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28/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17578

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juin 2004, 17578


Tribunal administratif N° 17578 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 février 2004 Audience publique du 28 juin 2004

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Recours formé par Monsieur …, ….

contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17578 du rôle, déposée le 13 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no

m de M. …, déclarant être né le … à Vladikavkaz (Fédération de Russie), de nationalité ossète, ayant demeuré à...

Tribunal administratif N° 17578 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 février 2004 Audience publique du 28 juin 2004

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Recours formé par Monsieur …, ….

contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17578 du rôle, déposée le 13 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, déclarant être né le … à Vladikavkaz (Fédération de Russie), de nationalité ossète, ayant demeuré à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 1er décembre 2003 par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Barbara NAJDI, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 28 novembre 2002, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, M. … fut entendu par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

1 Il fut entendu le 17 novembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 1er décembre 2003, notifiée par lettre recommandée du 5 décembre 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été rejetée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté votre pays au printemps 2001 pour aller en Turquie, où vous avez résidé pendant un an. Vous auriez quitté la Turquie pour l’Italie, et ensuite pour la France. Finalement, vous êtes venu au Luxembourg.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 28 novembre 2002.

Vous n’auriez pas fait votre service militaire.

Vous auriez été membre du FRONT DE LIBERATION, qui serait un mouvement d’opposition au pouvoir russe et contre la guerre en Tchétchénie.

Vous auriez été poursuivi par les autorités de l’Ossétie du Nord, en 1998, 1999 et 2000. Des personnes se faisant passer pour des agents de milice vous auraient arrêté et maltraité. Vous n’auriez pas osé porter plainte. Vous ajoutez qu’on aurait même tiré sur vous au Luxembourg.

Je vous informe que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Je constate tout d’abord que, si vous avez reconnu avoir déposé des demandes d’asile en Italie et en France, vous n’avez fait aucune allusion à l’Allemagne, ni auprès du Service de Police Judiciaire ni auprès de l’agent du Ministère de la Justice. Or, il résulte des renseignements en notre possession que vous avez déposé une demande d’asile en Allemagne, sous une autre identité, le 7 janvier 2002.

Ceci jette évidemment un doute, non seulement sur votre véritable identité, mais encore sur tout votre récit.

Quoiqu’il en soit, je remarque que vous avez quitté la Fédération de Russie en 2001 et que vos derniers ennuis à Vladikavkaz datent de l’an 2000.

En ce qui concerne votre appartenance au FRONT DE LIBERATION, je vous rends attentif au fait que la seule affiliation à un parti d’opposition est insuffisante pour entraîner l’application de la Convention de Genève. Vos activités pour ce mouvement ne vous plaçaient pas dans une situation particulièrement exposée.

2 Je constate aussi que vous avez vécu et travaillé en Turquie pendant un an. Il ne résulte pas de votre dossier que vous ne pouviez pas vous y établir. Ou, sans quitter la Fédération de Russie, vous auriez également pu vous établir dans une autre région pour éviter les personnes qui vous recherchaient à Vladikavkaz. Vous auriez ainsi pu profiter d’une possibilité de fuite interne.

Finalement, aucune trace d’un prétendu attentat au Luxembourg n’a été relevée.

J’en conclus qu’il résulte de vos dires que vous éprouvez un sentiment d’insécurité plutôt qu’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Par conséquent, votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux introduit par lettre de son mandataire en date du 18 décembre 2003 et une décision confirmative de son refus initial prise par le ministre de la Justice le 14 janvier 2004, M. …, par requête déposée le 13 février 2004, a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision prévisée du ministre de la Justice du 1er décembre 2003.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle critiquée. – Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le recours principal en réformation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur fait essentiellement état de son appartenance à un mouvement d’opposition (« Front de Libération ») au pouvoir russe et à la guerre en Tchétchénie et de son activisme pour la cause défendue par ce mouvement, ainsi que de persécutions endurées par lui de ce fait, persécutions ayant émané « des autorités de l’Ossétie du Nord » et de faux miliciens. Il soutient en outre qu’en raison de « l’ampleur des poursuites » sa vie serait en danger sur l’intégralité du territoire de la Fédération de Russie.

En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la gravité des motifs de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

3 L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que la crédibilité et la véracité du récit du demandeur sont sérieusement ébranlées par le fait apparu au cours de l’instruction de la demande d’asile de M. …, qu’il avait antérieurement introduit une demande d’asile en Allemagne sous une autre identité, état des choses que le demandeur n’a pas mentionné lors de son audition et qu’il n’a pas tenté d’expliquer par la suite.

Or, à la lumière de cette constatation et compte tenu du défaut d’un quelconque élément de preuve tangible relativement à des persécutions concrètes que le demandeur a subies ou des risques réels afférents, le récit du demandeur, pour le surplus essentiellement vague, n’est pas de nature à dégager l’existence d’un risque réel de persécution au sens de la Convention de Genève dans son chef.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

4 déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 28 juin 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17578
Date de la décision : 28/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-28;17578 ?

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