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18/06/2004 | LUXEMBOURG | N°18196

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 juin 2004, 18196


Tribunal administratif Numéro 18196 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juin 2004 Audience publique extraordinaire du 18 juin 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18196 du rôle, déposée le 9 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TNTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Angola), de nationalité angolaise, actuellement plac

é au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à ...

Tribunal administratif Numéro 18196 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juin 2004 Audience publique extraordinaire du 18 juin 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18196 du rôle, déposée le 9 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TNTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Angola), de nationalité angolaise, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 17 mai 2004 ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juin 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 juin 2004.

Il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux que Monsieur … fut intercepté le 17 mai 2004 lors d’un contrôle au quartier de la Gare, sans être en possession des papiers de légitimation requis.

Par décision du ministre de la Justice du 17 mai 2004, Monsieur … fut alors placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la dite décision dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

1La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé, l’ éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement…».

Par requête déposée le 9 juin 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision de placement du 17 mai 2004.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche en premier lieu au ministre de la Justice d’avoir violé l’article 15 de la loi du 28 mars 1972, l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que l’article 33 de la Convention de Genève, en soutenant que la décision de rétention le priverait à tort de sa liberté, étant donné qu’il ne serait pas à considérer comme un étranger en situation irrégulière, mais comme demandeur d’asile ne pouvant faire l’objet d’un éloignement du pays en attendant l’examen de cette demande d’asile.

L’article 15, paragraphe 1, alinéa 1er de la loi du 28 mars 1972 dispose : « Lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 [de la loi du 28 mars 1972] est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois ».

L’article en question exige la réunion de deux conditions légales sous-jacentes à une décision de placement :

1. une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la loi du 28 mars 1972, 2. l’impossibilité d’exécuter cette mesure en raison de circonstances de fait.

L’existence de ces deux conditions légales amène le tribunal à vérifier, si en l’espèce, le ministre de la Justice a pu prendre une décision de rétention à l’encontre de Monsieur ….

Il est constant qu’en l’espèce la décision litigieuse n’est pas basée sur une décision d’expulsion et que le dossier tel que soumis en cause ne renseigne pas non plus l’existence d’une décision explicite de refoulement.

2Il n’en demeure cependant pas moins qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne détermine la forme d’une décision de refoulement, de sorte que celle-ci est censée avoir été prise par le ministre de la Justice à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi du 28 mars 1972 précitée sont remplies et où, par la suite, une décision de rétention administrative a été prise à l’encontre de l’intéressé. En effet, une telle décision de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de rétention à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion.

Il y a dès lors lieu d’examiner si la décision de refoulement sous-jacente à la décision litigieuse rentre dans les prévisions légales de l’article 12 de la loi du 28 mars 1972 auquel renvoie l’article 15 de la même loi.

Ledit article 12 dispose que peuvent être éloignés du territoire luxembourgeois sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal, les étrangers non autorisés à résidence :

«1.

qui sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage ;

2.

qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ;

3.

auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 de [la loi précitée du 28 mars 1972] ;

4.

qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis ;

5.

qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2, paragraphe 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre public ».

En l’espèce, parmi les motifs invoqués au moment de la prise de la décision litigieuse le 17 mai 2004, le ministre de la Justice a fait état du fait que le demandeur n’est pas en possession de moyens d’existence personnels et qu’il est démuni des documents d’identité et de voyage valables, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays.

Dans la mesure où ces faits ne sont pas contestés en cause, Monsieur … remplissait dès lors en date du 17 mai 2004 les conditions légales telles que fixées par la loi sur base desquelles une mesure de refoulement a valablement pu être prise à son encontre.

Même s’il est admis que Monsieur … a manifesté son intention de présenter une demande d’asile au Luxembourg par lettre du 19 mai 2004, réceptionnée au ministère de la Justice le 24 mai 2004, il n’est cependant pas moins constant en cause que le demandeur n’a pas soumis sa demande d’asile spontanément en se présentant aux autorités luxembourgeoises, mais seulement 2 jours après avoir été contrôlé par la police sans être en possession de documents d’identité, de voyage ou de séjour et après avoir été placé pendant 2 jours au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière.

Dans la mesure où l’irrégularité du séjour du demandeur était dès lors patente préalablement à l’introduction de sa demande d’asile et que ce dernier n’avait manifestement pas l’intention de s’adresser directement à cette fin aux autorités luxembourgeoises, le 3ministre pouvait valablement ordonner en date du 17 mai 2004 une décision de rétention à son encontre afin de mettre ses services en mesure de vérifier son identité et pour assurer le cas échéant son rapatriement.

Dans le cadre d’un recours en réformation, le juge apprécie la décision déférée quant à son bien-fondé et à son opportunité au moment où il est amené à statuer.

En ce qui concerne la situation suite au dépôt de la demande d’asile, le placement ne saurait cependant être maintenu que dans la mesure où les conditions de l’article 15, paragraphe 1 de la loi du 28 mars 1972 demeurent données, c’est-à-dire qu’en cas d’existence ou de persistance d’une mesure de refoulement sous-jacente et de l’impossibilité d’exécuter cette mesure en raison de circonstances de fait.

En l’espèce, la prise des empreintes digitales en date du 18 mai 2004 au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière a permis de révéler, en date du 3 juin 2004, que Monsieur … avait déjà introduit une demande d’asile en Belgique au cours de l’année 2003, fait qu’il avait omis de signaler aux autorités compétentes.

Il est constant que suite à cette découverte, le ministre de la Justice a sollicité en date du 10 juin 2004 en se basant sur l’article 16, 1. c) du règlement CE 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, sa reprise en charge auprès des autorités belges. Il est précisé dans le formulaire de reprise en charge que le délai de réponse expire au plus tard le 24 juin 2004, en application combinée des articles 20 b) et c) du règlement CE 343/2003. En plus, il est indiqué qu’une réponse urgente s’impose, étant donné que la personne intéressée se trouve en rétention administrative.

Il s’ensuit que le ministre de la Justice a entrepris les démarches nécessaires pour clarifier dans les meilleurs délais la situation du demandeur et pour contacter les autorités compétentes pour l’examen de la demande d’asile. Etant donné que le délai de réponse octroyé aux autorités belges n’a pas encore expiré, les conditions sous-jacentes à la mesure de placement se trouvent toujours vérifiées au jour où le tribunal statue, de sorte que celle-ci ne saurait encourir aucun reproche quant à sa légalité.

En deuxième lieu, le demandeur estime que la mesure de placement constituerait une mesure disproportionnée, l’esprit de la loi du 28 mars 1972, ainsi que les travaux parlementaires, étant à interpréter dans le sens que le pouvoir exécutif devrait mettre en place une structure spécifique et appropriée pour accueillir les personnes retenues dans l’attente de leur éloignement du pays.

Il est constant que le demandeur est placé au Centre de séjour provisoire dans la partie destinée exclusivement aux étrangers en situation irrégulière.

Concernant le caractère approprié du lieu de placement ainsi retenu par le ministre, il échet de constater que par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, le Gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 précitée, un centre de séjour où peuvent être 4placées, sur ordre du ministre de la Justice, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit Centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Or, à défaut pour le demandeur d’avoir rapporté un quelconque élément tangible permettant de conclure au caractère inapproprié dudit Centre de séjour par rapport à son cas spécifique, le moyen tenant au caractère inapproprié du lieu de placement retenu en l’espèce laisse d’être fondé.

Au vu de ce qui précède, le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 18 juin 2004 par :

Mme Thomé, juge, Mme Gillardin, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier.

s. SCHMIT S. THOMÉ 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18196
Date de la décision : 18/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-18;18196 ?

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