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28/06/2004 | LUXEMBOURG | N°15471,15790,17374

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juin 2004, 15471,15790,17374


Tribunal administratif N° 15471, 15790 et 17374 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg respectivement inscrits les 18 octobre 2002, 23 décembre 2002 et 29 décembre 2003 Audience publique du 28 juin 2004 Recours formés par la société anonyme … s.a., … contre trois décisions du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 15471 du rôle et déposée le 18 octobre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Marco FRITSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avo

cats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … s.a., établie et ayant son siège social à L-...

Tribunal administratif N° 15471, 15790 et 17374 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg respectivement inscrits les 18 octobre 2002, 23 décembre 2002 et 29 décembre 2003 Audience publique du 28 juin 2004 Recours formés par la société anonyme … s.a., … contre trois décisions du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 15471 du rôle et déposée le 18 octobre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Marco FRITSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … s.a., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre de l’Environnement du 5 septembre 2002, n° 1/97/0311, lui ayant accordé sous certaines réserves et conditions d’exploitation l’autorisation d’exploiter un ensemble d’usines sur le territoire de la commune de … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 janvier 2003 ;

Vu l’ordonnance du président de la première chambre du tribunal administratif du 14 février 2003 respectivement accordant une prorogation de délai en vue du dépôt d’un mémoire en réplique par la demanderesse et adaptant en conséquence le délai pour le dépôt d’un mémoire en duplique ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 15790 du rôle et déposée le 23 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Marco FRITSCH au nom de la société anonyme … s.a., tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre de l’Environnement du 13 novembre 2002, n° 1/97/0311A, modifiant certaines dispositions de l’arrêté précité du même ministre du 5 septembre 2002, n° 1/97/0311 ;

III.

Vu la requête inscrite sous le numéro 17374 du rôle et déposée le 29 décembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Marco FRITSCH au nom de la société anonyme … s.a., tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre de l’Environnement du 20 novembre 2003, n° 1/97/0311/B, modifiant certaines dispositions de l’arrêté précité du même ministre du 5 septembre 2002, n° 1/97/0311 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 mars 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 avril 2004 par Maître Marco FRITSCH au nom de de la société anonyme … s.a.;

I. + II. + III.

Vu les pièces versées en cause et plus particulièrement les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sabrina MARTIN, en remplacement de Maître Marco FRITSCH, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 juin 2004.

En date du 4 juillet 1997, la société à responsabilité limitée … s.àr.l. introduisit au nom et pour le compte de la société anonyme … s.a., ci-après dénommée « … », auprès du ministre de l’Environnement, ci-après « le ministre », une demande aux fins d’obtenir l’autorisation de pouvoir exploiter sur le territoire de la commune de … un ensemble d’usines et d’installations comprenant notamment une usine de production de pneus (« Tire-plant »), un centre de développement (« GTC-L »), une centrale d’énergie, ainsi qu’un poste de pompage d’eau pour le prélèvement des eaux du ruisseau Attert.

Par arrêté du 5 septembre 2002 portant le numéro 1/97/0311, le ministre accorda sous certaines réserves et conditions d’exploitation l’autorisation d’exploiter l’ensemble d’usines et d’installations sollicitée.

Par courrier daté du 23 septembre 2002, … adressa au ministre un recours gracieux à l’encontre de la décision du 5 septembre 2002 et sollicita une entrevue.

En date du 17 octobre 2002, … compléta son recours gracieux en développant de manière exhaustive ses contestations, commentaires et suggestions à l’encontre de la prédite décision du 5 septembre 2002.

Par requête déposée le 18 octobre 2002 au greffe du tribunal administratif, … introduisit encore un recours contentieux tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la prédite décision ministérielle du 5 septembre 2002, inscrit sous le numéro 15471 du rôle.

Par arrêté du 13 novembre 2002 portant le numéro 1/97/0311A, le ministre modifia l’autorisation délivrée le 5 septembre 2002 en son point III.32.

Contre cette décision ministérielle … déposa le 23 décembre 2002 un recours tendant à sa réformation, sinon à son annulation, inscrit sous le numéro 15790 du rôle.

Suite à une entrevue en date du 23 janvier 2003 entre … et le ministère de l’Environnement, service des établissements classés, et un échange de courriers entre ces deux parties, le ministre prit en date du 20 novembre 2003 un arrêté numéroté 1/97/0311/B modifiant sur certains points l’autorisation initiale délivrée le 5 septembre 2002.

Contre cet arrêté ministériel … introduisit le 29 décembre 2003 un recours tendant à sa réformation, sinon à son annulation, inscrit sous le numéro 17374 du rôle.

Quant à la jonction Les trois recours déférés au tribunal ont tous pour objet le même ensemble d’usines et d’installations et visent tous l’autorisation d’exploitation telle qu’accordée et par la suite modifiée par le ministre de l’Environnement, de sorte qu’il y a lieu de les joindre et d’y statuer par un seul jugement.

Quant à la recevabilité Le tribunal étant compétent, au vœu des dispositions de l’article 19 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, pour statuer en tant que juge du fond en la matière, les recours en réformation, respectivement déposés les 18 octobre 2002, 23 décembre 2002 et 29 décembre 2003, non autrement contestés sous ce rapport, sont recevables pour avoir été introduits dans les formes et à chaque fois dans le délai de quarante jours prévus par la loi à l’encontre des arrêtés ministériels déférés.

Les recours en annulation, formulés à titre subsidiaire, sont dès lors irrecevables.

Quant au fond Il y a de prime abord lieu de relever que les recours sous analyse ont pour objet trois décisions du ministre de l’Environnement, à savoir :

-

l’arrêté du 5 septembre 2002 portant le numéro 1/97/0311, accordant sous certaines réserves et conditions d’exploitation l’autorisation d’exploiter l’ensemble d’usines et d’installations sollicitée ;

-

l’arrêté du 13 novembre 2002 portant le numéro 1/97/0311A, modifiant l’autorisation délivrée le 5 septembre 2002 en son point III.32 ;

-

l’arrêté du 20 novembre 2003 numéroté 1/97/0311/B modifiant sur certains points l’autorisation initiale délivrée le 5 septembre 2002.

