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28/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17639

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juin 2004, 17639


Tribunal administratif N° 17639 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2004 Audience publique du 28 juin 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17639 du rôle, déposée le 20 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M.

…, né le … à Porto-Novo/Bénin, de nationalité béninoise, demeurant à L-…, tendant principalement à la ré...

Tribunal administratif N° 17639 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 février 2004 Audience publique du 28 juin 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17639 du rôle, déposée le 20 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Porto-Novo/Bénin, de nationalité béninoise, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 22 janvier 2004 par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 avril 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Ariane KORTÜM, en remplacement de Maître François MOYSE, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 18 septembre 2003, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, M. … fut entendu par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

1 Il fut entendu le 19 novembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 22 janvier 2004, notifiée par lettre recommandée du 26 janvier 2004, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été rejetée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte de vos déclarations qu’au début 2003 votre père, roi de famille, serait décédé par maladie et que vous devriez reprendre le pouvoir de la famille. Vous n’auriez pas voulu devenir roi de famille, parce que « c’est quelque chose de sorcellerie » et parce qu’en ayant le pouvoir on serait menacé. Votre famille vous aurait alors menacé de prendre le pouvoir, sinon elle vous « ferait tout ce qu’elle voudrait ». Vous seriez allé voir un féticheur qui vous aurait dit soit de prendre le pouvoir, soit de quitter le Bénin et ainsi vous auriez pris un bateau le 3 septembre 2003 à Cotonou en direction de l’Italie. Vous auriez ensuite pris un train pour Paris, où vous auriez pris un autre pour le Luxembourg. Vous n’auriez rien payé pour tout votre voyage en Europe, votre patron vous aurait aidé.

Vous auriez peur d’être tué en prenant le pouvoir de votre famille.

Enfin, vous admettez ne pas être membre d’un parti politique et vous ne faites pas état de persécutions.

Selon l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

Je vous informe qu’une demande d’asile qui peut être déclarée manifestement infondée peut, a fortiori, être déclarée non fondée pour les mêmes motifs.

Force est de constater que votre demande ne correspond à aucun critère de fond défini par la Convention de Genève et que vous ne faites pas état de persécutions dans votre pays d’origine. Des raisons familiales, ainsi que des « problèmes de sorcellerie » ne sauraient fonder une demande en obtention du statut de réfugié politique car ils ne rentrent pas dans le cadre d’un motif de persécution prévu par la Convention de Genève de 1951. A cela s’ajoute que ni des membres de votre famille, ni des villageois ne sauraient être considérés comme agents de persécution au sens de la prédite Convention. Il faut également noter que votre crainte et votre réaction de fuir en Europe sont totalement démesurées par rapport aux faits allégués.

De surcroît, le Bénin, pays démocratique, doit être considéré comme pays d’origine sûr où il n’existe pas en règle générale des risques de persécution au sens de l’article 5-1) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 2 avril 1996 précitée, qui dispose que « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile provient d’un pays où il n’existe pas, en règle générale, de risques sérieux de persécution ». A cela s’ajoute que vous avez que des faibles connaissances sur le Bénin, de sorte que des doutes doivent être émis quant à votre réelle provenance.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par requête déposée le 20 février 2004, M. … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision prévisée du ministre de la Justice du 22 janvier 2004.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle critiquée. – Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le recours principal en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur réitère ses craintes de subir des persécutions et d’être tué en cas de retour au Bénin, au motif qu’il aurait refusé et refuserait de prendre la relève de son père décédé à la tête de la famille et, surtout, de s’adonner à la sorcellerie et à la pratique du vaudou.

En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la gravité des motifs de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a 3 pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que la crédibilité et la véracité du récit du demandeur sont fondamentalement ébranlées par le fait apparu au cours de l’instruction de la demande d’asile de M. …, à l’occasion d’une enquête menée à son encontre pour détention, transport et vente de cocaïne, qu’en flagrante contradiction avec ses déclarations antérieures, il a séjourné et introduit une demande d’asile en Suisse et ceci sous une autre identité, à savoir celle d’…, né le … au Bénin », état des choses que le demandeur n’a ni contesté ni tenté d’expliquer par la suite.

Or, à la lumière de cette constatation et compte tenu d’allégations essentiellement vagues et non circonstanciées et d’un défaut d’un quelconque élément de preuve tangible relativement à des persécutions concrètes que le demandeur a subies ou des risques réels afférents, le récit du demandeur n’est pas de nature à dégager l’existence d’un risque réel de persécution au sens de la Convention de Genève dans son chef.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

4 condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 28 juin 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17639
Date de la décision : 28/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-28;17639 ?

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