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30/06/2004 | LUXEMBOURG | N°18152

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 juin 2004, 18152


Tribunal administratif N° 18152 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juin 2004 Audience publique du 30 juin 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18152 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsie

ur …, né le … à Relizane (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à...

Tribunal administratif N° 18152 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juin 2004 Audience publique du 30 juin 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18152 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Relizane (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 18 février 2004, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que de la décision confirmative du même ministre du 26 avril 2004, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … introduisit oralement le 11 février 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu le 17 février 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 18 février 2004, envoyée par lettre recommandée le 2 mars 2004, le ministre de la Justice l’informa que sa demande a été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif que les raisons purement économiques invoquées à l’appui de sa demande d’asile ne sauraient fonder une demande en obtention du statut de réfugié alors qu’elles ne rentrent pas dans le cadre d’un motif de persécution prévu par la Convention de Genève.

A l’encontre de cette décision, Monsieur … fit introduire par le biais de son mandataire un recours gracieux formulé par lettre datée du 4 avril 2004, dans le cadre duquel il sollicita le réexamen de sa demande en précisant qu’il risquerait d’être poursuivi en Algérie par un tribunal militaire pour insoumission, alors que bien qu’appelé à faire son service militaire, il ne se serait pas présenté, et de se voir infliger une peine de prison disproportionnée par rapport à la gravité de son infraction.

Par décision du 26 avril 2004, envoyée par lettre recommandée le 28 avril 2004, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale du 18 février 2004 dans son intégralité.

Par requête déposée le 1er juin 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des deux décisions du ministre de la Justice des 18 février et 26 avril 2004.

Il ressort des éléments du dossier, et notamment de la décision ministérielle précitée du 18 février 2004, que le ministre de la Justice s’est basé sur l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996, précitée.

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que les décisions ministérielles seraient viciées pour erreur manifeste d’appréciation des circonstances de fait et de droit.

Il reproche au ministre de la Justice d’avoir appliqué l’article 9 de la prédite loi du 3 avril 1996 en retenant que les motifs par lui invoqués ne rentreraient pas dans le cadre de la Convention de Genève. Il fait exposer que sa demande d’asile serait motivée en partie par sa crainte d’être poursuivi en cas de retour en Algérie pour insoumission, ayant refusé de faire son service militaire pour des raisons de conscience, et qu’il risquerait d’être condamné à une peine de prison lourde et disproportionnée par rapport à la gravité de son infraction.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur. Il souligne que ce dernier aurait principalement invoqué lors de ses déclarations faites devant l’agent du ministère de la Justice chargé de s’enquérir sur les raisons de sa fuite qu’il a quitté son pays, parce qu’il n’aurait pas de travail et qu’il se trouverait dans la misère et que ce n’est que dans le cadre de son recours gracieux qu’il aurait invoqué son insoumission comme motif de demande d’asile sans pourtant justifier son refus de faire le service militaire pour un des motifs rentrant dans le champ d’application de la Convention de Genève, de sorte que le recours du demandeur laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Des considérations d’ordre matériel et économique ne constituent pas à elles seules un motif d’obtention du statut de réfugié (cf. trib. adm. 20 juin 2001, n° 12679 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 83).

En l’espèce, force est de constater que les faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile ont trait essentiellement, ainsi que cela ressort du procès-verbal d’audition du 17 février 2004, aux conditions de vie difficiles en Algérie. En effet, interrogé sur la question de savoir pourquoi il avait quitté l’Algérie, il a indiqué au cours de son audition : « je n’ai pas de travail, je suis dans la misère, je ne peux pas avoir de travail fixe ». C’est partant à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile de Monsieur … comme étant manifestement infondée.

S’il est vrai que le demandeur a introduit contre la prédite décision un recours gracieux dans lequel il exprime sa crainte d’être poursuivi pour insoumission et de se voir infliger une peine de prison disproportionnée par rapport à la gravité de son infraction en cas de retour dans son pays, il n’empêche qu’il n’a pas fait état du moindre fait concret à l’appui de sa crainte pour ainsi amener le ministre de la Justice à reconsidérer son appréciation antérieure.

Or, comme le délégué du gouvernement l’a relevé à juste titre, l’insoumission ou la désertion ne sont pas, en elles-mêmes, des motifs justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elles ne sauraient, à elles seules, fonder dans le chef du demandeur d’asile, en l’espèce Monsieur …, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève (cf. C.E. du 7 mai 1996, n°9526 du rôle). Par conséquent, la seule crainte de Monsieur … des poursuites et des peines infligées de ce chef, ne constitue non plus, en elle-même, une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le tribunal constate en outre qu’il ne ressort pas des éléments du dossier ni que le demandeur risquait de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables ni que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité objective d’une telle infraction, ni que des traitements discriminatoires risquent de lui être infligés. – Il appert du compte rendu d’audition que le demandeur a déclaré, en réponse à la demande s’il avait fait son service militaire, qu’il avait été appelé lorsqu’il avait 18 ans, mais qu’il ne s’était pas rendu à l’appel, alors qu’il se trouvait au Maroc et, qu’après avoir voyagé en Tunisie et Libye, il serait retourné en Algérie lorsqu’il se serait rendu compte qu’ils l’avaient oublié et que depuis 1995, il n’aurait plus quitté l’Algérie.

Il s’ensuit que la demande d’asile du demandeur ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice l’a rejetée comme étant manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 30 juin 2004, par le premier juge en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schroeder 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18152
Date de la décision : 30/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-30;18152 ?

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