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21/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17656

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 juin 2004, 17656


Tribunal administratif N° 17656 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 février 2004 Audience publique du 21 juin 2004

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Recours formé par Monsieur , … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17656 du rôle, déposée le 25 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. , né

le … à Tirana (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement...

Tribunal administratif N° 17656 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 février 2004 Audience publique du 21 juin 2004

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Recours formé par Monsieur , … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17656 du rôle, déposée le 25 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. , né le … à Tirana (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 22 janvier 2004, notifiée le 30 du même mois, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Stéphane SABELLA, en remplacement de Maître Michel KARP, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 16 janvier 2003, M. introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

M. … fut entendu le 18 avril 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

1 Par décision du 22 janvier 2004, notifiée le 30 du même mois, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été rejetée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous n’avez pas été membre d’un parti ou d’un groupe politique.

Vous exposez que votre père aurait été propriétaire d’une épicerie et que des inconnus lui auraient réclamé de l’argent. Ces mêmes inconnus auraient menacé de mort votre père.

Vous auriez peur de vous faire tuer étant donné que votre père ne disposait pas de l’argent réclamé et que vous seriez fils unique.

Vous indiquez ne pas avoir déposé de plainte parce que la police albanaise serait composée de criminels.

Vous vous seriez caché d’abord chez un cousin et ensuite dans les villages et dans la forêt.

Vous déclarez ne jamais avoir séjourné dans un autre pays membre de l’Union européenne et ne jamais avoir demandé l’asile dans un autre pays, même sous une autre identité.

Force est cependant de constater que les problèmes que vous auriez eus se rapportent à la criminalité de droit commun sans aucun arrière-fond politique. Vous restez en défaut de prouvez que la police albanaise n’aurait pas été en mesure des vous protéger contre les auteurs des menaces exprimées contre votre famille.

Votre déclaration que les policiers albanais seraient des criminels peut être analysée comme étant une affirmation purement gratuite.

En outre, il ressort de vos déclarations que vous avez un sentiment général d’insécurité. Or, un sentiment général d’insécurité ne constitue pas une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Par ailleurs, la situation générale dans le pays d’origine du demandeur d’asile ne saurait être suffisante pour justifier l’octroi du statut de réfugié. Vous restez en défaut d’établir que votre situation particulière est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

En plus, il résulte d’une lettre de l’Office des Etrangers belge du 5 juin 2003 que les autorités belges ont relevé vos empreintes digitales en date du 22 novembre 2000. Vous y aviez déposé une demande d’asile sous l’identité suivante : Adhurim KACELI, né à Burel, le 1er juillet 1984, de nationalité albanaise. Votre demande d’asile a été rejetée le 7 février 2001.

2 Ceci est en pleine contradiction avec vos déclarations faites lors de l’audition du 18 avril 2003 et la crédibilité de vos déclarations relatives à votre identité et à vos motifs de persécution en est gravement ébranlée.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par requête déposée le 25 février 2004, M. … a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision précitée du ministre de la Justice du 22 janvier 2004.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle critiquée. – Il s’ensuit que le recours principal en annulation est irrecevable.

Le recours en réformation introduit en ordre subsidiaire est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur fait exposer qu’il serait originaire d’Albanie, qu’il aurait quitté son pays parce que la situation générale n’y serait pas stabilisée et que sa sécurité n’y serait pas garantie.

En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la gravité des motifs de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social 3 ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que la crédibilité et la véracité du récit du demandeur sont sérieusement ébranlées par le fait apparu au cours de l’instruction de la demande d’asile de M. …, qu’il avait antérieurement, en date du 22 novembre 2000, introduit une demande d’asile en Belgique sous une autre identité, à savoir celle de « A. K., né à Burel, le …, de nationalité albanaise », état des choses que le demandeur n’a pas mentionné lors de son audition et qu’il n’a pas tenté d’expliquer par la suite.

Or, à la lumière des constatations qui précèdent et compte tenu du défaut d’un quelconque élément de preuve tangible relativement à des persécutions concrètes que le demandeur a subies ou des risques réels afférents, le récit du demandeur n’est pas de nature à dégager l’existence d’un risque réel de persécution au sens de la Convention de Genève dans son chef.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

4 condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 21 juin 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17656
Date de la décision : 21/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-21;17656 ?

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