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17/06/2004 | LUXEMBOURG | N°15291

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 juin 2004, 15291


Tribunal administratif N° 15291 rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 août 2002 Audience publique du 17 juin 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière d’indemnités de chômage

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15291 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 août 2002 par Maîtr

e Vic KRECKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur...

Tribunal administratif N° 15291 rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 août 2002 Audience publique du 17 juin 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration de l’Emploi en matière d’indemnités de chômage

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15291 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 août 2002 par Maître Vic KRECKE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, employé privé, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du directeur de l’administration de l’Emploi du 6 juin 2002, en ce qu’elle a fixé d’office son indemnité de chômage ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 octobre 2002 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom du directeur de l’administration de l’Emploi, agissant pour compte du fonds pour l’emploi ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 15 octobre 2002 portant notification de ce mémoire en réponse par voie de télécopieur à Maître Vic KRECKE ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 novembre 2002 par Maître Vic KRECKE au nom de Monsieur …, notifié le 12 novembre 2002 à Maître Georges PIERRET ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 novembre 2002 par Maître Georges PIERRET au nom du directeur de l’administration de l’Emploi, agissant pour compte du fonds pour l’emploi ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 20 novembre 2002 portant notification de ce mémoire en duplique à Maître Vic KRECKE ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Yvette NGONO YAH, en remplacement de Maître Vic KRECKE, et Maître Jamila KHELILI, en remplacement de Maître Georges PIERRET, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 janvier 2003 ;

Vu la rupture du délibéré prononcée le 1er juillet 2003 afin de permettre aux parties d’informer le tribunal sur les questions de savoir si une instruction pénale a été déclenchée à la suite de la plainte déposée par l’Etat le 16 octobre 2002 au cabinet du juge d’instruction à Luxembourg, et, le cas échéant, si une procédure est toujours en cours ;

Vu les pièces complémentaires versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Karima HAMMOUCHE, en remplacement de Maître Vic KRECKE, et Maître Jamila KHELILI, en remplacement de Maître Georges PIERRET, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 avril 2004 ;

Vu la rupture du délibéré prononcée le 29 avril 2004 afin de permettre aux parties de se prononcer quant à l’incidence de l’article 46 de la loi modifiée du 30 juin 1976 portant 1. création d’un fonds pour l’emploi ; 2. réglementation de l’octroi des indemnités de chômage complet sur la compétence d’attribution du tribunal ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé le 7 mai 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Vic KRECKE au nom de Monsieur …, notifié le 3 mai 2004 à Maître Georges PIERRET ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé le 11 mai 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges PIERRET au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, pris en sa qualité de gestionnaire du fonds pour l’emploi ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 10 mai 2004 portant notification de ce mémoire supplémentaire à Maître Vic KRECKE ;

Ouï Maître Karima HAMMOUCHE, en remplacement de Maître Vic KRECKE, et Maître Jamila KHELILI, en remplacement de Maître Georges PIERRET, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juin 2004.

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Monsieur …, préqualifié, fut engagé à partir du 13 juillet 1998 en qualité de garçon (ouvrier) par la société à responsabilité limitée C. S.àr.l., ayant été établie à L-

….

Suivant contrat de travail du 30 août 2000, Monsieur … fut engagé ensuite en tant qu’aide au bureau (employé privé) à partir du 1er septembre 2000.

Par jugement du 6 juillet 2001 du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, deuxième section, siégeant en matière commerciale, la société C. S.àr.l. a été déclarée en état de faillite.

En date du 27 juillet 2001, Monsieur … déposa une déclaration de créance pour demander son admission au passif superprivilégié de la prédite faillite à concurrence de 521.462.- LUF du chef de salaires des mois de juillet (mois de la survenance de la faillite), d’août (mois subséquent à la faillite) et de septembre 2001 (moitié du préavis légal), ainsi que du chef d’indemnité de congé non pris.

Suivant procès-verbal de vérification des créances non daté, le demandeur fut admis au passif de la faillite C. S.àr.l. à titre privilégié pour le montant ci-avant déclaré de 521.462.- LUF.