A l’appui de ses recours respectifs, la société demanderesse fait valoir que toute une série de conditions et de contraintes lui imposées par les arrêtés ministériels litigieux ne seraient ni motivées, ni justifiées en fait et en droit et demande au tribunal de procéder à la réformation desdits arrêtés ministériels sur les points par elle visés.

Le tribunal est amené à constater que l’arrêté du 13 novembre 2002, qui fait l’objet du recours n° 15790, se limite à modifier l’arrêté initial du 5 septembre 2002 en son paragraphe 32, chapitre III, tout en énonçant que les conditions stipulées dans l’arrêté initial doivent être respectées.

La demanderesse pour sa part ne critique pas dans le cadre du recours n° 15790 la modification intervenue, mais entend, par le biais de l’arrêté du 13 novembre 2002, entreprendre des conditions émises par l’arrêté initial du 5 septembre 2002.

En plus, les conditions faisant l’objet du recours inscrit sous le numéro 15790 du rôle, à savoir les paragraphes 32, 35, 38, 40 et 70 du chapitre III « Protection de l'Air » de l'arrêté ministériel du 5 septembre 2002, ainsi que les conditions d’assainissement du site prévues par le même arrêté, ne tirent pas leur origine de l’arrêté du 13 novembre 2002, ni même ne sont confirmées ou réitérées par cet arrêté, qui se contente de rappeler à leur sujet que ces conditions doivent être respectées à défaut de disposition abrogatoire explicite ou de disposition contraire les abrogeant implicitement.

Il ne s’agit là pas d’une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours, mais d’un rappel, à la limite superfétatoire, d’une règle juridique élémentaire.

Le recours n° 15790 en question est par conséquent à déclarer sans objet dans la mesure où il entend entreprendre des dispositions qui ne tirent pas leur existence de l’arrêté à travers lui déféré.

Il en est de même en ce qui concerne le recours inscrit sous le numéro 17374 dans la mesure où celui-ci vise des conditions stipulées dans l’arrêté initial du 5 septembre 2002.

Le délégué du Gouvernement, avant de prendre position en détail par rapport aux conditions critiquées par la demanderesse, fait valoir au titre d’observations générales que le régime des établissements classés aurait pour but de concilier trois ordres de préoccupations, en l’occurrence le respect de la liberté économique, la sauvegarde de l’ordre public (sécurité, salubrité et commodité) et la défense de l’environnement, pour soutenir qu’en fixant dans son autorisation de nombreuses conditions d’exploitation contraignantes strictement définies et circonstanciées, le ministre n’aurait fait qu’assurer le respect et la sauvegarde des intérêts protégés par la législation en la matière.

Quant au recours portant le numéro 15471 du rôle tel que dirigé contre l’arrêté ministériel du 5 septembre 2002, n° 1/97/0311 1.

… critique l'arrêté ministériel du 5 septembre 2002 dans la mesure où celui-ci instaure certaines exigences quant aux émissions de la centrale de cogénération ; dans ce cadre, la partie demanderesse entend attaquer exclusivement les paragraphes 32, 35, 38 et 40 de l'arrêté ministériel précité dans son chapitre III intitulé « Protection de l'Air ».

A l’appui de son recours, … entend se prévaloir de la circulaire ministérielle du 27 mai 1994 portant application de la meilleure technologie disponible par la détermination de seuils recommandés pour les rejets dans l'air en provenance des établissements industriels et artisanaux, qui elle-même se réfère expressément au règlement grand-ducal modifié du 23 décembre 1987 relatif aux installations de combustion alimentées en combustibles liquides ou gazeux ainsi qu’au règlement grand-ducal du 5 août 1993 portant application de la directive 84/360 CEE du 28 juin 1984 relative à la lutte contre la pollution atmosphérique en provenance des installations industrielles.

1.1.

En ce qui concerne le paragraphe 32) qui fixe les valeurs des émissions en cas de fonctionnement combiné des turbine et chaudière, la société demanderesse soulève le fait qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit de limites concernant le rejet dans l'air de monoxyde de carbone et d'oxyde d'azote en cas de production combinée d'électricité et de chaleur ; cependant, étant donné qu'il existerait une formule permettant de déterminer les valeurs de rejet lors de ladite production combinée se basant sur les valeurs de rejet lors de l'utilisation de la turbine seule et lors de l'utilisation de la chaudière seule, … serait en mesure de déterminer les valeurs limites pouvant être fixées pour la production combinée sur base d’équations scientifiques en se fondant sur les valeurs limites fixées dans la circulaire ministérielle du 27 mai 1994 portant application de la meilleure technologie disponible par la détermination de seuils recommandés pour les rejets dans l'air en provenance des établissements industriels et artisanaux.

… souligne encore que l'arrêté ministériel se limiterait à mentionner des valeurs limites se rapportant à une teneur en oxygène des effluents gazeux de 8,75% vol, alors qu'il serait important de préciser que ce taux concerne l'utilisation de gaz et qu'en cas d'utilisation de gasoil, le taux à prendre en compte serait de 8.63% vol.

… en conclut que les seuils lui seraient cependant plus contraignants que ceux résultant des calculs effectués sur base des données fournies par les organismes spécialisés en la matière et à la pointe du progrès technique et technologique ainsi que des valeurs limites fournies par le règlement grand-ducal du 24 juillet 2000 portant application de la directive 1999/30 CE du Conseil du 22 avril 1999 relative à la fixation de valeurs limites pour l'anhydride sulfureux, le dioxyde d'azote et les oxydes d'azote, les particules et le plomb dans l'air ambiant.

