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28/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17726

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juin 2004, 17726


Tribunal administratif N° 17726 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mars 2004 Audience publique du 28 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17726 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsi

eur …, …, né le …(Kosovo/ Etat de Serbie-Monténégro), de nationalité serbo-monénégrine, de...

Tribunal administratif N° 17726 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mars 2004 Audience publique du 28 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17726 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2004 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, né le …(Kosovo/ Etat de Serbie-Monténégro), de nationalité serbo-monénégrine, demeurant actuellement à L-…., tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 15 décembre 2003, notifiée le 19 décembre 2003, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié non fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 6 février 2004, notifiée le 10 février 2004, suite à un recours gracieux du 19 janvier 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 avril 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Edmond DAUPHIN et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 juin 2004.

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Le 10 juillet 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Monsieur … fut entendu en date du 14 octobre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision datant du 15 décembre 2003, lui notifiée par courrier recommandé expédié le 18 décembre 2003, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’elle peut être considérée comme manifestement infondée et, a fortiori, également comme non fondée sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 19 janvier 2004 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice prit une décision confirmative le 6 février 2004, expédiée par courrier recommandé le 9 février 2004.

Le 10 mars 2004, Monsieur … a introduit un recours en réformation contre les décisions ministérielles de refus prévisées.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer être originaire du Kosovo et avoir fui son pays en raison des craintes pour sa vie qu’il aurait eues du fait de l’activisme politique de son père. Il décrit par ailleurs, d’une manière générale, la situation difficile au Kosovo, caractérisée par une situation économique et sociale désastreuse et par les velléités de la majorité albanaise de purger le Kosovo de ses minorités ethniques.

En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le demandeur n’aurait fait état d’aucune crainte raisonnable de persécution correspondant à l’un des motifs de fond prévus par la Convention de Genève, mais qu’il se serait au contraire limité à faire état de motifs d’ordre économique et matériel, de sorte que sa demande serait manifestement infondée pour ne pas tomber sous le champ d’application de la Convention de Genève, et, a fortiori, non fondée pour les mêmes motifs.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises. Le recours en réformation ayant été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que le demandeur, lors de son audition du 14 octobre 2003, telle que relatée par le rapport versé aux débats, déclare expressément :

« Je suis venu ici uniquement à cause des mauvaises conditions de vie ». Sur question spécifique de l’agent du ministère quant à une éventuelle autre raison ayant justifié sa fuite, le demandeur répond : « Juste à cause des mauvaises conditions de vie ». Il précise encore n’avoir eu au Kosovo ni activités, ni opinions politiques et ne pas avoir personnellement subi de persécutions.

Il se dégage partant du rapport d’audition que l’objectif réel du demandeur est de trouver de meilleures conditions de vie à l’étranger, et en particulier au Luxembourg.

Or, des considérations d’ordre matériel et économique ne constituent pas un motif d’obtention du statut de réfugié.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

C’est partant à juste titre que le ministre de la Justice a considéré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée pour ne pas tomber sous le champ d’application de la Convention de Genève.

Cette conclusion n’est pas énervée par les arguments avancés par le conseil du demandeur dans le cadre des recours gracieux et contentieux, et relatifs au fait que le père du demandeur serait membre du parti politique gouvernemental, étant donné qu’il n’est pas établi, ni même allégué, que le demandeur aurait subi de ce fait personnellement des persécutions.

Toute demande d’asile remplissant les conditions fixées par l’article 9 de la loi du 3 avril 1996, de sorte à pouvoir être rejetée comme étant manifestement infondée, peut également, et a fortiori, être considérée comme simplement non fondée au sens de l’article 11 de la même loi, la seule différence entre les deux dispositions légales consistant dans le fait que les procédures administrative et contentieuse à respecter en application de l’article 9 en question sont réglementées de manière plus stricte par rapport à celles applicables en application de l’article 11 précité, dans la mesure où non seulement seuls les recours en annulation sont susceptibles d’être introduits à l’encontre des décisions déclarant une demande d’asile manifestement infondée mais qu’en outre les délais d’instruction sont beaucoup plus courts par rapport à ceux applicables pour les décisions prises au sujet des demandes d’asile déclarées simplement non fondées.

Or, le fait de faire application des dispositions des articles 11 et 12 de la loi précitée du 3 avril 1996 au lieu de celles contenues aux articles 9 et 10 de la même loi ne saurait en aucune manière préjudicier au demandeur d’asile qui, au contraire, bénéficie ainsi de garanties de procédure plus étendues, dans la mesure où il pourra introduire un recours en réformation devant les juridictions administratives et où les délais d’instruction au niveau administratif et au niveau juridictionnel ne comportent pas la même limitation dans le temps que ceux prévus au sujet des demandes d’asile déclarées manifestement infondées (Cour adm. 19 février 2004, n° 17263C ; Cour adm. 19 février 2004, n° 17264C, non encore publiés).

A partir de ces considérations, le tribunal est amené à constater que la décision litigieuse est a fortiori justifiée dans son résultat en ce qu’elle a rejeté comme non fondée sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée la demande du demandeur en obtention du statut de réfugié.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 juin 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17726
Date de la décision : 28/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-28;17726 ?

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