de la Justice et notamment au sujet d’une lettre émanant du ministère des Affaires étrangères de Serbie et Monténégro du 17 septembre 2003.

Le ministre de la Justice confirma sa décision antérieure par une décision prise le 26 avril 2004, envoyée par lettre recommandée le 28 avril 2004.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2004, les époux …-… ont fait déposer un recours en annulation à l’encontre des décisions ministérielles des 1er mars et 26 avril 2004.

L’article 15, paragraphe 2 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en annulation en matière de demandes d’asile déclarées irrecevables suite à l’introduction d’une nouvelle demande, de sorte que le recours en annulation ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

A l’appui de leur nouvelle demande, les demandeurs versent un jugement du tribunal de … du 18 septembre 2002 condamnant Monsieur … à une peine d’emprisonnement de onze ans pour ses activités au sein du parti SDA et soutiennent que cette condamnation pour activisme politique serait à qualifier de persécution au sens de la Convention de Genève. Ils relèvent que Monsieur …, confronté par l’agent du ministère de la Justice quant au caractère falsifié de cette pièce, a affirmé que « les documents sont à 100 % authentiques ». Ils estiment qu’il subsisterait dès lors un doute évident quant à la fiabilité des pièces produites par le ministère de la Justice et notamment celle émanant du ministère des Affaires étrangères de Serbie et Monténégro du 17 septembre 2003, de sorte que le ministre n’aurait pas pu prendre la décision déférée sans s’assurer au préalable que les informations communiquées seraient réelles en demandant notamment la communication de l’information originale du tribunal de… , ce qu’ils avaient d’ailleurs déjà sollicité dans le cadre de leur recours gracieux.

Le délégué du Gouvernement estime que ce serait à bon droit que le ministre de la Justice aurait retenu que le jugement en question constituerait un faux, de sorte que les demandeurs seraient à débouter de leur recours.

L’article 15 de la loi du 3 avril 1996 précité prévoit que : « Le ministre de la Justice considérera comme irrecevable une nouvelle demande d’une personne à laquelle le statut de réfugié a été définitivement refusé, à moins que cette personne ne fournisse de nouveaux éléments d’après lesquels il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Ces nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après une décision négative prise au titre des articles 10 et 11 qui précèdent ».

Il est constant qu’en tant qu’unique élément nouveau au sens de l’article 15 cité ci-avant, les demandeurs versent à l’appui de leur seconde demande d’asile un jugement du tribunal d’arrondissement à … du 18 septembre 2002 condamnant Monsieur …à une peine d’emprisonnement de 11 ans pour son activisme politique au sein du parti d’action démocratique (SDA).

Le ministre de la Justice a retenu que cette pièce constituerait un faux, de sorte qu’elle ne saurait servir de motivation à une nouvelle demande d’asile.

Les demandeurs mettent en cause la fiabilité des renseignements sur lesquels le ministre de la Justice s’est fondé pour conclure au caractère falsifié du jugement.

Suite à l’introduction de la nouvelle demande d’asile par les époux …-…, le ministre de la Justice a introduit une demande en vérification de l’authenticité de la pièce en question. En date du 4 novembre 2003, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères a fait parvenir au ministre de la Justice un courrier ayant la teneur suivante :

« Objet : vérification de l’authenticité d’un jugement dans une affaire contre le prévenu … … comme suite à votre transmis du 19 décembre 2002 pour attribution avec l’information que le jugement en question est un faux (voir documents en annexe)… » A ce courrier est annexé un transmis de l’Ambassade de Belgique à Luxembourg transmettant le courrier du 17 septembre 2003 du ministère des affaires étrangères de Serbie et Monténégro ayant la teneur suivante :

« Le Ministère des Affaires étrangères de Serbie et Monténégro présente ses compliments à l’Ambassade de Belgique à Belgrade et, suite à sa note n° 1537 du 9.09.2003, a l’honneur de l’informer du résultat de la vérification d’authenticité du verdict du Tribunal d’arrondissement de … qui déclare coupable et condamne à une peine de prison ….

Après vérification de l’authenticité du verdict en question, effectuée à votre demande, le Tribunal d’arrondissement de … nous a informé qu’après avoir vérifié la documentation du tribunal, il s’est avéré qu’aucune procédure pénale pour aucun délit n’a été menée à l’encontre de …, qu’il n’existe pas dans ce tribunal de juge avec le prénom et le nom mentionnés, que le cachet sur le verdict n’est pas authentique et que les jugements de ce tribunal portent le signe « K » et non pas « KT » comme cela est le cas dans le verdict présenté. Sur base de tout ce qui vient d’être mentionné, le Tribunal a constaté que le jugement en question est de toute évidence un faux ».

Suite à ces informations précises, circonstanciées et concluantes notamment en ce qui concerne les vérifications effectuées (nom et prénom du juge, cachet, signe distinctif du jugement) et la constatation retenue par le tribunal d’arrondissement de …, le ministre de la Justice a pu valablement retenir que la pièce soumise par le demandeur constitue un faux, sans qu’il ne soit nécessaire de recourir à d’autres informations et vérifications.

A ce sujet c’est encore à juste titre que le délégué du Gouvernement relève que les doutes émis par les parties demanderesses quant à la forme des divers courriers diplomatiques ne sont pas fondés dans la mesure où ces courriers sont rédigés dans une forme propre aux courriers entre les autorités de pays différents.

Pour le surplus, les explications avancées par le demandeur lors de son audition complémentaire le 28 janvier 2004 quant au caractère falsifié de la pièce versée ne sont guère convaincantes et, il reste pour le surplus en défaut de soumettre à l’autorité compétente un quelconque indice pertinent qui aurait, le cas échéant, permis à celle-ci de mettre en doute les informations du tribunal d’arrondissement de ….

De tout ce qui précède, il résulte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a retenu que la nouvelle demande introduite par les demandeurs est irrecevable au sens de l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996, étant donné qu’ils n’ont pas fourni de nouveaux éléments d’après lesquels il existe de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il en résulte que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 juin 2004 par :

Mme Thomé, juge, Mme Gillardin, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. THOMÉ 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18158
Date de la décision : 30/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-30;18158 ?

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