L’Etat résiste à cette argumentation en rétorquant que la société demanderesse n’établirait pas en quoi les conditions imposées lui causeraient un préjudice. Il relève par ailleurs que la circulaire ministérielle invoquée par … ne saurait être invoquée comme base juridique suffisante et fait valoir qu’il relèverait de la nature du pouvoir de police spécial détenu par les autorités compétentes en matière de législation sur les établissements classés de pouvoir, si des circonstances objectives le justifient, imposer des conditions d’exploitation plus contraignantes que celles prévues par une législation spécifique, que ce pouvoir de police existerait même en l’absence d’une réglementation et que le ministre pourrait assortir les autorisations d’une manière générale des conditions nécessaires à la sauvegarde de l’environnement naturel et humain.

Enfin, en ce qui concerne les valeurs d’émissions limites critiquées par …, le délégué du Gouvernement souligne que ces valeurs correspondent à celles indiquées par le constructeur de la centrale de cogénération ; s’il admet que ces valeurs sont plus sévères que celles prévues par la circulaire ministérielle, il estime cependant que les valeurs garanties par le constructeur doivent pouvoir être prises en compte lorsqu’elles sont d’office inférieures aux valeurs retenues par la circulaire ministérielle.

En ce qui concerne la question de la teneur en oxygène des effluents gazeux, il admet qu’il s’agit là d’une erreur matérielle, le taux à prendre en compte en cas d’utilisation de gasoil devant effectivement être de 8.63% vol, erreur qui aurait été redressée dans le cadre de l’arrêté ministériel déféré du 13 novembre 2002.

1.2.

En ce qui concerne le paragraphe 35), la société … estime que là encore les seuils lui imposés par l'arrêté ministériel seraient plus contraignants que ceux exigés par la circulaire ministérielle précitée du 27 mai 1994.

Le délégué du Gouvernement pour sa part réitère l’argumentation développée en ce qui concerne le paragraphe 32).

1.3.

En ce qui concerne le paragraphe 38), si … estime également que les seuils lui imposés seraient plus contraignants que ceux exigés par la prédite circulaire ministérielle du 27 mai 1994, le délégué du Gouvernement pour sa part réitère l’argumentation développée relativement au paragraphe 32).

1.4.

Concernant le paragraphe 40), la demanderesse relève que les seuils imposés par l'arrêté ministériel déféré seraient plus contraignants que ceux exigés par la circulaire ministérielle applicable en la matière, de sorte qu'il y aurait lieu de supprimer les conditions d'octroi de l'autorisation non conformes à la circulaire ministérielle précitée, et d’y voir substituer les conditions prenant en compte les seuils fixés par ladite circulaire.

Le délégué du Gouvernement entend voir appliquer en ce qui concerne le paragraphe 40) son argumentation développée ci-avant.

Le tribunal, au regard des divers arguments avancés de part et d’autre, tient de prime abord à rappeler que l’article 9 de la loi du 9 mai 1990 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes, loi qui en l’espèce demeure d’application en vertu des dispositions transitoires énoncées à l’article 31 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, attribue une compétence générale au ministre de l’Environnement pour déterminer, en tenant compte des particularités de chaque cas d’espèce, les réserves et conditions d’exploitation visant la protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, la lutte contre le bruit et l’élimination des déchets. Ladite loi réserve nécessairement un pouvoir d’appréciation à l’autorité compétente. Cette compétence est cependant circonscrite, en ce que, d'une part, elle ne signifie pas compétence illimitée ou discrétionnaire, mais compétence devant s’exercer dans le cadre tracé par la législation spécifique qui, à supposer qu’elle existe, définit et délimite le pouvoir d’appréciation du ministre. D’autre part, en l’absence de réglementation spécifique, on ne saurait conclure que l’exploitation de l’entreprise ou de l’installation en cause serait permise sans autorisation. L’exigence de pareille autorisation préalable subsiste et le ministre recouvre son pouvoir d’appréciation général, lequel consiste, sous le contrôle du juge, à concilier les intérêts qui s’opposent, à savoir l’intérêt privé à l’intérêt général ou, autrement dit, à concilier le droit de tout citoyen d’appliquer librement son intelligence à toute espèce de travail ou d’industrie avec les droits des autres individus à se voir protéger contre des dangers ou des inconvénients, soit pour la sécurité, la salubrité ou la commodité, soit pour l’environnement humain et naturel (trib. adm. 15 mars 1999, n° 10390, 10521 et 10597, confirmé par Cour adm. 30 mars 2000, n° 11258C, Pas. adm. 2003, V° Etablissements classés, n° 14, p.156, et les autres références y citées).

En ce qui concerne l’émission par le ministre compétent d’une circulaire datée du 27 mai 1994 portant application de la meilleure technologie disponible par la détermination de seuils recommandés pour les rejets dans l'air en provenance des établissements industriels et artisanaux, il y a lieu de souligner que si l’autorité en charge du dossier doit normalement appliquer la circulaire qu’elle a émise, les dispositions contenues dans la circulaire ne sauraient avoir un caractère impératif, alors que la possibilité subsiste d’y déroger si des données particulières d’un cas déterminé sont invoquées ou lorsque l’intérêt général l’exige (voir en ce sens : Cour adm. 21 novembre 2002, n° 15006C, Pas.adm. 2003, V° Etrangers, p.195, n° 224).

S’il n’est en l’espèce pas contesté que les conditions imposées par l’arrêté ministériel du 5 septembre 2002 sont plus sévères que celles prévues par la circulaire du 27 mai 1994 portant application de la meilleure technologie disponible par la détermination de seuils recommandés pour les rejets dans l'air en provenance des établissements industriels et artisanaux, le tribunal constate que les valeurs imposées par le ministre dans les paragraphes 32, 35, 38 et 40 du chapitre III intitulé « Protection de l'Air » de l'arrêté ministériel précité sont identiques à celles indiquées par le bureau … s.àr.l. dans le dossier de demande tel qu’adressé au ministre de l’Environnement en tant qu’annexe 8 (« Unterlagen zu dem Commodo/Incommodo-Dossier für eine Cogenerationsanlage »).

