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28/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17557

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juin 2004, 17557


Tribunal administratif N° 17557 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2004 Audience publique du 28 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe du ministre de la Justice et du ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17557 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, ins

crit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité se...

Tribunal administratif N° 17557 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2004 Audience publique du 28 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe du ministre de la Justice et du ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17557 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité serbo-monténégrine, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision implicite de refus résultant du silence de l’administration pendant plus de trois mois suite à l’introduction d’une demande en obtention d’une autorisation de séjour datée du 13 juillet 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mai 2004 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH en sa plaidoirie à l’audience publique du 21 juin 2004.

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Monsieur …, après s’être vu rejeter sa demande en obtention du statut de réfugié au Grand-Duché de Luxembourg, déposa en date du 13 juillet 2001 une demande en régularisation, tendant à obtenir une autorisation de séjour, auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille établi dans la zone d’activité « Cloche d’Or », 5, rue G. Kroll, L-2941 Luxembourg, dénommé ci-après le « service commun ».

Cette demande étant restée sans réponse pendant plus de trois mois de la part des autorités compétentes, Monsieur … a fait introduire par requête déposée en date du 1er décembre 2003 un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision ministérielle implicite de refus résultant de ce silence.

Le demandeur conclut à l’annulation de la décision implicite de refus en soulevant d’abord sa nullité pour défaut de motivation. Il entend à ce sujet se prévaloir de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Il estime encore que les conditions édictées par l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère, qui pourraient éventuellement motiver le refus lui opposé, ne seraient pas remplies en l’espèce.

Enfin, il soutient qu’il remplirait en tant que candidat appartenant à la catégorie « C » la condition énoncée dans la brochure intitulée « Régularisation du 15 mai au 30 juillet 2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg », éditée par le service commun, dénommée ci-après la « brochure », à savoir la condition d’une résidence ininterrompue au pays depuis le 1er juillet 1998.

Il y a de prime abord lieu de relever que l’Etat n’était pas représenté à l’audience du 21 juin 2004.

Cependant, la procédure devant les juridictions administratives étant entièrement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur ou le représentant de la partie défenderesse n’est ni présent ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Du moment que la requête introductive d’instance a été déposée et que la partie défenderesse a déposé un mémoire en réponse, le jugement est rendu contradictoirement entre parties (voir trib. adm. 19 février 1997, n° 9622, Pas. adm. 2003, v° procédure contentieuse, n° 342, p.567).

Dans la mesure où ni la loi du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers, ; 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, seul un recours en annulation a pu être introduit, de sorte que le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Concernant le moyen d’annulation tiré de l’absence de motivation, il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et elle doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle refuse de faire droit à la demande de l’intéressé.

Cependant la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours. La décision reste cependant valable, et l’administration peut produire ou compléter ses motifs postérieurement et même pour la première fois en cours d’instance.

Etant donné qu’en l’espèce, le délégué du Gouvernement a utilement motivé la décision litigieuse en cours de procédure contentieuse, le moyen relatif à l’absence de motivation de la décision est à rejeter comme étant non fondé.

Il est constant en cause que le seul motif de refus à l’appui de la décision implicite de refus déférée repose sur le fait que le demandeur ne remplirait pas les conditions pour l’octroi d’une autorisation de séjour dans le cadre de la procédure dite de régularisation, et plus particulièrement celles édictées pour les candidats appartenant à la catégorie « C » de la brochure.

Le demandeur résiste à cette argumentation en se prévalant d’attestations testimoniales versées au dossier dont il ressortirait qu’il serait arrivé au Luxembourg « au moins » en date du 7 juin 1998, « partant avant la date du 1er juillet 1998 ».

Le tribunal constate à ce sujet qu’il ressort d’un rapport daté du 21 juillet 1999 de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, que le demandeur s’est présenté le même jour auprès du service compétent du ministère de la Justice pour y déposer une demande en reconnaissance du statut de réfugié, et qu’il y a affirmé avoir quitté son domicile sis au Monténégro quinze jours auparavant, pour arriver le 20 juillet 1999 au Luxembourg.

La demande en obtention de séjour datée du 13 juillet 2001, signée par le demandeur, renseigne en tant que date d’arrivée au Luxembourg le 21 juillet 1999.

