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30/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17581

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 juin 2004, 17581


Tribunal administratif N° 17581 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 février 2004 Audience publique du 30 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17581 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 février 2004 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réfor

mation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Environnement, sous la signatur...

Tribunal administratif N° 17581 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 février 2004 Audience publique du 30 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17581 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 février 2004 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Environnement, sous la signature du secrétaire d’Etat audit ministère, du 18 juillet 2003 portant refus d’autorisation de la construction d’une maison unifamiliale à côté d’un hangar viticole à ériger sur un terrain cadastré en la commune de…, section … de … se situant en zone verte, ainsi que de la décision du ministre de l’Environnement, sous la signature du même secrétaire d’Etat, du 24 novembre 2003 sur recours gracieux du 11 septembre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 avril 2004 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions ministérielles déférées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Gabrielle EYNARD, en remplacement de Maître Georges PIERRET, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 juin 2004, plaidoiries à l’issue desquelles le tribunal a fixé avant tout autre progrès en cause une visite des lieux ;

Vu la visite des lieux du 25 juin 2004 à l’issue de laquelle l’affaire a été prise en délibérée.

Considérant que relativement à la demande de Monsieur … du 6 mai 2003 tendant à obtenir l’autorisation pour la construction d’une maison unifamiliale avec hangar pour machines viticoles sur un fonds sis à …, inscrit au cadastre de la commune de… , au lieu-

dit « … » sous le numéro cadastral… , le ministre de l’Environnement, sous la signature du secrétaire d’Etat audit ministère, a pris position comme suit :

« J’ai l’honneur de vous informer que je suis disposé à vous accorder l’autorisation pour la réalisation du hangar viticole en ces lieux.

En ce qui concerne l’emplacement exact ainsi que l’architecture de la construction, je vous prie de vous concerter au préalable avec le responsable de l’administration des Eaux et Forêts.

Par contre, la loi du 11 août 1982 ne m’habilite pas à réserver une suite favorable à votre projet de construction d’une maison d’habitation.

En effet, selon une jurisprudence constante en la matière, il est nécessaire que la maison constitue un complément indispensable à l’exploitation agricole ou viticole, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence.

De surcroît, sa réalisation constituerait un précédent susceptible d’engendrer une multitude de projets similaires avec ces conséquences très négatives pour l’environnement naturel et la beauté paysagère. » ;

Que sur recours gracieux de Monsieur … du 11 septembre 2003, ledit ministre, sous la signature du secrétaire d’Etat, a déclaré maintenir, en date du 24 novembre 2003, sa décision prérelatée du 18 juillet 2003 pour les motifs y invoqués ;

Considérant que par requête déposée en date du 16 février 2004 Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions ministérielles précitées des 18 juillet et 24 novembre 2003 ;

Considérant que le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en annulation introduit en ordre subsidiaire ;

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 38 de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, sous l’empire de laquelle les deux décisions ministérielles déférées ont été prises, le tribunal est amené à statuer comme juge du fond en la matière, de sorte qu’il est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Que par voie de conséquence le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire, est irrecevable ;

Considérant que le recours en réformation est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, aucune contestation y relative n’ayant par ailleurs été élevée par la partie publique ;

Considérant qu’au fond, le demandeur fait exposer en fait que le projet de construction par lui formulé s’appuie plus particulièrement sur les éléments suivants :

- le terrain devant accueillir les constructions projetées appartient au demandeur et se prête « à merveille » pour la construction d’une nouvelle exploitation viticole, ainsi que l’a retenu notamment le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Remerschen dans son avis favorable du 25 juin 2003 - le terrain en question constitue l’unique possibilité de construire dans les alentours immédiats de la localité de … et se trouve à environ 120 mètres de la limite du périmètre d’agglomération ainsi que de la première maison y érigée - la configuration, la nature et la taille de l’exploitation parentale à …, …, où le demandeur pratique pour l’instant sa profession, rendent une extension impossible - une reprise intégrale de cette exploitation n’est pas envisageable dans les années à venir, vu que les parents du demandeur y vivent toujours et qu’il est difficile de séparer la maison de l’exploitation viticole ;