L’administration de l’Emploi, ci-après dénommée « l’ADEM », agissant pour le compte du fonds pour l’emploi, suivant décompte du 21 janvier 2002, déclara liquider en faveur de Monsieur … les salaires des mois de juillet, d’août et de septembre 2001, chaque fois pour le montant net de 2.263,16 euros, réduit, compte tenu du plafond prévu par l’article 30 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, au montant de 4.526,32 euros, et le montant de 1.847,39 euros à titre d’indemnité de congé non pris, soit en tout la somme de 6.373,71 euros.

Après avoir introduit en date du 6 septembre 2001 une demande d’octroi de l’indemnité de chômage complet, l’ADEM fixa à partir du 19 septembre 2001 l’indemnité de chômage de Monsieur … à 80% du salaire social minimum, soit le montant de 1.032,18 euros.

Par un courrier du 7 février 2002, rappelé suivant lettre du 21 mai 2002, l’organisation syndicale OGBL contesta pour le compte de leur membre Monsieur … le montant de l’indemnité de chômage ainsi fixée.

Faisant suite au recours gracieux, l’ADEM, par lettre du 6 juin 2002 de son directeur, informa Monsieur … qu’« (…) au vu de tous ces éléments contradictoires sur votre réelle rémunération, vous avez été invité par mes services à introduire les extraits originaux du compte bancaire sur lequel ont été virées vos rémunérations au cours des mois de janvier à septembre 2001. Comme vous n’avez pas pu nous apporter la preuve que vous avez effectivement touché ces salaires, l’Administration de l’emploi a fait application des dispositions du paragraphe 3 de l’article 27 de la loi modifiée du 30 juin [1976] portant 1. création du fonds pour l’emploi, 2. réglementation de l’octroi de l’indemnité de chômage complet. Ces dispositions prévoient que lorsque des informations valables sur la rémunération antérieure font défaut, le montant de l’indemnité de chômage est fixé d’office, compte tenu de la profession et de la qualification professionnelle du travailleur.

Le montant de l’indemnité de chômage a donc été fixé à 80% du salaire social minimum, soit le montant de 1032,18 €.

Contre la présente décision un recours est admissible au titre 2 paragraphe 1 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif. Ce recours doit être introduit, sous peine d’irrecevabilité, dans un délai de 3 mois à partir de la notification de la présente décision, conformément à l’article 13 paragraphe 1 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ».

Par requête déposée le 23 août 2002, Monsieur … a introduit un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision précitée du directeur de l’ADEM du 6 juin 2002.

Suite à la rupture du délibéré prononcée le 29 avril 2004 permettant aux parties de s’exprimer sur la question de la compétence d’attribution du tribunal administratif, le demandeur fait valoir que la compétence du tribunal administratif ne serait en aucune manière affectée par l’article 46 de loi modifiée du 30 juin 1976, précitée, au motif que le recours et les mémoires subséquents porteraient uniquement sur les articles 26 et 27 de cette même loi, en ce que l’objet du litige concernerait non pas la question de l’attribution ou de la non attribution d’une indemnité de chômage, mais celle de la détermination de son montant.

Il insiste encore que le litige porterait uniquement sur l’application respectivement sur l’interprétation de l’article 27, paragraphe 3, tel qu’indiqué par l’ADEM dans sa décision du 6 juin 2002, en soutenant qu’un contrat judiciaire se serait formé entre les deux parties, lesquelles auraient retenu cette disposition comme étant à la base du débat. Il en conclut que le litige serait enfermé dans le cadre des dispositions du chapitre 1er, section 7, de la loi du 30 juin 1976 traitant du montant de l’indemnité de chômage complet, de sorte que seule la juridiction administrative serait compétente pour en connaître.

En ordre subsidiaire, pour le cas où le tribunal administratif devrait se déclarer incompétent, le demandeur fait valoir que le délai de quarante jours prévu à l’article 46 de la loi précitée du 30 juin 1976 pour introduire le recours auprès de la Commission spéciale de réexamen n’aurait pas pu commencer à courir en raison de l’indication erronée des voies de recours, et il demande d’être relevé de la déchéance pour non observation du prédit délai, soit que l’affaire soit renvoyée devant la Commission spéciale, soit de lui accorder un délai supplémentaire pour saisir lui-même la Commission spéciale.

