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28/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17307

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juin 2004, 17307


Tribunal administratif N° 17307 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 décembre 2003 Audience publique du 28 juin 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée …, … contre une décision implicite de refus du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière de subvention étatique

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17307 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 décembre 2003 par Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,

au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayant son siège so...

Tribunal administratif N° 17307 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 décembre 2003 Audience publique du 28 juin 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée …, … contre une décision implicite de refus du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière de subvention étatique

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17307 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 décembre 2003 par Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision implicite de refus se dégageant du silence gardé par le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement pendant plus de trois mois suite à sa demande en subvention en capital formulée le 7 mai 2003 dans le cadre de la loi modifiée du 29 juillet 1968 ayant pour objet l’amélioration structurelle des entreprises du commerce et de l’artisanat ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 mars 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 avril 2004 par Maître Alex KRIEPS au nom de la société anonyme …;

Vu les pièces versées au dossier ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Alex KRIEPS et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 mai 2004 ;

Vu un ensemble de trois classeurs déposés au greffe du tribunal administratif en date du 26 mai 2004 par le délégué du Gouvernement en tant que constituant l’intégralité des pièces soumises au ministère des Classes moyennes par la demanderesse, ainsi que parallèlement par la société … S.A. relativement au recours parallèle portant le numéro 17306 du rôle ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire ainsi que Maître Alex KRIEPS et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juin 2004.

Considérant qu’en date du 7 mai 2003 la société à responsabilité limitée … présenta au ministère des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement une demande en obtention d’une subvention de capital dans le cadre de la loi modifiée du 29 juillet 1968 ayant pour objet l’amélioration structurelle des entreprises, du commerce et de l’artisanat en y faisant état d’investissements de l’ordre de 1.199.634,96 € hors TVA s’étendant depuis le mois de mai 2000 jusqu’approximativement à la fin de l’année 2002 ;

Que par courrier du 12 mai 2003 le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, désigné ci-après par « le ministre » a accusé réception de la demande en question, tout en informant la demanderesse que dès que l’instruction administrative voulue par l’article 12 de ladite loi modifiée du 29 juillet 1968 serait terminée, il ne manquerait pas de revenir à l’affaire en question ;

Considérant que par requête déposée en date du 15 décembre 2003 la société anonyme … S.A. a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision implicite de refus se dégageant, selon elle, du silence observé par le ministre pendant plus de trois mois, suite à sa prédite demande du 7 mai 2003, aucune décision concernant la subvention en capital sollicitée n’étant intervenue jusque lors ;

Quant à la recevabilité du recours Considérant que l’Etat se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en la pure forme, pour, plus loin, conclure à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir, sinon pour cause de tardiveté ;

Que suivant l’analyse étatique, la faveur d’une subvention au sens de la loi serait laissée expressément à la discrétion du ministre si certaines conditions sont par ailleurs et au préalable réunies par le postulant, de sorte à devoir être qualifiée d’acte discrétionnaire de Gouvernement non susceptible d’un recours contentieux ;

Que si le tribunal devait estimer qu’on ne serait pas en présence d’un acte de Gouvernement à proprement parler, mais d’un acte discrétionnaire simple, le recours serait certes recevable quant à son principe mais irrecevable pour cause de tardiveté, étant donné qu’en l’espèce il n’y aurait pas eu de refus tacite susceptible de faire l’objet d’un recours ;

Que plus loin, le recours serait par hypothèse non fondé, puisque la matière relèverait du pouvoir discrétionnaire du ministre compétent ;

Qu’en toute occurrence le recours ne saurait être introduit utilement qu’à partir du moment où l’administration aurait été, sinon aurait dû être en mesure de prendre une décision ;

Que tel n’aurait pas été le cas en l’espèce, étant donné qu’aucune des pièces répondant aux critères énumérés par le législateur pour bénéficier de la faveur d’une subvention n’aurait été jointe au dossier ;