Il ressort plus particulièrement de cette annexe (page 26, point 5.3) que ces valeurs reposent sur les « Garantiewerte » indiqués par les concepteurs de la centrale de cogénération, à savoir sur les valeurs d’émissions garanties par les concepteurs en cas de fonctionnement normal de l’installation.

Il ressort encore du point 5.4 de la prédite annexe que les valeurs effectives à attendre (« Tatsächliche Erwartungswerte ») se situent largement en dessous des « Garantiewerte ».

Or, le ministre, dans la fixation des conditions d’exploitation, est appelé à opérer un arbitrage entre les impératifs liés à la protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, la lutte contre le bruit et l’élimination des déchets d’une part et d’autre part la nécessité de tenir compte de la meilleure technologie disponible.

En reprenant les valeurs indiquées par le concepteur de l’installation pour le cas de fonctionnement normal de la centrale de cogénération, valeurs qui se trouvent être plus sévères que celles retenues par la prédite circulaire du 27 mai 1994, le ministre est parvenu à conjuguer une meilleure protection de l’environnement avec des conditions techniquement et économiquement acceptables pour l’exploitant.

Par conséquent, au vu des données indiquées par la société demanderesse elle-

même, le ministre a valablement pu reprendre ces mêmes valeurs limites en tant que conditions d’exploitation, quitte à déroger aux valeurs retenues par la prédite circulaire du 27 mai 1994, cette dérogation étant justifiée par le résultat atteint.

Enfin, le tribunal constate encore que le taux de la teneur en oxygène des effluents gazeux en cas d’utilisation de gasoil, dont la non-indication dans l’arrêté ministériel sous la condition 32) du chapitre III est critiquée par la demanderesse, a été rajouté par l’arrêté ministériel du 11 novembre 2002, sur base de la valeur indiquée par le concepteur de l’installation, à savoir 8.63% vol, de sorte que ce moyen est devenu sans objet.

Il s’ensuit que les moyens de la société demanderesse relatifs aux paragraphes 32, 35, 38 et 40 du chapitre III « Protection de l'Air » de l'arrêté ministériel déféré sont à rejeter.

2.

Dans le cadre des dispositions régissant la production de froid (paragraphe 56), la société demanderesse reproche à l' arrêté ministériel en cause d’interdire l'utilisation des fluides réfrigérants R22 dans les installations de climatisation et de réfrigération après le 31 décembre 2005.

Elle donne à considérer qu'elle disposerait d'un nombre important d'installations sur son site qui fonctionnent au R22, et que partant elle sollicite en l' espèce l' application du règlement grand-ducal du 4 juin 2001 basé sur le règlement CE n° 2037/2000 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, lequel permet l'utilisation de ces unités jusqu'en 2015.

Le délégué du Gouvernement pour sa part soutient que le réfrigérant R22 serait interdit dans différentes applications depuis le 1er janvier 1996, et que sa commercialisation en serait limitée en quantité jusqu’en 2015. Le réfrigérant R 22 tel qu’utilisé par … ne saurait par conséquent être considéré comme meilleure technique disponible et devrait par conséquent être limité dans son application conformément au règlement CE n° 2037/2000.

Aux termes de l’article 5 paragraphe 1er, c) du règlement CE n° 2037/2000 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, l'utilisation des hydrochlorofluorocarbures (HCFC), dont le R 22, est interdite:

«en tant qu’agents réfrigérants :

(…) iv) à partir du 1er janvier 2001, dans tous les autres équipements de réfrigération et de conditionnement d'air fabriqués après le 31 décembre 2000, à l'exception des équipements de conditionnement d'air fixes ayant une capacité de réfrigération inférieure à 100 kilowatts dans lesquels l'utilisation d'hydrochlorofluorocarbures est interdite à partir du 1er juillet 2002 dans les équipements fabriqués après le 30 juin 2002 et des systèmes réversibles de conditionnement d'air/pompes à chaleur, dans lesquels l'utilisation d'hydrochlorofluorocarbures sera interdite après le 1er janvier 2004 pour tous les équipements produits après le 31 décembre 2003;

v) à partir du 1er janvier 2010, l'utilisation d'hydrochlorofluorocarbures vierges est interdite dans la maintenance et l'entretien des équipements de réfrigération et de conditionnement d'air existant à cette date;

l'ensemble des hydrochlorofluorocarbures sont interdits à compter du 1er janvier 2015 (…) ».

Il s’ensuit que ledit règlement, dont se prévalent tant la société demanderesse que le ministre, opère, en ce qui concerne l’application de l’interdiction dans le temps, une distinction entre les différents équipements de réfrigération et de conditionnement d’air, compte tenu de critères tels que leur puissance, leur date de fabrication, et l’utilisation d'hydrochlorofluorocarbures vierges, sinon récupérés, recyclés ou régénérés.

Il est constant que le règlement en question ne prévoit pas d’interdiction généralisée des hydrochlorofluorocarbures se situant avec effet à partir du 31 décembre 2005.

Or, si la demanderesse ne conteste pas l’interdiction à terme des hydrochlorofluorocarbures, elle critique cependant la date butoir imposée par le ministre, et sollicite l’application pure et simple des délais prévus par le règlement communautaire.

Force est de constater que si le délégué du Gouvernement fournit à cet égard des explications relatives au fait que le réfrigérant R 22 ne saurait plus être considéré comme meilleure technique de refroidissement disponible, il ne justifie pas pourquoi le ministre serait habilité, en fait en en droit, à imposer une interdiction généralisée à une date plus rapprochée.

