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14/06/2004 | LUXEMBOURG | N°18175

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juin 2004, 18175


Numéro 18175 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juin 2004 Audience publique du 14 juin 2004 Recours formé par Monsieur M.B., alias K.M., Schrassig contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18175 du rôle, déposée le 7 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur M.B., alias K...

Numéro 18175 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juin 2004 Audience publique du 14 juin 2004 Recours formé par Monsieur M.B., alias K.M., Schrassig contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18175 du rôle, déposée le 7 juin 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur M.B., alias K.M., né le … à Mouiba (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de la Justice du 2 juin 2004 portant prorogation pour une nouvelle durée d’un mois de son placement audit Centre de séjour provisoire ordonné par arrêté du même ministre du 4 mai 2004;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2004;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 juin 2004 à 15:30 heures.

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Il ressort d’un rapport référencé sous le numéro 15/1295/04/THO du 4 mai 2004 du service de police judiciaire, section police des Etrangers et des Jeux de la police grand-

ducale qu’une personne dénommée K.M. fut appréhendé ensemble avec une autre personne dans la Galerie Kons à Luxembourg-Gare.

Le dénommé M. fut ensuite placé, par arrêté du ministre de la Justice, ci-après désigné par le « ministre », du 4 mai 2004 au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu le rapport no 15/1295/04/THO du 4 mai 2004 établi par le Service de Police Judiciaire, section Police des Etrangers et des Jeux ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par transmis du 6 mai 2004, le ministre saisit le service de police judiciaire, section des étrangers, d’une demande d’enquête concernant le dénommé M.. Le dit service communiqua par rapport du 19 mai 2004, parvenu au ministère de la Justice le 26 mai 2004, les éléments suivants :

« Wie sich gelegentlich der getätigten Untersuchungen herausstellen sollte, hatte der angebliche M. Unterzeichneten in Betreff seiner Identität nach Strich und Faden belogen. Die wahre Identität desselben lautet:

B. M.

Geboren am … zu Boukadir/Algerien B. erklärte im September 2003 Algerien mit dem Schiff in Richtung Italien verlassen zu haben. Von dort aus habe er sich per Eisenbahn nach Frankreich begeben um alsdann weiter mit der Bahn nach Belgien, genauer gesagt nach Brüssel zu fahren.

Wie eine Ueberprüfung bei den belgischen Behörden ergab und B. selbst bestätigte, hatte derselbe bereits am 30. September 2003 einen Asylantrag in Belgien gestellt, wo er angeblich im Asylantenzentrum „Petit Château“ untergebracht wurde. Am 07. November 2003 wurde B. seitens der belgischen Behörden die Anweisung zum Verlassen des belgischen Staatsgebietes zugestellt, gegen welchen Entscheid derselbe am 12 . November 2003 Rekurs einlegte. Dieser Antrag wurde als unzulässig anerkannt, was B. dann am 14. Januar 2004 schriftlich mitgeteilt wurde. Zu den diesbezüglichen Schriftstücken befragt, erklärte B. diese nicht mit sich zu führen. Dieselben würden sich angeblich in Belgien bei einem ihm mit Namen nicht bekannten Anwalt befinden.

B. alias M. wurde erkennungsdienstlich behandelt, jedoch verlief die diesbezügliche Ueberprüfung im EURODAC negativ. Es sei hier erwähnt, dass die im EURODAC-System erfolgte Ueberprüfung anhand des eingegebenen Fingerabdruckbogens und nicht anhand des eingegebenen Namens erfolgt“.

Par courrier du 19 mai 2004, le mandataire de Monsieur B. alias M. demanda au ministre de faire procéder aux démarches nécessaires pour le transfert de Monsieur B. vers la Belgique en se prévalant d’une communication du service psycho-socio-éducatif du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 14 mai 2004 indiquant que son mandant aurait introduit une demande d’asile en Belgique sous le nom de M.B..

En date du 2 juin 2004, le ministre soumit à l’autorité belge compétente une demande de reprise en charge pour Monsieur B., alias M..

Le même jour, le ministre prit à l’encontre de Monsieur B. un arrêté portant prorogation pour une nouvelle durée d’un mois de son placement audit Centre de séjour provisoire aux motifs énoncés comme suit :

« Vu mon arrêté pris en date du 4 mai 2004 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valables ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant que l’intéressé est demandeur d’asile en Belgique ;

Considérant qu’une demande de reprise en charge en vertu des dispositions du règlement n° CE 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 a été adressée aux autorités belges en date du 2 juin 2004 ;

- qu’en attendant l’accord de reprise, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 juin 2004, Monsieur B. a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de l’arrêté ministériel précité du 2 juin 2004.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 2 juin 2004. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir entrepris toutes les démarches nécessaires afin d’assurer son éloignement dans les meilleurs délais et de ne pas justifier pourquoi il n’a adressé la demande de reprise à l’autorité compétente belge que le 2 juin 2004 seulement, alors même qu’il aurait déjà eu connaissance depuis la communication du service psycho-socio-éducatif du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 14 mai 2004 de l’existence de sa demande d’asile antérieure en Belgique. Il estime que la condition légale de la nécessité absolue de la prorogation de la mesure de rétention ne se trouverait pas vérifiée en l’espèce au vu de l’insuffisance des démarches accomplies.

