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28/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17522

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juin 2004, 17522


Tribunal administratif Numéro 17522 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2004 Audience publique du 28 juin 2004 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17522 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Kosovo/Serbie-Monténégro), de nationalité serbo-montén

égrine, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du mi...

Tribunal administratif Numéro 17522 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2004 Audience publique du 28 juin 2004 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17522 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Kosovo/Serbie-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 23 décembre 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 avril 2004 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mai 2004 par Maître François MOYSE au nom de Madame … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juin 2004.

Le 15 septembre 2003, Madame … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour elle fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 22 décembre 2003, elle fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Le 1er décembre 2003, Maître François MOYSE fit parvenir au ministère de la Justice une photocopie du dernier certificat médical concernant l’état de santé de Madame … en indiquant que « la présente est destinée à compléter son dossier dans le cadre de sa demande d’asile humanitaire ».

Par décision du 23 décembre 2003, notifiée le 27 décembre 2003, le ministre de la Justice informa Madame … de ce que sa demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’elle n’invoquerait aucune crainte justifiée de persécution en raison de son opinion politique, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social.

Le 26 janvier 2004, Madame … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation sinon en annulation contre la décision ministérielle de refus du 23 décembre 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour analyser le recours introduit. Le recours en réformation ayant été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation est par conséquent irrecevable.

En premier lieu, la demanderesse, souffrant de troubles psychologiques, fait valoir qu’elle serait venue au Luxembourg, accompagnée de ses trois enfants mineurs, pour rejoindre son mari lequel l’aurait précédé pour essayer de lui obtenir le bénéfice d’un traitement médical. Elle soutient que la décision litigieuse serait entachée d’illégalité pour absence de motivation, dans la mesure où le ministre de la Justice aurait omis de répondre à la demande d’asile humanitaire introduite par elle. Elle fait valoir qu’elle n’aurait à aucun moment de la procédure émis le désir de demander l’asile politique, mais aurait, lors des déclarations auprès de la police judiciaire et lors de son audition, affirmé son désir d’introduire une demande d’asile humanitaire au vu de ses graves problèmes de santé.

Il convient tout d’abord de rappeler que l’époux de Madame …, Monsieur Mehmet …, assisté tout au long de la procédure du même conseil que sa femme, introduisit le 27 juin 2003 auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, après avoir sollicité dans un premier temps « l’asile humanitaire » afin de pouvoir faire soigner au Luxembourg son épouse malade, restée au Kosovo. Cette demande s’étant soldée par une décision négative du ministre de la Justice du 8 août 2003, Monsieur … a introduit un recours contentieux à son encontre.

Par jugement du 25 septembre 2003 (n° du rôle 16928) le tribunal administratif, deuxième chambre, a déclaré ledit recours partiellement justifié et annulé la décision ministérielle du 8 août 2003 « dans la mesure où elle n’a pas statué sur la demande en obtention d’un titre de séjour pour raison humanitaire » de Monsieur ….

L’affaire ayant été renvoyée en prosécution de cause devant le ministre de la Justice, celui-ci, par décision du 26 novembre 2003 a décidé de ne pas réserver une suite favorable à la demande d’autorisation de séjour en faveur de Monsieur … et de son épouse au motif qu’ils ne disposeraient pas de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, et qu’ils ne feraient pas non plus état de raisons humanitaires justifiant dans leur chef l’octroi d’une autorisation de séjour au Luxembourg. Le recours introduit à l’encontre de cette décision a été déclaré non fondé par un jugement du 28 avril 2004 (n° du rôle 17573).

En ce qui concerne le premier moyen soulevé par la partie demanderesse, force est de constater qu’il est à rejeter pour manquer de pertinence. En effet il résulte du rapport no.

6/2167/03/HA du service de police judiciaire, police des étrangers et des jeux, que Madame …, accompagnée de ses trois enfants mineurs, a introduit le 15 septembre 2003 au bureau d’accueil pour réfugiés une demande d’asile sans préciser qu’il s’agissait d’une soi-disant demande pour asile humanitaire.

Ensuite Madame … a été auditionnée en date du 22 décembre 2003 dans le cadre de sa demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Pendant l’audition elle était assistée de son conseil, lequel a signé, ensemble sa mandante, sans émettre la moindre réserve le procès-verbal d’audition intitulé « Rapport sur la demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 de Madame … », de sorte qu’il y a lieu d’admettre que la demanderesse n’a pas pu se méprendre sur l’objet de sa demande introduite.

En effet il aurait appartenu à celle-ci, assistée de son conseil, ayant une connaissance parfaite du dossier pour avoir assisté son époux tout au long de la procédure de sa demande d’asile et de sa demande d’autorisation de séjour pour raisons humanitaires et censé conseiller utilement sa mandante, de demander de prime abord une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, sinon d’avertir les services compétents, au plus tard, au moment de l’audition dans le cadre de sa demande d’asile introduite, qu’elle se serait méprise sur l’objet de sa demande laquelle serait à considérer comme une demande d’asile humanitaire, qualifiée comme telle. La demanderesse est dès lors malvenue d’invoquer, après coup, qu’elle n’aurait jamais fait une demande d’asile sur base de la Convention de Genève, mais qu’elle aurait depuis le début de la procédure, affirmé sa volonté de faire une demande d’asile humanitaire.

Dès lors le simple fait d’avoir invoqué lors de son audition des raisons de santé comme unique motif à la base de sa demande d’asile, ainsi que le certificat de santé adressé au ministère de la Justice destiné à compléter le dossier dans le cadre de sa demande « d’asile humanitaire », notion par ailleurs inconnue en tant que telle en droit luxembourgeois, ne sauraient suffire pour faire admettre que la demanderesse a posé une demande d’asile humanitaire, qualifiée comme telle.

S’il est certes exact qu’en vertu de l’obligation de collaboration de l’administration, toute autorité administrative est tenue d’appliquer d’office le droit applicable à l’affaire dont elle est saisie et qu’il appartient à celle-ci de dégager les règles applicables et de faire bénéficier l’administré de la règle la plus favorable, il n’en reste pas moins qu’il appartient également à l’administré, d’autant plus s’il est assisté par un avocat, de collaborer avec l’administration et de mettre celle-ci en mesure de lui appliquer la règle la plus favorable, notamment en précisant en temps utile la portée exacte de sa demande.

Force est de constater que cela n’a manifestement pas été le cas en l’espèce.

Au vu de ce qui précède, il résulte que c’est à bon droit que le ministre a analysé la demande posée par la demanderesse comme une demande d’asile posée au sens de la Convention de Genève et qu’on ne saurait lui reprocher de ne n’avoir pas pris position quant à une prétendue demande d’asile humanitaire.

C’est également à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile ainsi posée, étant donné que des motifs d’ordre purement personnels ayant trait à la situation économique et à l’état de santé de la demanderesse, ne peuvent pas valoir comme motifs de persécutions rentrant dans le cadre de la Convention de Genève, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter dans son ensemble comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 juin 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17522
Date de la décision : 28/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-28;17522 ?

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