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21/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17561

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 juin 2004, 17561


Tribunal administratif N° 17561 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2004 Audience publique du 21 juin 2004

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Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17561 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2004 par Maître Louis TINTI

, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeu...

Tribunal administratif N° 17561 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2004 Audience publique du 21 juin 2004

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Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17561 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 6 octobre 2003, par laquelle la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur de sa fille … a été refusée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, en ses plaidoiries.

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Faisant suite à une demande en obtention d’une autorisation de séjour en faveur de sa fille …, née le 13 novembre 1985, introduite par Madame … auprès des « autorités ministérielles luxembourgeoises » au courant du mois d’avril 2002, le ministre de la Justice, par courrier du 6 octobre 2003, refusa d’octroyer l’autorisation de séjour sollicitée au motif qu’« en effet, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée, conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers, à la possession de moyens personnels suffisants permettant à l’étranger d’assurer son séjour au Grand-Duché indépendamment de l’aide ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir ».

Par courrier du 23 octobre 2003, la demanderesse, par l’intermédiaire de l’a.s.b.l.

ASTI, formula un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle du 6 octobre 2003 en les termes suivants : « Nous avons l’honneur d’intervenir en faveur de Madame … et de sa fille …, née le …. Madame … a introduit une demande de regroupement familial pour sa fille mineure, suite à laquelle elle a reçu plus de 6 mois après une réponse négative de votre ministère. Le refus est basé sur le fait que … n’est pas en possession de moyens personnels suffisants. Cependant, et nous souhaitons vous rendre attentif sur ce fait, … est mineure et Madame … va prendre en charge sa fille. D’ailleurs, veuillez trouver en annexe la dernière preuve de paiement de Madame … de 400 euros à sa fille. Toutes les autres preuves de prise en charge se trouvent dans le dossier de votre ministère ( …) » Suivant décision du 10 novembre 2003, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale du 6 octobre 2003 « à défauts d’éléments pertinents nouveaux ».

Par requête déposée en date du 10 février 2004, Madame … a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle initiale du 6 octobre 2003.

L’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, quoique valablement informé par une notification par voie du greffe du dépôt de la requête introductive d’instance de la demanderesse, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse.

En l’absence de disposition légale instaurant un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de la décision litigieuse.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, Madame … conclut à l’annulation de la décision ministérielle déférée pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation. Elle fait valoir que l’administration, pour refuser l’autorisation de séjour sollicitée, ne saurait faire valoir l’argument que son enfant ne disposerait pas de moyens personnels suffisants, d’autant plus que la demande aurait été formulée dans le cadre d’un « regroupement familial » et que lesdites autorités auraient dû tenir compte de ses capacités financières. La demanderesse fait en effet valoir qu’elle travaillerait de façon régulière au Luxembourg, qu’elle serait titulaire d’un permis de travail lui délivré en date du 27 juin 2003 et qu’elle vivrait en communauté de vie avec Monsieur … qui disposerait également de revenus réguliers, de sorte qu’elle serait en mesure de subvenir à l’entretien et l’éducation de sa fille. Enfin, la demanderesse soutient que la décision de refus serait contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où elle constituerait une ingérence injustifiée de l’autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale et qu’elle empêcherait la demanderesse de respecter ses devoirs d’éducation et d’entretien, vu la distance géographique qui la séparerait de sa fille. Dans ce contexte, la demanderesse estime que la décision ministérielle ne répondrait pas au critère de proportionnalité à appliquer en la matière, consistant à ménager un juste équilibre entre les considérations d’ordre public qui sous-tendent la réglementation de l’immigration et celles de la protection de la vie familiale, d’autant plus que sa fille serait dans une situation de « besoin matériel réel », ce qui serait démontré par le fait qu’elle verserait à sa fille régulièrement la somme de 400.- euros.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif peut vérifier les faits formant la base d’une décision administrative qui lui est soumise et examiner si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis (cf.

trib. adm. 7 décembre 1998, n° 10807, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 10).

En l’espèce, en l’absence d’une prise de position de l’administration produite dans le délai légal et faute par elle d’avoir produit le dossier administratif, tel qu’exigé par l’article 8 (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal n’est pas en mesure de vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l’appui de la décision ministérielle du 6 octobre 2003 face aux affirmations de la demanderesse, de vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure administrative prise à l’égard de la demanderesse est valablement justifiée et proportionnée au regard des dispositions légalement applicables.

Il suit des considérations qui précèdent relativement à l’impossibilité de la juridiction saisie d’exercer son contrôle sur les éléments de fait et de droit que la décision ministérielle du 6 octobre 2003 encourt l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant annule la décision ministérielle du 6 octobre 2003 refusant de faire droit à la demande en obtention d’une autorisation de séjour en faveur de Melle. … ;

renvoie le dossier devant le ministre de la Justice ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 21 juin 2004 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 3


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17561
Date de la décision : 21/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-21;17561 ?

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