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24/06/2004 | LUXEMBOURG | N°18121

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 juin 2004, 18121


Tribunal administratif N° 18121 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2004 Audience publique extraordinaire du 24 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18121 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mai 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Burkina Faso), de nationalité burkinabé, demeurant

actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du min...

Tribunal administratif N° 18121 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2004 Audience publique extraordinaire du 24 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18121 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 mai 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Burkina Faso), de nationalité burkinabé, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 26 avril 2004 déclarant manifestement infondée sa demande en obtention du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Joëlle NEIS, en remplacement de Maître François MOYSE, en sa plaidoirie à l’audience publique du 21 juin 2004.

Monsieur … introduisit en date du 1er mars 2004 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg .

Il fut entendu en outre le 23 mars 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 26 avril 2004 lui envoyée par courrier recommandé le 27 avril 2004, de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs qu’elle est manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ;

2) d’un régime de protection temporaire. Le ministre a en effet retenu que des raisons familiales ainsi que des « problèmes de sorcellerie » ne sauraient fonder une demande en obtention du statut de réfugié car elles ne rentrent pas dans le cadre d’un motif de persécution prévu par la Convention de Genève.

Par requête déposée le 27 mai 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle du 26 avril 2004.

Etant donné que l’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2) d’un régime de protection temporaire prévoit que seul un recours en annulation peut être introduit contre les demandes d’asile déclarées manifestement infondées, le tribunal est incompétent pour analyser le recours en réformation ainsi introduit.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur fait valoir qu’, après la mort de son père, il aurait été contraint d’aller vivre chez un ami de son frère, sa mère étant morte peu après sa naissance. Il expose que la mort accidentelle de son père serait due en fait au le vaudou et que lui-même ne serait pas accepté, voire jalousé par sa famille, de sorte qu’il aurait dû prendre la fuite pour ne pas subir le même sort que son père. Il estime que la sorcellerie serait un pouvoir réel dans le monde africain, de sorte que ses craintes devraient être considérées comme fondées.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 9 de la loi modifiée précitée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement… » L’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, précise : « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de craintes de persécutions du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motifs de sa demande ».

L’examen des faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué des raisons personnelles de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

En effet, il se dégage du compte-rendu de ses déclarations que les craintes invoquées sont en substance des craintes purement hypothétiques face à des pratiques de sorcellerie prétendument exercées par sa famille sans rapport avec la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social ou encore les opinions politiques du demandeur, pourtant seuls envisagés par la Convention de Genève comme motifs de persécution susceptibles de valoir l’octroi du statut de réfugié.

Si la crainte d’être persécuté par voie de sorcellerie par des membres de sa famille peut constituer, pour des raisons culturelles, une crainte propre à la nationalité, à la race ou la culture du demandeur, il ne s’agit cependant pas d’une crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques (trib. adm. 12 janvier 2004, n° 17260, publié sur Internet).

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour analyser le recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 24 juin 2004 par :

Mme Thomé, juge, Mme Gillardin, juge M. Sünnen, juge, en présence de M.Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Thomé 3


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18121
Date de la décision : 24/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-24;18121 ?

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