Le défendeur fait exposer que la décision du directeur de l’ADEM du 6 juin 2002, qui a fixé d’office le montant de l’indemnité de chômage en l’absence d’informations valables sur la rémunération antérieure du demandeur, constituerait une « décision portant attribution des indemnités de chômage » prise conformément aux dispositions de la loi précitée du 30 juin 1976. Il conteste qu’il s’agirait uniquement d’un problème de détermination du montant de l’indemnité, estimant que la question de l’attribution de l’indemnité de chômage ne serait pas dissociable de celle de la détermination de son montant. En se basant sur l’article 46 de la loi modifiée du 30 juin 1976, il conclut à l’incompétence ratione materiae du tribunal administratif pour connaître du recours sous analyse, les juridictions sociales étant compétentes en la matière.

Le tribunal est amené à vérifier sa propre compétence d’attribution, laquelle répond à des règles d’organisation juridictionnelle d’ordre public (cf. trib. adm. 28 mai 2001, n° 12802 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Compétence, sous B. Compétences respectives des juridictions judiciaires et des juridictions administratives, n° 17, p. 99).

L’article 2, paragraphe 1 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose que : « le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements ».

L’article 46 de la loi modifiée du 30 juin 1976 institue en premier lieu un recours devant la commission spéciale de réexamen contre les décisions de refus ou de retrait prises par le directeur de l’ADEM en matière d’indemnité de chômage complet.

Les dispositions pertinentes de l’article 46 sont les suivantes :

«… Les décisions portant attribution, maintien, reprise, prorogation, refus ou retrait de l'indemnité de chômage, suspension de la gestion du dossier et retardement du début de l'indemnisation, ainsi que les décisions ordonnant le remboursement des indemnités sont prises par le directeur de l'Administration de l'Emploi ou les fonctionnaires par lui délégués à cet effet.

Les décisions de refus ou de retrait visées au paragraphe 2 du présent article peuvent faire l’objet d’une demande en réexamen auprès d’une commission spéciale instituée par le ministre ayant le travail dans ses attributions.

Contre les décisions prises par la commission (…) un recours est ouvert au requérant débouté, au ministre du Travail et au directeur de l’Administration de l’Emploi. Ce recours est porté devant le conseil arbitral des assurances sociales ; il n’a pas d’effet suspensif.

Il doit être formé, sous peine de forclusion, dans un délai de quarante jours à dater de la notification de la décision attaquée ; sont applicables les règles de procédure à suivre devant le conseil arbitral des assurances sociales ».

Une contestation ayant trait à la fixation de l’indemnité de chômage complet se résume en une décision de refus partiel de l’indemnité prise par le directeur de l’ADEM, laquelle peut faire l’objet d’une demande en réexamen devant la commission spéciale.

Il s’ensuit que le tribunal administratif doit se déclarer incompétent ratione materiae pour analyser le recours introduit, étant donné qu’en la présente matière un recours spécial devant une autre instance est prévu par une disposition légale. Dans ce contexte, l’argumentation du demandeur tirée de la prétendue existence d’un contrat judiciaire qui se serait formé entre les parties et tenant à la seule application de l’article 27, paragraphe 3, de la loi du 30 juin 1976 est à écarter comme dénuée de fondement.

En ce qui concerne l’indication erronée des voies de recours, s’il est vrai que la seule conséquence en découlant est celle que les délais impartis pour l’introduction d’un recours ne commencent pas à courir, il n’en reste pas moins qu’eu égard à l’incompétence de la juridiction saisie pour connaître du recours introduit par le demandeur, le tribunal n’est pas compétent pour connaître de la demande en relevé de déchéance, ni pour ordonner le renvoi devant la commission spéciale de réexamen, ni pour accorder un délai supplémentaire en vue de permettre au demandeur de saisir cette commission spéciale.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.000.- euros.

S’il est vrai que le demandeur a succombé dans sa demande, il n’en reste pas moins qu’il a saisi le tribunal administratif à la suite de l’indication erronée des voies de recours faite en ce sens par l’administration, de sorte que les frais sont à supporter par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours ;

condamne l’Etat du Grand-Duché aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 17 juin 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15291
Date de la décision : 17/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-17;15291 ?

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