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28/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17659

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juin 2004, 17659


Tribunal administratif N° 17659 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 février 2004 Audience publique du 28 juin 2004 Recours formé par M. … et Mme … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, déposée le 25 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le …, de nationalité serbo-monténégrine, déclarant de

meurer à Prokuplje (Etat de Serbie et Monténégro), …, et de son épouse, Mme …, née le …, de national...

Tribunal administratif N° 17659 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 février 2004 Audience publique du 28 juin 2004 Recours formé par M. … et Mme … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, déposée le 25 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le …, de nationalité serbo-monténégrine, déclarant demeurer à Prokuplje (Etat de Serbie et Monténégro), …, et de son épouse, Mme …, née le …, de nationalité serbo-

monténégrine, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 24 novembre 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré maintenir son refus de délivrance d’une autorisation de séjour en faveur de M. … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juin 2004 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Pascale PETOUD, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté du 19 décembre 2002, le ministre de la Justice refusa l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg à M. …. Ledit arrêté fait état de l’expiration du visa touristique de M. …, d’un refus de délivrance d’un permis de travail en date du 22 octobre 2002, d’un défaut d’existence de moyens personnels dans le chef de l’intéressé, de son séjour irrégulier au pays et de ce qu’il présenterait un danger pour l’ordre et la sécurité publics.

Le 6 mars 2003, M. … a contracté mariage avec Mme … à l’ambassade de la République fédérale de Yougoslavie à Bruxelles.

Invoquant son mariage et le fait que Mme … est légalement établie à Luxembourg, M.

… sollicita, par lettres des 12 mars et 13 mai 2003 émanant de son mandataire de l’époque, un permis de séjour au Luxembourg.

Le 29 août 2003, M. … fut éloigné du territoire luxembourgeois vers l’ex-Yougoslavie.

Par lettre du 10 octobre 2003, le mandataire actuel de M. …, faisant état « d’un élément nouveau » consistant dans le mariage de M. … avec Mme …, sollicita le « retrait de l’arrêté d’interdiction d’entrée et de séjour sur le territoire » et la délivrance d’un permis de séjour « dans le cadre du regroupement familial ».

Par lettre du 24 novembre 2003, le ministre de la Justice informa le mandataire de M.

… qu’il n’entendait pas revenir sur sa décision du 19 décembre 2002.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 février 2004, les époux …-

… ont fait déposer un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 24 novembre 2003.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours neserait pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les époux …-… estiment en premier lieu que la décision ministérielle viole la directive 2003/86/CE du conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial.

Abstraction faite de toutes autres considérations, force est de constater que la directive 2003/86/CE, précitée, n’a pas encore été transposée en droit luxembourgeois, étant relevé que le délai prévu à cette fin par l’article 20 de ladite directive court jusqu’au 3 octobre 2005. Or, à défaut d’effet direct de la directive, le moyen d’annulation soulevé laisse d’être fondé.

En second lieu, les demandeurs soutiennent que M. …, en raison de son mariage « et des conséquences de celui-ci (devoir de secours et d’assistance) » pourrait invoquer les revenus perçus par son épouse et s’en prévaloir au titre de moyens d’existence personnels légalement requis. Il conteste en outre avoir constitué à un quelconque moment un danger pour la sécurité ou l’ordre publics.

Au vœu de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Il se dégage notamment de cette disposition légale qu’une autorisation de séjour peut être refusée lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, II. Autorisation de séjour, n° 134 et autres références y citées).

Etant donné que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise et qu’il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute, il y a lieu de constater qu’en l’espèce, il ne ressort d’aucun élément du dossier soumis au tribunal que Monsieur … disposait d’un quelconque moyen personnel susceptible de lui permettre de subvenir à ses besoins de subsistance au pays et qu’il ne disposait pas non plus d’un permis de travail émis par le ministre du Travail et de l’Emploi, de sorte qu’il n’était pas non plus autorisé à s’adonner à une activité salariée au Luxembourg et d’en conclure que c’est à bon droit et sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que le ministre de la Justice a pu se baser sur le défaut de moyens personnels propres légaux au moment de la prise de la décision litigieuse pour refuser la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur de Monsieur ….

En troisième lieu, les demandeurs font valoir que la décision ministérielle refusant de revenir sur la décision de refus d’entrée et de séjour, c’est-à-dire refusant de délivrer un permis de séjour en faveur de M. …, violerait l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, au motif que son droit de vivre ensemble avec son épouse ne serait pas respecté.

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que :

« 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2) Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-

être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

S’il est de principe, en droit international, que les Etats ont le pouvoir souverain de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers, il n’en reste pas moins que les Etats qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme ont accepté de limiter le libre exercice de cette prérogative dans la mesure des dispositions de la Convention.

Il y a dès lors lieu d’examiner en l’espèce si la vie privée et familiale dont font état les demandeurs pour conclure dans leur chef à l’existence d’un droit à la protection d’une vie familiale par le biais des dispositions de l’article 8 précité de la Convention européenne des droits de l’homme, rentre effectivement dans les prévisions de ladite disposition de droit international qui est de nature à tenir en échec la législation nationale.

En l’espèce, il échet tout d’abord de relever qu’il est constant en cause qu’une vie familiale effective n’a pas existé entre Mme … et M. … antérieurement à l’immigration de la première au Grand-Duché de Luxembourg.

Par ailleurs, étant donné que les demandeurs n’établissent pas non plus la création et l’existence de relations familiales effectives depuis l’immigration et portant sur une certaine durée, que le simple fait de s’être marié - en pleine connaissance de la précarité de la situation de M. … au Luxembourg – ne saurait être à lui seul suffisant pour justifier la protection prévue par l’article 8, paragraphe 1er de la Convention européenne des droits de l’homme et qu’en outre, les demandeurs n’ont pas justifié à suffisance de droit qu’ils ne seraient pas en mesure de s’installer ensemble et constituer et mener une vie familiale dans leur pays d’origine, le tribunal est amené à retenir que les demandeurs ne tombent pas sous le champ d’application de ladite disposition et leur moyen afférent doit être rejeté pour manquer de fondement.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à déclarer non fondé et partant les demandeurs sont à en débouter.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande principale en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 28 juin 2004, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17659
Date de la décision : 28/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-28;17659 ?

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