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17/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17454

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 juin 2004, 17454


Tribunal administratif N° 17454 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 janvier 2004 Audience publique du 17 juin 2004

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Recours formé par Monsieur … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’éloignement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17454 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2004 par Maître Xavier BETTEL, avocat à la Cour, assisté de Maître Dogan DEMIRCAN, avocat,

tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le ...

Tribunal administratif N° 17454 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 janvier 2004 Audience publique du 17 juin 2004

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Recours formé par Monsieur … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’éloignement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17454 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2004 par Maître Xavier BETTEL, avocat à la Cour, assisté de Maître Dogan DEMIRCAN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Lisbonne (Portugal), de nationalité capverdienne, alias …, né le … à Mabouto (Mozambique), demeurant actuellement au Portugal, tendant à l’annulation d’une décision émanant du ministre de la Justice du 13 octobre 2003, par laquelle l’entrée et le séjour lui furent refusés et lui enjoignant à quitter le territoire dès notification dudit arrêté ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en ses plaidoiries.

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Par arrêté du 13 octobre 2003, notifié le 23 décembre 2003, le ministre de la Justice refusa l’entrée et le séjour à Monsieur … et lui enjoignit de quitter le pays dès notification dudit arrêté, aux motifs qu’il aurait fait usage de pièces d’identité et de voyage falsifiés, qu’il serait dépourvu de moyens d’existence personnels et qu’il serait susceptible de compromettre l’ordre public.

Par arrêté ministériel du 2 octobre 2003, Monsieur … avait été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, lequel placement fut prorogé en date des 6 novembre et 9 décembre 2003, chaque fois pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

En date du 23 décembre 2003, Monsieur … fut éloigné du territoire du Grand-Duché de Luxembourg en destination de Lisbonne.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2004, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre l’arrêté ministériel précité du 13 octobre 2003.

Il échet tout d’abord de relever que l’arrêté de refus d’entrée et de séjour avec ordre de quitter le territoire s’analyse en une décision administrative qui ne se confond pas avec la ou les décisions prises soit dans le cadre de la reconnaissance du statut de réfugié, soit dans le cadre du refus de délivrance ou du retrait d’une autorisation de séjour, mais elle constitue une décision distincte de nature à faire grief à son destinataire et, plus particulièrement, elle constitue une mesure d’éloignement ou de refoulement d’un étranger du territoire luxembourgeois qui doit être examinée au regard des dispositions propres à ladite matière.

Il ressort en outre du dossier administratif qu’en date du 23 décembre 2003, Monsieur … a été refoulé du territoire du Grand-Duché de Luxembourg en direction de Lisbonne.

Or, même dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, l’annulation de la décision ministérielle déférée ne saurait plus avoir d’effet concret, le demandeur garde néanmoins un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de la décision attaquée, de la part de la juridiction administrative, puisqu’en vertu de la jurisprudence dominante des tribunaux judiciaires, respectivement la réformation ou l’annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en œuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé aux particuliers par les décisions en question (cf.

trib. adm. 24 janvier 1997, n° 9774 du rôle, Pas adm. 2003, V° Procédure contentieuse, I.

Intérêt à agir, n° 14, p. 497 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision déférée.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, le demandeur conclut à l’annulation de la décision attaquée en soutenant que les motifs invoqués par le ministre de la Justice à l’appui de sa décision seraient dénués de fondement. Ainsi, il fait exposer qu’en 1997, il aurait quitté le Portugal pour les Pays-Bas, qu’il aurait acquis un faux passeport uniquement dans le but de trouver un travail, et qu’en 2000, il serait venu au Luxembourg avec le même faux passeport où il aurait trouvé du travail et un logement. Il expose qu’il n’aurait pas utilisé le faux passeport, dont il n’aurait disposé que pour trouver un travail, qu’il ne serait pas dépourvu des moyens d’existence personnels, puisqu’il aurait eu un travail et un logement au Luxembourg et qu’il se serait installé avec son amie, Madame J. M., qui se serait déclarée prête à subvenir aux besoins de Monsieur ….

Enfin, il conteste constituer un danger pour l’ordre public.

Le délégué du gouvernement rétorque que l’entrée et le séjour auraient été refusés à Monsieur …, aux motifs qu’il n’aurait pas de moyens d’existence personnels, puisqu’il n’aurait pas produit de permis de travail et, qu’il serait susceptible de troubler l’ordre public luxembourgeois, puisqu’il aurait fait usage d’un passeport portugais falsifié et qu’il aurait fait l’objet d’un procès-verbal en date du 4 septembre 2002 pour tentative de meurtre, ce qui lui aurait valu une détention préventive au centre pénitentiaire de Luxembourg.

Un arrêté de refus et d’entrée de séjour peut être pris, en vertu de l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, à l’égard de l’étranger, « … - qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

En l’espèce, il n’est pas contesté par le demandeur qu’au moment où la décision sous analyse a été prise, il ne disposait ni du visa touristique pour séjourner sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ni d’un autre titre de séjour autorisant sa résidence au pays, mais qu’il était en plus en possession d’un document d’identité falsifié, en l’occurrence un passeport portugais falsifié, de sorte qu’il se trouvait en séjour irrégulier au pays.

Quant au motif mis en avant par le ministre de la Justice que Monsieur … serait susceptible de troubler l’ordre public, il ressort des pièces versées au dossier que le demandeur était en possession d’un titre d’identité falsifié renseignant une fausse identité et qu’il en a fait usage, étant donné qu’il s’est déclaré sous le nom de « Laurentino Fernando … » à la commune de Luxembourg le 26 avril 2000. Or, un étranger qui est en possession d’un titre d’identité falsifié et renseignant dans son chef une fausse identité doit être considéré comme étant susceptible de compromettre l’ordre public, de manière à justifier l’arrêté de refus d’entrée et de séjour déféré sur base de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972.

Pour le surplus, il ressort du dossier administratif que le demandeur a fait l’objet d’un procès-

verbal n° 31038 de la police grand-ducale, circonscription régionale Luxembourg, unité C.I.L., service Groupe 3, en date du 4 septembre 2002 pour tentative d’homicide. Il s’ensuit que le ministre a valablement pu estimer que Monsieur … de par son comportement personnel serait susceptible de compromettre l’ordre public.

Il s’ensuit que la décision ministérielle déférée se trouvant légalement justifiée au regard des exigences inscrites à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, l’examen des autres motifs sur lesquels le ministre a encore fondé sa décision de refus devient surabondant et le recours en annulation est partant à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 17 juin 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17454
Date de la décision : 17/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-17;17454 ?

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