Face à une contestation suffisamment précise et circonstanciée formulée par rapport à une condition d’exploitation déterminée, il appartient cependant à l’administration de fournir au plus tard en phase contentieuse à la fois la base légale et les éléments de fait qui l’ont déterminée à fixer, dans le cadre de la délivrance d’une autorisation pour un établissement classé, la condition d’exploitation critiquée.

Cependant, à part l’indication que … « dispose d’un nombre important d’installations sur son site qui fonctionnent au R22 », le tribunal ne dispose pas d’éléments tangibles, sous forme notamment d’informations d’ordre technique, lui permettant de réformer la condition entreprise, de sorte qu’il y a lieu d’ordonner, par voie de réformation au ministre compétent d’aligner les conditions concernant l’utilisation des fluides réfrigérants R22 dans les installations de climatisation et de réfrigération sur les dispositions pertinentes du règlement CE n° 2037/2000 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone.

3.

En ce qui concerne les dispositions relatives aux mauvaises odeurs (paragraphe 65), la société demanderesse relève qu’à l’occasion de la procédure de commodo et incommodo, aucune réclamation n'a été introduite contre le projet d'exploiter l'usine tel que défini dans sa demande. Elle critique encore le fait qu’aucune des mesures préventives imposées par l’arrêté déféré ne découle d'un texte légal, de sorte que les mesures lui imposées ne reposeraient sur aucun élément objectif.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le paragraphe critiqué par la demanderesse a pour objet général d’éviter, sinon de réduire toute émission de mauvaises odeurs non expressément indiquées dans le dossier de demande ; il relève que les mesures concrètes sont fixées dans les paragraphes 15), 45) et 76).

Force est de constater que le paragraphe incriminé, à savoir le paragraphe 65) du chapitre III « Protection de l’air », n’édicte que des principes généraux relatifs aux mesures préventives à prendre contre les mauvaises odeurs, principes qui se voient effectivement appliqués concrètement à travers les conditions techniques prescrites aux paragraphes 15), 45) et 76), conditions qui ne font pas l’objet du présent recours.

Si la demanderesse est tenue de formuler ses critiques de manière suffisamment précise pour permettre au tribunal de déterminer la portée concrète du grief invoqué, en l’espèce cependant le seul reproche, se limitant à affirmer que la condition ne reposerait sur aucune base légale, reproche d’ores et déjà rencontré ci-dessus, et que de facto il n’y aurait eu aucune réclamation, ne saurait suffire à écarter la condition imposée.

Par ailleurs, un moyen opposé au seul principe général, mais non à des conditions d’application concrètes ne saurait avoir un quelconque effet.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen sous examen laisse d’être fondé pour défaut de précision suffisante.

4.

Quant aux dispositions concernant la lutte contre le bruit (chapitre VI, paragraphe 2), la société demanderesse souligne qu'aucune réclamation n'aurait été introduite contre le projet en question.

Elle critique encore le fait que l'arrêté ministériel ait classé le site de l'établissement « Tire Plant / GTL -L » en zone industrielle, de sorte qu' en application de l'article 3 du règlement grand-ducal du 13 février 1979 concernant le bruit dans les alentours immédiats des établissements et des chantiers, les seuils fixés pour la zone VI devraient être respectés, mais que l’arrêté impose le respect de seuils plus sévères que ceux prévus pour la zone VI.

Elle estime qu'il y aurait partant lieu de réformer la décision déférée sur ce point en classant la société requérante dans la zone VI et par voie de conséquence en lui imposant les seuils afférents.

Le délégué du Gouvernement résiste à cette argumentation en faisant valoir que si l’installation de la demanderesse est effectivement classée d’après le plan d’aménagement général de la commune de … en « zone industrielle », cette notion ne serait pas identique à celle prévue par le règlement grand-ducal du 13 février 1979 concernant le bruit dans les alentours immédiats des établissements et des chantiers qui viserait les activités industrielles lourdes telles que l’exploitation des mines et la sidérurgie, mais que l’industrie du caoutchouc ne saurait être considérée comme industrie lourde.

Il précise par ailleurs que le règlement grand-ducal du 13 février 1979 concernant le bruit dans les alentours immédiats des établissements et des chantiers a pour objet de fixer un degré de protection au point récepteur, c’est-à-dire au point d’immission, des nuisances sonores, et non au point émetteur. Or en l’espèce, la zone voisine à protéger serait qualifiée de « centre ville », de sorte que les valeurs relatives à la zone V du prédit règlement seraient à respecter.

L’objectif du règlement grand-ducal du 13 février 1979 concernant le niveau de bruit dans les alentours immédiats des établissements et des chantiers est d’assurer un niveau de bruit limite dans les alentours immédiats d’un établissement donné, définis par l’article 3 de ce règlement comme étant « la limite de la propriété la plus proche, dans laquelle séjournent à quelque titre que ce soit des personnes soit de façon continue, soit à des intervalles réguliers ou rapprochés ».

Le point de mesurage n’est par conséquent pas l’établissement, mais les alentours immédiats de celui-ci qui abritent régulièrement des personnes, à savoir le point d’immission des nuisances sonores.

Il ressort du dossier de demande versé aux débats par la demanderesse, et plus particulièrement de l’annexe 12, intitulée « schalltechnisches Gutachten », ainsi que de l’extrait du plan d’aménagement général de la commune de … (« PAG ») versé aux débats, que les habitations les plus proches, sises avenue Gordon Smith, sont classées par ledit PAG en « zone d’habitation – secteur du centre », correspondant à la zone V (« centre ville (entreprises, commerces, bureaux, divertissements), circulation dense ») du règlement grand-ducal du 13 février 1979 précité, de sorte que le moyen de la demanderesse tendant à se voir imposer les limites relatives à la zone VI (« Prédominance industrie lourde ») n’est pas fondé.