Considérant qu’en droit le demandeur conclut au fond en premier lieu à un défaut de motivation des décisions ministérielles déférées en ce que celles-ci n’énonceraient pas de manière précise les éléments sur lesquels s’appuyeraient les refus déférés ;

Que le demandeur d’énoncer que la décision initiale du 18 juillet 2003, en se contentant de se référer à la jurisprudence constante en la matière selon laquelle il serait nécessaire que la maison constitue un complément indispensable de l’exploitation agricole ou viticole, sans cependant énoncer de façon précise en quoi tel ne serait pas le cas en l’espèce, équivaudrait à une motivation incomplète et imprécise, partant à un défaut de motivation, devant entraîner la réformation, sinon l’annulation des décisions ministérielles déférées ;

Considérant qu’il convient de souligner de prime abord qu’il est constant que le terrain devant accueillir les constructions projetées par Monsieur … se trouve en zone verte telle que définie par l’article 2 de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée ;

Considérant que la décision déférée, en ce qu’elle accueille le principe même de la construction d’un hangar pour machines viticoles sur le terrain en question ne constitue point un refus dans cette mesure ;

Que les seuls éléments de refus déférés faisant grief au demandeur sont constitués par le rejet de la demande d’autorisation de construction de la maison unifamiliale sur le terrain en question à côté du hangar pour machines viticoles autorisé en son principe ;

Considérant que le demandeur n’invoque point une absence de motivation mais simplement une imprécision de motivation dans le chef des décisions ministérielles déférées ;

Considérant que si l’absence de motivation constitue un vice susceptible d’entraîner l’annulation de la décision affectée, l’imprécision de motivation est tout au plus de nature à entraîner la suspension des délais de recours ;

Considérant que pour le surplus force est au tribunal de constater, qu’au-delà du bien-fondé des éléments de motivation invoqués, eu égard au fait constant que Monsieur … livre les fruits de son exploitation à une société coopérative et ne procède dès lors pas personnellement à la production de vin à partir de ses raisins, ni à l’heure actuelle, ni de façon projetée concrètement dans le hangar viticole autorisé à travers la décision déférée, les décisions ministérielles déférées ne pêchent par une imprécision de motivation de nature à avoir rendu impossible l’exercice des droits de la défense du demandeur, comme de fait celui-ci a amplement pris position y relativement à travers sa requête introductive d’instance ;

Que ce premier moyen laisse dès lors d’être fondé ;

Considérant qu’en ordre subsidiaire le demandeur conclut à une violation de la loi en ce que le ministre aurait ajouté à l’article 2, alinéa 2 de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée, en ce sens que le législateur exigerait uniquement que les constructions y visées servent à l’exploitation viticole sans exiger que celles-ci soient indispensables pour pareille exploitation ;

Que le terme « servir » employé par le législateur s’entendrait par essence de ce « qui est utile à, qui a pour but », tandis que le terme « complément indispensable » irait au-delà de cette fonction ;

Considérant que la loi modifiée du 11 août 1982 précitée porte en son article 2, alinéa 2 que dans la zone verte définie audit article, dont fait partie le terrain litigieux du demandeur, « seules peuvent être érigées des constructions servant à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, viticole, apicole ou cynégétique, ou à un but d’utilité publique. Elles restent cependant soumises à l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions l’administration des Eaux et Forêts » ;

Considérant qu’il découle du libellé même de l’article 2, alinéa 2 sous analyse que dans la mesure où seules les constructions y visées sont autorisables en zone verte par le ministre compétent, le texte légal consacre le principe de non constructibilité pour ladite zone et rejoint ainsi les objectifs de la loi consistant notamment dans la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l’intégrité de l’environnement naturel ;

Considérant que le principe même de la non-constructibilité applicable pour la zone verte appelle comme corollaire une interprétation stricte des exceptions légalement prévues ;

Que cela est plus particulièrement le cas pour les constructions servant à l’exploitation viticole visées en l’espèce ;

Considérant que par rapport au hangar viticole autorisé en son principe à travers les décisions déférées, la maison d’habitation projetée ne saurait être autorisée que dans la mesure où il est vérifié dans son chef qu’elle sert à suffisance de droit à l’exploitation viticole ;