En ce qui concerne l’absence de démarches suffisantes entreprises et plus particulièrement l’absence de « nécessité absolue » en résultant, pourtant nécessaire à la prorogation de la décision de placement, il appartient au tribunal d’analyser si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rend la prorogation de la décision de placement inévitable (trib. adm. 20 décembre 2002, n° 15747 du rôle, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 276 et autres références y citées).

En effet, l’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Le tribunal vérifie si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée, étant donné que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire (trib.

adm. 20 décembre 2002, n° 15735 du rôle, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 276 et autres références y citées).

En l’espèce, il ressort des éléments en cause que lors de son appréhension en date du 4 mai 2004, le demandeur a indiqué le nom de K.M. comme étant le sien et n’a fait aucune allusion à l’existence d’une demande d’asile de sa part en Belgique. Les éléments concernant l’identité réelle du demandeur et sa demande d’asile antérieure en Belgique n’ont été révélés que par l’enquête du service de police judiciaire, section des étrangers, dont le résultat contenu dans le rapport du 19 mai 2004 est parvenu au ministère de la Justice le 26 mai 2004. Il n’est pas établi en cause que la communication du service psycho-socio-éducatif du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 14 mai 2004 soit parvenue au ministère de la Justice avant d’avoir été annexée en copie par le mandataire du demandeur à son courrier prévisé du 19 mai 2004. En outre, le demandeur ne figurait pas dans la banque de données EURODAC.

Dans ces conditions, le temps pris par le service de police judiciaire pour enquêter sur l’identité réelle du demandeur et faire parvenir le résultat de son enquête au ministère de la Justice ne peut être qualifié d’excessif et le ministre pouvait valablement attendre le résultat dégagé par ladite enquête pour avoir une certitude quant à l’identité du demandeur et soumettre à l’autorité belge la demande de reprise en charge seulement après avoir été mis en possession de tous les éléments requis ou utiles à cet égard, de manière que l'envoi en date du 2 juin 2004, soit endéans quelques jours ouvrables depuis la réception du rapport précité du 19 mai 2004, de la demande de reprise ne peut pas être considéré comme tardif et comme traduisant une insuffisance des démarches accomplies par le ministre afin d’assurer le transfert du demandeur dans les meilleurs délais. Le moyen afférent du demandeur est partant à rejeter.

Le demandeur soutient ensuite qu’il aurait pu être refoulé vers la Belgique conformément aux dispositions des accords de réadmission du Benelux et de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.

Il n’est pas contesté en cause que le demandeur avait déposé une demande d’asile en Belgique et qu’il a fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire du 7 novembre 2003 de la part des autorités belges.

Il s’ensuit que le demandeur tombe directement dans les prévisions de l’article 16, 1.

e) du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, en tant que ressortissant d'un pays tiers dont la Belgique a rejeté la demande d’asile et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre État membre, à savoir le Grand-

Duché.

Dans la mesure où le prédit règlement CE n° 343/2003 est un texte de droit communautaire régissant spécifiquement les droits et obligations des Etats membres de l’Union européenne face aux ressortissants d’Etats tiers ayant déposé une demande d’asile sur le territoire de l’Union européenne, il doit trouver application en l’espèce en tant que loi spéciale par dérogation à toute disposition de droit international ou interne régissant d’une manière plus générale le statut des ressortissants d’Etats tiers (trib. adm. 13 juin 2003, n° 16508, non encore publié).

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a eu recours en l’espèce à la procédure spécifique instaurée par l’article 20 dudit règlement CE n° 3434/2003 en soumettant aux autorités belges une demande de reprise en charge préliminairement à l’exécution de toute mesure d’éloignement. Le moyen afférent du demandeur est partant à écarter.

Le demandeur affirme finalement que son placement au Centre pénitentiaire de Schrassig serait disproportionné et que ledit Centre ne saurait être qualifié d’établissement approprié au sens de l’article 15 de la loi prévisé du 28 mars 1972.

Il est constant que le demandeur est actuellement placé au centre de séjour provisoire dans la partie destinée exclusivement aux étrangers en situation irrégulière.

Enfin, force est de constater que le Centre de séjour provisoire est à considérer comme un établissement approprié au sens de la loi précitée de 1972, étant donné que le demandeur est en séjour irrégulier au pays, qu’il n’existe aucun élément qui permette de garantir au ministre de la Justice sa présence au moment où il pourra être procédé à son éloignement et qu’il n’a fait état d’aucun autre élément ou circonstance particuliers justifiant à son égard un caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est fondé en aucun de ses moyens et est à rejeter.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 14 juin 2004 à 17:30 heures par le vice-président en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 18175
Date de la décision : 14/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-14;18175 ?

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