Le tribunal relève par ailleurs qu’aux termes de l’article 9 du prédit règlement, celui-ci ne déroge pas aux conditions particulières plus sévères que l´autorité compétente peut imposer en vertu de la législation relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes ; il s’ensuit que le ministre peut valablement, lorsque des circonstances particulières le justifient, imposer des conditions plus strictes.

Le moyen sous examen laisse dès lors d’être fondé en fait et en droit.

Il s’ensuit que le recours inscrit sous le numéro 15471 du rôle est fondé en ce qu’il critique la condition énoncée au paragraphe 56 de l’arrêté ministériel du 5 septembre 2002, mais non fondé pour le surplus.

Quant au recours portant le numéro 15790 du rôle tel que dirigé contre l’arrêté ministériel du 13 novembre 2002, n° 1/97/0311 A 1.

La société demanderesse, après avoir relevé que l’arrêté ministériel du 13 novembre 2002, n° 1/97/0311 A, confirme purement et simplement, à une exception près, les dispositions de l’arrêté ministériel du 5 septembre 2002, n° 1/97/0311, réitère intégralement ses contestations et arguments développés dans le cadre du recours portant le numéro 15471 du rôle.

2.

… entend encore critiquer les dispositions concernant les rejets de polluants émis par les ateliers de production de pneus (paragraphe 70, chapitre III), telles qu’imposées par l’arrêté ministériel du 5 septembre 2002 et confirmées par l’arrêté ministériel du 13 novembre 2002.

Elle relève à ce sujet que si le ministre lui impose de respecter jusqu'au 31 octobre 2007, pour la teneur en carbone organique des émissions totales de composés organiques volatiles en provenance des ateliers de production des pneus, dues à l'utilisation de solvants organiques, un seuil qui pourra dépasser 20mg/m3 tout en ne dépassant pas la valeur de 100 mg/m3, l'article 5. 1., ensemble avec les articles 6,8 et 9 et l'annexe II. A.

no 18 du règlement grand-ducal du 4 juin 2001 portant application de la directive 1999/13 CE du 11 mars 1999 relative à la réduction des émissions de composés organiques volatiles dus à l'utilisation de solvants organiques dans certaines activités et installations, n'impose cependant aucune valeur limite d'émission avant la date du 31 octobre 2007.

Elle souligne être de toute façon disposée à modifier le mode de production de telle sorte que l'utilisation de solvants dont la consommation dépasse encore actuellement les 15 tonnes par an, devienne en grande partie inutile et tombe largement en dessous du seuil de 15 tonnes par an pour au plus tard le 31 octobre 2007 et demande par conséquent la réformation des arrêtés critiqués sur ce point, de sorte à lui imposer à partir du 31 octobre 2007 un seuil de 20 mg/m3 à condition que la consommation annuelle dépasse 15 tonnes de solvant.

3.

Concernant les conditions d’assainissement du site, la demanderesse relève que les arrêtés ministériels prévoient des études et rapports exhaustifs à sa charge pour concrétiser des objectifs d'assainissement pendant son exploitation du site.

Elle soutient à ce sujet que si l'article 9 alinéa 7 de l'ancienne loi du 9 mai 1990 précitée, qui serait applicable en l'espèce, prévoit des mesures de contrôle, elle ne prévoirait cependant pas l'obligation d'un assainissement pendant l'exploitation du site.

Elle en conclut que notamment les conditions fixées dans les paragraphes 62 à 68 de l'arrêté ministériel du 5 septembre 2002 et incluant la remise en état et l'assainissement du site ne reposeraient sur aucune base légale ou réglementation spécifique permettant au ministre compétent d'imposer de telles mesures pendant l'exploitation industrielle du site.

L’Etat du Grand-Duché de Luxembourg n’a pour sa part pas fourni de mémoire en réponse en cause dans le délai légal bien que la requête introductive ait été valablement notifiée par la voie du greffe au délégué du Gouvernement en date du 23 décembre 2002. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire, même si la partie défenderesse n’a pas comparu dans le délai prévu par la loi.

Comme retenu ci-avant par le tribunal, le recours en question, inscrit sous le numéro 15790 du rôle est à déclarer sans objet étant donné qu’ il entend entreprendre des dispositions qui ne tirent pas leur existence de l’arrêté du 13 novembre 2002 déféré.

Quant au recours portant le numéro 17374 du rôle tel que dirigé contre l’arrêté ministériel du 20 novembre 2003, n° 1/97/0311 B 1.

La société demanderesse réitère intégralement ses contestations et arguments développés dans le cadre du recours portant le numéro 15471 du rôle en ce qui concerne les dispositions relatives au bruit telles que prévues par l’arrêté ministériel du 5 septembre 2002.

2.

En ce qui concerne l’arrêté ministériel du 20 novembre 2003, celui-ci est entrepris en deux nouvelles conditions y insérées par rapport à l’arrêté initial :

2.1.

… expose que l'arrêté insère sous son article 1er, chapitre III, Protection de l'air, point 6) à travers une nouvelle condition 6bis) un seuil de détection d'odeur et fixe pour cela les unités d'odeur par m3 pour laquelle la moitié d'un groupe de sujets peut déceler l'odeur ; elle estime que cette façon de procéder ne reposerait sur aucune disposition légale, ni sur aucune procédure technique objective de mesurage et ne saurait dès lors servir comme critère de référence afin de déterminer une prétendue mauvaise odeur.

2.2.

L'arrêté du 20 novembre 2003 est encore entrepris en ce qu’il a inséré sous son article ler, chapitre III, protection de l'air, point 76), une nouvelle condition 76bis) concernant les mauvaises odeurs. La société demanderesse fait valoir à ce sujet qu’il n’existerait en la matière aucune disposition légale prescrivant une telle condition; par ailleurs elle soutient qu’il serait matériellement impossible de mesurer et de détecter de façon continue pendant une année complète les odeurs sur base des seuils de détection tels que fixés dans la nouvelle condition 6bis.

3.

