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24/06/2004 | LUXEMBOURG | N°18098

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 juin 2004, 18098


Tribunal administratif N° 18098 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mai 2004 Audience publique extraordinaire du 24 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18098 du rôle et déposée le 24 mai 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalitÃ

© serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision...

Tribunal administratif N° 18098 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mai 2004 Audience publique extraordinaire du 24 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 18098 du rôle et déposée le 24 mai 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 3 février 2004 par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du même ministre du 23 avril 2004 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, en sa plaidoirie à l’audience publique du 21 juin 2004.

Le 8 décembre 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut en outre entendu en date du 3 février 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 3 février 2004, envoyée par lettre recommandée le 6 février 2004, le ministre de la Justice, ci-après dénommé « le ministre », l’informa de ce que sa demande a été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève. Le ministre a en effet retenu que des raisons purement économiques ne sauraient fonder une demande en obtention du statut de réfugié car elles ne rentrent pas dans le cadre d’un motif de persécution prévu par la Convention de Genève.

Par un courrier de son avocat du 3 mars 2004, il fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 23 avril 2004, envoyée par lettre recommandée le 26 avril 2004, le ministre de la Justice confirma sa décision de refus antérieure.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mai 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre des décisions ministérielles des 3 février et 23 avril 2004.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 disposant qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le recours en annulation introduit est recevable, pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai la loi.

En premier lieu, le demandeur reproche en termes de plaidoiries à la partie publique d’avoir déposé son mémoire en réponse au-delà du délai fixé par l’avis du greffe.

Il est constant que le mémoire en réponse a été déposé au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2004, alors que le délai fixé pour la fourniture dudit mémoire a expiré le 4 juin 2004 à 18.00 heures, de sorte qu’il appartient au tribunal d’écarter le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement pour raison de tardiveté.

Quant au fond, le demandeur fait d’abord valoir que les décisions litigieuses seraient à annuler pour erreur manifeste d’appréciation des faits, en ce que l’autorité administrative n’aurait pas pris position par rapport à sa demande visant à se voir accorder un titre de séjour à caractère humanitaire. Il estime qu’il aurait appartenu à l’autorité compétente de qualifier dans un premier temps sa démarche comme une demande à obtenir un titre de séjour pour raisons humanitaires, dans la mesure où les problèmes d’ordre médical de son enfant seraient ressortis à suffisance de son audition, de sorte qu’elle aurait dû appliquer d’office le droit applicable et se prononcer sur le bien-fondé ou mal-fondé de sa demande.

Dans un deuxième ordre d’idées, il soutient que l’autorité administrative aurait également commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en retenant que les motifs par lui invoqués ne rentreraient pas dans le cadre de la Convention de Genève. Il fait valoir que les problèmes médicaux de son enfant le feraient appartenir à un « certain groupe social de la population », à savoir à celui caractérisé par des difficultés financières extrêmes, de sorte à l’exposer à une mise en danger de sa vie.

Au vu des pièces du dossier administratif, il est constant en cause que Monsieur … s’est présenté le 8 décembre 2003 au bureau d’accueil pour réfugiés pour demander l’asile.

Il est également constant que Monsieur … a été entendu le 3 février 2004 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile en indiquant comme motifs des problèmes d’ordre économique liés à la situation générale au Kosovo et à son absence de travail le mettant dans l’impossibilité de subvenir aux besoins de sa famille et notamment à ceux de son fils gravement malade. Il a en plus signé sans aucune réserve le rapport d’audition qui indique être rédigé dans le cadre d’une demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Etant donné que le demandeur n’a à ce stade à aucun moment manifesté l’intention de demander en fait une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, on ne saurait reprocher au ministre au moment de la prise de la décision le 3 février 2004 de ne pas avoir pris position quant à une prétendue demande posée en vue d’obtenir un titre de séjour pour raisons humanitaires. En effet, la seule indication, dans le cadre de l’audition, de motifs non visés par la Convention de Genève ne saurait suffire pour requalifier la demande introduite par le demandeur ou pour retenir que celui-ci a voulu introduire, à côté de la demande d’asile, en plus une demande en obtention d’une autorisation de séjour.

Il n’en reste pas moins, que le demandeur a fait introduire à l’encontre de cette décision de refus un recours gracieux en date du 3 mars 2004 dans lequel il formule expressément sa volonté de voir considérer principalement sa demande comme une demande tendant à voir obtenir une autorisation de séjour pour raisons humanitaires. En effet, son avocat remarque qu’ « Attendu que les éléments de la cause ont principalement trait à une demande visant à voir accorder à Monsieur … un titre de séjour pour raisons humanitaires du fait de l’handicap physique de son enfant….Que ce n’est que dans un second d’ordre d’idée que la demande de Monsieur … serait à analyser sur le terrain de la Convention de Genève,… ». Par l’intermédiaire de son avocat, il a fait encore parvenir au ministre, le 9 mars 2004, des pièces censées confirmer les problèmes d’ordre médical de son fils.

Cependant le ministre a, en date du 23 avril 2004, confirmé purement et simplement sa décision de refus antérieure, en soulevant le défaut d’éléments pertinents nouveaux.

C’est certes à juste titre, au vu des faits relatés ci-avant, que le ministre a rejeté comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996, la demande d’asile présentée par Monsieur …, ce dernier ne pouvant effectivement pas faire valoir de motifs de persécution rentrant dans le cadre de la Convention de Genève. En effet, il a indiqué lors de son audition qu’il n’avait peur de rien au Kosovo, qu’il n’était pas persécuté et que son départ est motivé uniquement par sa mauvaise situation économique, de sorte qu’il ne pouvait plus subvenir aux besoins de ses enfants et de sa femme, d’autant plus que sa femme et un des enfants sont malades.

Force est cependant de constater que le ministre saisi sur recours gracieux d’une demande comportant outre la reconsidération du refus du statut de réfugié, un nouveau volet relativement à l’obtention d’un titre de séjour pour raisons humanitaires, y a apporté une réponse globale de refus, sans cependant apporter un quelconque élément de motivation en ce qui concerne le deuxième volet de la demande.

Force est encore de constater que l’administration n’a pas produit ou complété de manière utile les motifs sous-jacents à la décision de refus de l’autorisation de séjour pour raisons humanitaires, de sorte que le tribunal est mis dans l’impossibilité d’en contrôler la légalité et que la décision ministérielle du 23 avril 2004 encourt partant l’annulation pour cause de violation de la loi.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute en ce qu’il est dirigé contre la décision ministérielle du 3 février 2004, le déclare partiellement justifié en ce qu’il est dirigé contre la décision ministérielle du 23 avril 2004 ;

partant annule la décision ministérielle du 23 avril 2004 pour absence de motivation concernant le volet de la demande en obtention d’un titre de séjour pour raisons humanitaires et renvoie le dossier devant le ministre de la Justice ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 24 juin 2004 par :

Mme Thomé, juge, Mme Gillardin, juge M. Sünnen, juge, en présence de M.Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Thomé 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18098
Date de la décision : 24/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-24;18098 ?

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