Que si le tribunal estimait qu’il y avait eu silence de l’administration susceptible d’ouvrir un recours, aucun recours de pleine juridiction ne serait prévu en la matière, de sorte que le tribunal serait incompétent pour connaître du recours en réformation formulé en ordre principal ;

Qu’enfin, le recours en annulation serait tardif pour ne pas avoir été introduit endéans le délai légal contentieux de trois mois prévu en cas de silence de l’administration, la demande remontant au 7 mai 2003 ;

Considérant qu’aux termes de la loi précitée du 29 juillet 1968 la subvention en capital sollicitée par la société demanderesse en date du 7 mai 2003 relève des aides de l’Etat prévues en faveur des personnes physiques et morales, exploitant une entreprise artisanale ou commerciale sainement gérée, lesquelles aides ont pour objectif « la promotion professionnelle tout en assurant la viabilité économique des entreprises en cause et en accroître la capacité compétitive » ;

Considérant que les conditions d’attribution et de liquidation des aides de l’Etat prévues par la loi modifiée du 29 juillet 1968, ensemble ses règlements d’exécution, appellent comme contrepartie la qualification des décisions étatiques afférentes non pas en tant qu’actes de Gouvernement soustraits à tout contrôle juridictionnel, mais en tant que décisions administratives individuelles contre lesquelles, à défaut de recours de pleine juridiction prévu en la matière, un recours en annulation est ouvert conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif (cf. dans le même sens CE 12 juin 1986, HEISBOURG, n° 7722 du rôle ayant déclaré recevable un recours en annulation contre une décision de refus d’aide au titre de ladite loi modifiée du 29 juillet 1968 ; trib. adm.

KOHN) ;

Considérant que l’article 4 (1) de ladite loi modifiée du 7 novembre 1996 dispose que « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif » ;

Considérant que le texte légal sous revue ne distinguant point, une décision implicite de refus est supposée avoir été prise trois mois après l’introduction d’une demande, sauf si une décision expresse a été posée avant l’expiration de ce délai trimestriel (cf. trib. adm. 23 décembre 1998, n° 10386 du rôle, confirmé par Cour adm.

20 mai 1999, n° 11101C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Actes administratifs, n° 13, page 16) ;

Que dès lors un recours contentieux a pu être valablement dirigé contre la décision implicite de refus ainsi tirée du silence de l’administration vérifié de plus de trois mois à la date du 15 décembre 2003 ;

Considérant que l’administré a la possibilité de déférer la décision de refus implicite résultant du silence de l’administration devant le tribunal administratif de façon illimitée dans le temps, du moins tant qu’aucune décision administrative ne sera intervenue (cf. trib. adm. 15 mars 2000, n° 11557 du rôle, Pas adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 87, page 513 et autres décisions y citées) ;

Que dès lors l’exception de tardiveté soulevée par la partie publique ne saurait valoir ;

Considérant qu’il convient de souligner que si, comme le soutient l’Etat, des pièces indispensables au toisement de la demande n’ont pas été fournies par la partie requérante, malgré la demande lui faite par l’autorité compétente, cette question se résout au fond et, en cas d’absence vérifiée de pareilles pièces, celle-ci est susceptible de constituer un juste motif de refus de nature à rendre non justifié le recours au fond dirigé contre la décision implicite de refus ainsi déférée ;

Considérant qu’il suit de l’ensemble des éléments qui précèdent que si le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal, le recours subsidiaire en annulation, introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, est recevable ;

Quant au fond Considérant qu’en premier lieu la partie publique de se référer à l’arrêt précité du Conseil d’Etat du 12 juin 1986 pour poser la question de l’incompétence du tribunal en vue d’apprécier si des montants dépensés par la demanderesse constituent des investissements répondant aux critères légaux afin de pouvoir prétendre utilement à une subvention en capital au sens de la loi modifiée du 29 juillet 1968 ;