Considérant qu’eu égard aux objectifs définis à l’article premier de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée, et à l’interprétation stricte s’imposant pour la circonscription des constructions servant à une des exploitations visées en son article 2, alinéa 2, une maison d’habitation projetée à côté d’un hangar viticole ne peut être qualifiée comme servant à l’exploitation viticole en question, au-delà des facilités indéniables qu’engendrerait son implantation à l’endroit, que dans la mesure où la présence de la maison d’habitation de l’exploitant viticole répond à des exigences découlant directement des activités viticoles déployées dans le hangar autorisé dont elle serait appelée à être le complément ;

Considérant que suivant les éléments fournis au dossier, le hangar viticole autorisé à l’endroit sert d’entrepôt de machines et ustensiles nécessités dans l’exploitation viticole de Monsieur …, sans que cette fonction n’appelle comme exigence que la maison d’habitation de l’exploitant en question se trouve à côté dudit hangar, contrairement à des situations où pareil hangar abriterait des installations de production vinicole nécessitant une surveillance rapprochée de la part de l’exploitant, sinon abritant du cheptel nécessitant la présence à proximité de l’exploitant notamment en phase de reproduction ou de maladie des animaux en question, sinon de mise au monde de leur progéniture ;

Qu’il s’ensuit que c’est sans rajout à la loi, suivant une lecture conforme à la fois au texte et aux objectifs légaux que les refus ministériels ont été émis en l’espèce ;

Considérant qu’à titre plus subsidiaire le demandeur conclut à une erreur manifeste d’appréciation dans le chef du ministre concernant le refus lui opposé en ce sens que pour lui permettre de travailler efficacement et de façon convenable, tout en lui permettant de se séparer de l’exploitation parentale et de créer sa propre exploitation, il serait indispensable que la maison projetée soit annexée au hangar viticole ;

Que pareille exploitation indépendante de celle des parents serait encore indispensable pour répondre aux exigences du ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière de gestion d’une exploitation viticole moderne, ainsi que pour pouvoir bénéficier de certaines aides étatiques ;

Qu’enfin les décisions critiquées aboutiraient à une discrimination flagrante entre un vigneron privé auquel pareille autorisation de construire et de s’établir en zone verte serait susceptible d’être accordée et un vigneron d’une coopérative, tel le demandeur, lequel se verrait refuser pareille autorisation ;

Considérant que les exigences d’intérêt général telles que découlant de l’article premier de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée, à partir des objectifs y mis en avant tenant à la sauvegarde de l’intégrité de l’environnement naturel, font en sorte que les considérations d’intérêt particulier, aussi rectraçables soient-elles d’un point de vue subjectif en l’espèce, sont appelées à céder le pas ;

Considérant que le demandeur reste encore en défaut de concrétiser son argument suivant lequel des exigences posées par le ministère de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en matière de gestion d’une exploitation viticole moderne et d’attribution de certaines aides étatiques feraient en sorte qu’une exploitation indépendante doit être érigée, sans que ces exigences ne puissent être de nature à imposer la construction de pareille exploitation en zone verte, étant entendu que dans un esprit de concordance des dispositions légales et réglementaires concernant l’exploitation viticole, des zones viticoles sont prévues, sinon à prévoir par les plans d’aménagement généraux des communes concernées de façon à permettre le développement viticole sans entrer en conflit avec les exigences découlant de la législation en matière de protection de la nature et des ressources naturelles ;

Considérant que dans la mesure où les exigences objectives tenant à la proximité de l’exploitant viticole par rapport à son matériel de travail diffèrent essentiellement suivant que cet outil de travail consiste en des installations de production vinicole proprement dite ou non, aucune discrimination flagrante telle que mise en avant par le demandeur ne saurait se voir vérifiée au regard des dispositions de l’article 2, alinéa 2 de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée par rapport aux décisions ministérielles déférées ;

Que ce dernier moyen est dès lors à écarter en l’état en toutes ses branches ;

Considérant que le recours n’étant justifié en l’état en aucun de ses moyens, il est à déclarer non fondé dans son intégralité ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en réformation recevable ;

au fond, le dit non justifié ;

partant en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 juin 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17581
Date de la décision : 30/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-30;17581 ?

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