Par courrier daté du 30 juillet 2001, le service commun invita le demandeur à lui faire parvenir une pièce prouvant son séjour au Luxembourg du 1er juillet 1998 au 19 juillet 2001.

Ce courrier étant resté sans réponse, le service commun réitéra sa demande par courriers des 5 juin 2002, 20 juin 2002 et 28 août 2002, ce dernier courrier précisant qu’il s’agirait du dernier rappel adressé au demandeur.

Ce n’est que suite à cet ultime rappel que le demandeur a produit cinq attestations testimoniales, datées respectivement des 5 septembre et 24 septembre 2004, par lesquelles des tiers affirment avoir fait la connaissance du demandeur au Luxembourg dès le mois de juin 1998.

Le tribunal a la libre appréciation des preuves qui lui sont soumises, et plus particulièrement de la sincérité des témoignages produits, et puise sa conviction dans les pièces versées au débat et dans les débats à l’audience.

En l’espèce, force est de constater que le demandeur a affirmé spontanément et a confirmé par la suite, in tempore non suspecto, c’est-à-dire à une époque où il ignorait que le sort de sa demande de régularisation dépendrait de la condition d’une résidence ininterrompue au pays depuis le 1er juillet 1998, qu’il était arrivé au Luxembourg en juillet 1999.

Ce n’est qu’après plusieurs demandes émanant du service commun, qui indiquaient toutes qu’à défaut de fournir la preuve exigée d’un séjour au pays depuis le 1er juillet 1998 endéans un délai déterminé, sa demande en obtention d’une autorisation de séjour serait examinée sans prise en considération de la preuve faisant défaut, qu’il a produit des attestations de tiers indiquant qu’il serait arrivé au Luxembourg dès juin 1998, attestations en contradiction avec ses propres déclarations initiales.

Il s’avère encore que si les attestations indiquent toutes, de manière plus ou moins vagues, que le demandeur serait arrivé au Luxembourg en 1998, elles n’établissent pas le fait que le demandeur ait résidé depuis cette date de manière ininterrompue au Luxembourg. L’indication par divers témoins non autrement circonstanciée qu’à leur connaissance le demandeur n’aurait pas quitté depuis son arrivée le pays n’est à cet égard pas concluante.

Le tribunal relève à ce sujet qu’une personne résidant de manière ininterrompue au Luxembourg devrait être à même de produire à tous le moins des pièces telles que factures, déclaration d’arrivée dans une commune, relevés bancaires, etc., établissant à une vie effective au pays depuis le 1er juillet 1998.

Par ailleurs, il y a lieu de constater que des deux témoins convoqués par le service commun, l’un ne s’est pas présenté, tandis que l’autre s’est contenté de confirmer le contenu pour le moins vague de son attestation, sans apporter la moindre précision, alors qu’il prétend pourtant voir régulièrement le demandeur.

En l’espèce, sur base des éléments d’appréciation lui soumis, le tribunal arrive à la conviction que le demandeur n’a pas établi à suffisance de droit avoir résidé au Luxembourg de manière ininterrompue depuis le 1er juillet 1998, ceci spécialement au regard du fait que les déclarations initiales du demandeur renseignent en tant que date d’arrivée au Luxembourg le mois de juillet 1999, et que les attestations testimoniales produites en cause, relativement vagues, ne sont ni suffisantes pour rencontrer utilement le doute que les déclarations initiales du demandeur font naître par rapport à la date d’arrivée effective du demandeur au Luxembourg, ni pour établir la résidence interrompue du demandeur au pays.

Il n’est dès lors pas établi que le demandeur répond aux conditions fixées par la catégorie C de la brochure de régularisation.

La décision de refus implicite est par conséquent valablement justifiée par le fait que le demandeur ne remplit pas les conditions édictées pour les candidats appartenant à la catégorie « C » pour l’octroi d’une autorisation de séjour dans le cadre de la procédure dite de régularisation.

Il s’ensuit que le recours formé par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 juin 2004 par :

Mme Thomé, juge, Mme Gillardin, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Thomé 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17557
Date de la décision : 28/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-28;17557 ?

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