Que pour l’hypothèse où pareille compétence serait vérifiée dans le chef du tribunal, il lui appartiendrait d’analyser si les conditions légales posées en la matière seraient en l’espèce remplies par la partie demanderesse, notamment concernant les questions de savoir si en l’espèce il s’agit d’investissements concernant des installations nouvelles, des mesures de reconversion, de rationalisation ou de modernisation, à l’exclusion expresse de travaux d’embellissement et d’entretien, si ces investissements ont été effectués dans un intérêt économique général et tendent à la promotion professionnelle tout en assurant la viabilité économique des entreprises en cause et accroissent la capacité compétitive, voire si la demanderesse exploite une entreprise sainement gérée ;

Que l’Etat d’avancer qu’en l’absence des bilans et comptes de pertes et profits en bonne et due forme, les renseignements sommaires fournis à l’appui du dossier ne permettraient pas de déterminer si les exigences légales étaient respectées en l’espèce ;

Que s’il fallait absolument dégager des éléments épars produits des conclusions partielles, il serait permis de douter des chiffres bruts avancés par la postulante, puisque pour l’exercice 2001 une perte de 158.264,- € serait renseignée, ainsi qu’un chiffre d’affaires pour le moins contrasté sur une période de trois années ;

Que pour le surplus, à défaut d’éléments plus récents, la partie publique se base sur un avis n° 5937 émis par la SNCI en janvier 2002, suivant lequel la capacité de remboursement des dettes à moyen et long terme serait insuffisante dans le chef de l’intéressée ;

Que dès lors la décision de refus implicite déférée serait à confirmer compte tenu des éléments figurant au dossier ;

Considérant qu’à l’audience émargée pour les premières plaidoiries le mandataire de la demanderesse de faire valoir que celle-ci aurait transmis au ministère deux classeurs entiers contenant des pièces comptables, dont les bilans et comptes de pertes et profits pertinents ;

Que sur demande du tribunal le délégué du Gouvernement de déposer en date du 26 mai 2004 les classeurs en question ;

Considérant que s’il est patent que les pièces en question se sont trouvées en la possession du ministère, de sorte que les conclusions du délégué du Gouvernement tenant à l’absence pure et simple de pareilles pièces sont appelées à tomber à faux, il reste qu’il n’a pas été établi par les parties à quel moment précis les pièces en question ont été utilement transmises par la société demanderesse au ministère compétent ;

Considérant que l’argumentaire de l’Etat se résumant en substance à justifier le refus implicite déféré par l’absence des pièces comptables requises à la base de la demande de subvention en capital présentée et la partie publique n’apportant pas la preuve qu’à la date de l’introduction du recours elle n’était pas encore en possession des pièces en question, pour lesquelles la détention par l’Etat s’est avérée être vérifiée, au-

delà des conclusions écrites du représentant étatique, force est au tribunal de retenir qu’en l’absence d’autres éléments d’argumentaire valablement documentés, le refus péremptoire basé sur l’absence de pièces alléguée manque de justification légale, en l’état ;

Considérant que même s’il est patent que le tribunal statuant comme juge de l’annulation, a nécessairement compétence pour apprécier si les investissements projetés par le requérant répondent aux critères édictés par la loi modifiée du 29 juillet 1968, encore convient-il, à la lumière de la faveur incontestable donnée par le législateur à toute solution trouvée à un niveau non-contentieux, le tribunal n’étant pas appelé à revêtir à ce stade la fonction d’administrateur appelé à parer à la carence de l’administration, de renvoyer le dossier en prosécution devant le ministre compétent en vue de voir toiser la demande en subvention de capital dont il s’agit dans les meilleurs délais sur base des pièces versées.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond le dit justifié ;

partant annule la décision de refus implicite déférée ;

renvoie le dossier devant le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en prosécution de cause ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 juin 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17307
Date de la décision : 28/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-28;17307 ?

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