En ce qui concerne la question des rejets de polluants émis par les ateliers de production de pneus, la société demanderesse critique tant le point 70), article ler, chapitre III de l'arrêté ministériel du 5 septembre 2002 que le nouveau point 70bis y inséré par l'arrêté du 20 novembre 2003.

La demanderesse fait plaider à ce sujet que l'arrêté ministériel lui imposerait de respecter jusqu'au 31 octobre 2007, pour la teneur en carbone organique des émissions totales de composés organiques volatils en provenance des ateliers de production des pneus, dues à l'utilisation de solvants organiques, un seuil qui pourra dépasser 20mg/m3 tout en n'excédant pas la valeur de 100 mg/m3.

Elle souligne cependant que l'article 5.1., ensemble avec les articles 6, 8 et 9 et l'annexe II. A. no 18 du règlement grand-ducal du 4 juin 2001 portant application de la directive 1999/13 CE du 11 mars 1999 relative à la réduction des émissions de composés organiques volatils dus à l'utilisation de solvants organiques dans certaines activités et installations n'impose aucune valeur limite d'émission avant la date du 31 octobre 2007 ;

Elle expose que depuis 1990, elle aurait constamment apporté des améliorations à ses procédés de fabrication afin de réduire considérablement la consommation de solvants organiques, pour passer de 717,4 tonnes en 1990 à 177,7 tonnes en 2002, et qu’elle poursuivrait ses efforts afin de continuer à réduire cette consommation jusqu' en 2007 à moins de 15 tonnes par an.

Elle donne enfin à considérer que l'élément de production le plus polluant de l'usine au point de vue de l'émission de carbone organique volatile est actuellement le procédé de traitement de pneus avant vulcanisation par une peinture contenant des solvants. Ce procédé de production serait cependant complètement abandonné et remplacé par un nouveau procédé lequel ne nécessiterait plus de mise en peinture contenant des solvants, de sorte qu’à partir d'octobre 2007, l'émission de carbone organique volatil concernant la vulcanisation de pneus serait réduite à zéro.

Elle affirme par ailleurs vouloir procéder également à la réduction, voire même à la suppression des autres sources polluantes.

Elle en conclut que l'exigence de remplir les conditions telles qu'exposées dans l'arrêté ministériel du 20 novembre 2003, nécessitant des modifications immédiates (système de ventilation permettant le captage et la canalisation des rejets vers l'extérieur, installations de traitement spécifique afin de garantir les valeurs limites indiquées), entraîneraient des coûts excessifs et complètement superflus dus au fait qu'une bonne partie des machines et procédés de fabrication à modifier immédiatement, serait de toute façon en grande partie définitivement éliminée dans les années à venir et au plus tard avant le 31.10.2007.

Le délégué du Gouvernement résiste à ces moyens en rappelant de prime abord qu’il appartient à la demanderesse de rapporter la preuve de l’illégalité des conditions imposée, ce qu’elle resterait cependant en l’espèce en défaut de faire.

Il relève encore que le ministre serait habilité, même en cas d’absence de réglementation spécifique, à assortir une autorisation des conditions nécessaires à la sauvegarde de l’environnement naturel et humain, et au cas où une réglementation spécifique existerait, d’imposer des conditions plus sévères que celles prévues par la réglementation si des circonstances objectives justifient une telle démarche.

En ce qui concerne la condition 6bis) insérée par l'arrêté du 20 novembre 2003 sous son article 1er, chapitre III, Protection de l'air, point 6) , il explique que celle-ci ne ferait que préciser la définition de l’unité de mesure « GE » (« Geruchseinheit ») telle que retenue par la « directive VDI 3881 partie 1 de mai 1986 ».

Concernant le point 70), article ler, chapitre III de l'arrêté ministériel du 5 septembre 2002, tel que modifié par l’arrêté du 20 novembre 2003 et le nouveau point 70bis inséré par l'arrêté du 20 novembre 2003, il soutient que les valeurs fixées par l’arrêté du 20 novembre 2003 seraient plus favorables que celles initialement retenues.

Quant à la nouvelle condition 76bis) insérée à l’article ler, chapitre III, protection de l'air, il constate que la condition d’exploitation modifiée 76) n’est pas contestée, et que la condition complémentaire 76bis) a remplacé une limite d’émission par une limite d’immission dans l’intérêt d’une meilleure protection du voisinage, et ce conformément à la directive allemande dite « GIRL » (« Geruchsimmissions-Richtlinie »).

Enfin, en ce qui concerne les critiques de … à l’encontre des dispositions relatives au bruit, il estime que celles-ci ne sauraient être retenues dans le cadre du recours dirigé contre l’arrêté du 20 novembre 2003, celui-ci n’ayant pas modifié ces conditions.

La société demanderesse entend résister à cette argumentation en faisant exposer dans son mémoire en réplique que les conditions d’exploitation imposées par l’arrêté ministériel seraient manifestement exorbitantes et auraient été prises au mépris des dispositions légales et réglementaires en la matière.

En ce qui concerne les moyens exposés par la société demanderesse relatifs aux dispositions concernant la lutte contre le bruit, figurant au chapitre VI de l’arrêté ministériel du 5 septembre 2002, le tribunal constate que ceux-ci ont trait à des conditions ne figurant pas dans l’arrêté ministériel du 20 novembre 2003, objet du recours inscrit sous le numéro 17374 du rôle, de sorte que l’arrêté en question ne saurait faire grief dans la mesure de ces moyens.

Il s’ensuit que ces moyens sont à rejeter Quant à la condition introduite sous le paragraphe 6bis) de l’arrêté ministériel du 20 novembre 2003, le tribunal constate que la demanderesse se borne à lui reprocher son manque de base légale, son impraticabilité technique et son caractère exorbitant, tandis que le délégué du Gouvernement justifie la mesure tant du point de vue juridique que du point de vue technique en renvoyant aux normes techniques sur lesquelles repose la définition insérée au paragraphe 6bis).

Comme exposé ci-avant, le pouvoir de police conféré au ministre par la législation concernant les établissements classés existe même en l’absence d’une réglementation, de sorte que les conditions pouvant être imposées par le ministre ne se limitent pas celles expressément prévues par une disposition légale ou réglementaire, le ministre pouvant au contraire assortir une autorisation d’une manière générale des conditions nécessaires à la sauvegarde de l’environnement naturel et humain compte tenu des circonstances particulières de la demande soumise à son examen.

En ce qui concerne les reproches formulés par la demanderesse relatifs au caractère impraticable et exorbitant de la mesure imposée, le tribunal tient à rappeler que le demandeur est tenu de formuler ses critiques de manière suffisamment précise et de les étayer de manière concrète, afin de combattre utilement le contenu de l’acte litigieux.

En l’espèce cependant, les contestations d’ordre général, non autrement étayées, ne permettent pas de combattre et de démentir le contenu et la légalité de la condition entreprise, de sorte que le moyen sous examen laisse d’être fondé.

En ce qui concerne les critiques adressées au paragraphe 76) tel que modifié par l’arrêté ministériel du 20 novembre 2003, le tribunal constate que la seule modification par rapport à l’arrêté initial consiste en la suppression de la valeur limite à respecter en ce qui concerne les mauvaises odeurs (36.000 GE/s), et en son remplacement par un nouveau paragraphe 76bis) qui, en lieu et place de la prédite valeur limite d’émission impose une valeur d’immission directement inspirée d’une directive allemande dite « GIRL » (« Geruchsimmissions-Richtlinie ») .

La demanderesse, outre des contestations d’ordre général, fait cependant valoir qu’elle ignorerait tout de cette directive de droit interne allemand, qui non seulement n’est pas jointe à la décision ministérielle en cause, mais qui encore n’a pas été versée par l’administration aux débats.

Le tribunal est cependant amené à constater que la demanderesse a fait application dans son dossier de demande de la directive dont elle affirme dans le cadre de la procédure contentieuse n’avoir aucune connaissance. En effet, l’annexe 11 du dossier de demande, intitulée « Impactstudie für Luftverunreinigungen », énonce à sa page 40 que « Zur Beurteilung von Geruchsimmissionen existieren (…) für Luxemburg zur Zeit keine verbindlichen Grenz-, Leit- oder Richtwerte. Zum Vergleich seien die Richtwerte der GIRL (Geruchsimmissionsrichtlinie Nordrhein- Westfalen) herangezogen ».

Force est encore de constater que cette annexe reproduit exactement les mêmes limites d’immission que celles retenues par la condition entreprise, à savoir une perception ne pouvant dépasser plus de 10 % du temps en moyenne sur une année en ce qui concerne des propriétés sises dans des « Wohn- und Mischgebiete ».

La demanderesse est par conséquent malvenue à critiquer des normes dont elle a fait elle-même application dans le cadre de sa demande d’autorisation.

Enfin, en ce qui concerne les paragraphes 70) et 70) bis respectivement modifié et inséré par l’arrêté du 20 novembre 2003, le tribunal constate que face aux contestations concrètes avancées en cause par la demanderesse, la partie défenderesse renvoie, quant au bien-fondé des conditions y énoncées, à un mémoire en réponse déposé dans le cadre du recours inscrit sous le numéro 15.790 du rôle.

Il est cependant constant que l’Etat n’a pas déposé de mémoire dans le recours inscrit sous le numéro 15.790 du rôle, de sorte que face aux contestations concrètes avancées en cause par la société demanderesse, le tribunal n’est pas en mesure de vérifier utilement le bien-fondé en droit et en fait de la condition litigieuse sous examen.

Or, faute par l’administration défenderesse d’avoir effectivement manifesté un intérêt à l’instance en présentant ses observations dans le délai légalement imparti ou ne serait-ce qu’en produisant le dossier administratif, le tribunal doit considérer que les faits allégués dans la requête introductive d’instance, qui ne sont pas contredits par les pièces produites en cause, sont à considérer comme établis, dans la mesure où le demandeur apporte des indices et des indications auxquels l’administration aurait dû répondre (trib.

adm. 21 mars 2002, n°13690, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 290, p.557).

Les paragraphes 70) et 70) bis tels que respectivement modifié et inséré par l’arrêté du 20 novembre 2003 sont par voie de conséquence à omettre, par voie de réformation, de l’arrêté litigieux.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

joint les recours introduits sous les numéros 15471, 15790 et 17374 du rôle ;

reçoit les recours en réformation en la forme ;

au fond dit le recours introduit sous le numéro 15471 du rôle partiellement fondé dans la mesure des moyens énoncés sub 2. « production du froid », page 5 du recours à l’encontre de la condition énoncée au paragraphe 56 de l’arrêté ministériel du 5 septembre 2002 ;

partant, ordonne au ministre, par voie de réformation, d’aligner les conditions concernant l’utilisation des fluides réfrigérants R22 dans les installations de climatisation et de réfrigération sur les dispositions pertinentes du règlement CE n° 2037/2000 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone ;

renvoie l’affaire dans cette mesure devant le ministre en prosécution de cause ;

déclare le recours non fondé pour le surplus ;

dit le recours en annulation introduit sous le numéro 15790 du rôle sans objet ;

partant en déboute ;

dit le recours introduit sous le numéro 17374 du rôle partiellement fondé dans la mesure de ses moyens énoncés sub II ;

partant, par voie de réformation, dit que les paragraphes 70) et 70) bis tels que respectivement modifié et inséré par l’arrêté du 20 novembre 2003 sont à omettre ;

déclare le recours non fondé pour le surplus ;

fait masse des frais et les impute à raison d’un tiers à l’Etat et de deux tiers à la demanderesse ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 juin 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 19


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15471,15790,17374
Date de la décision : 28/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-28;15471.15790.17374 ?

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