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14/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17601

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juin 2004, 17601


Tribunal administratif N° 17601 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit 18 février 2004 Audience publique du 14 juin 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17601 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 février 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Albanie), de son épouse, Madame …, né

e le … (Albanie), et de leurs enfants mineurs … et … , tous de nationalité albanaise, demeurant...

Tribunal administratif N° 17601 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit 18 février 2004 Audience publique du 14 juin 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17601 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 février 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Albanie), de son épouse, Madame …, née le … (Albanie), et de leurs enfants mineurs … et … , tous de nationalité albanaise, demeurant actuellement ensemble à L-… , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 18 novembre 2003 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative du même ministre du 14 janvier 2004 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juin 2004.

Le 10 septembre 2002, Monsieur … et son épouse Madame …, accompagnés de leurs deux enfants mineurs … et … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-

ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … et Madame… furent entendus chacun séparément par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur leurs motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 17 septembre 2002.

Par décision du 18 novembre 2003, envoyée par lettre recommandée le 1er décembre 2003, le ministre de la Justice informa les époux … de ce que leur demande d’asile avait été refusée comme non fondée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de leur rendre leur vie intolérable dans leur pays d’origine.

Le 1er janvier 2004, les époux … firent introduirent un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Le ministre de la Justice confirma sa décision antérieure par une décision prise en date du 14 janvier 2004.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 février 2004, les époux … ont fait déposer un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles de refus des 18 novembre 2003 et 14 décembre 2004.

L’article 12, paragraphe 3 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Les demandeurs font valoir qu’ils seraient issus d’une famille qui aurait été persécutée sous l’ancien régime communiste et que leur départ serait notamment motivé par le fait de l’activisme politique de Monsieur … au sein du parti démocratique. Ils précisent que les problèmes dont ils auraient été victimes auraient débuté au moment de la libération de … fin 1996. Monsieur … explique qu’en tant que membre des forces spéciales de la police au service de l’ancien président Sali BERISHA, il aurait été grièvement blessé par balles lors d’un incident ayant eu lieu le 22 juin 1997. Ils ajoutent qu’après plusieurs séjours à l’étranger, notamment en Italie où Monsieur … se serait fait soigner de ses blessures subies en 1997, ils seraient retournés en Albanie en août 2000, où ils seraient toujours persécutés et plus précisément par Monsieur … qui serait un proche du pouvoir, étant donné qu’il serait général de l’armée. Madame… confirme les dires de son mari et fait état d’un viol qui aurait eu lieu en 1997 au moment où son mari se serait trouvé en Italie.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et gracieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne les incidents ayant eu lieu en 1997, à les supposer établis, force est de constater qu’ils remontent à 7 ans déjà et que depuis lors la situation politique s’est calmée en Albanie, de sorte que ces événements ne revêtent plus une actualité suffisante afin de pouvoir fonder encore aujourd’hui une crainte raisonnable de persécution au sens de la Convention de Genève au moment d’un retour des demandeurs dans leur pays d’origine.

En ce qui concerne les événements plus récents dont les demandeurs font état, à partir d’août 2000, il y a lieu de retenir que leur crédibilité se trouvent sérieusement ébranlés, étant donné qu’il résulte du dossier administratif que Monsieur … a été signalé en Italie par les carabiniers de Mondragone le 7 février 2000, par le commissariat de Cervinara le 6 septembre 2000 et par la préfecture de police de Caserta le 17 mars 2002 et qu’il a fait l’objet d’un décret d’expulsion par la même préfecture de police le 14 février 2002.

Même à supposer que les demandeurs soient retournés en Albanie, les événements dont ils font état, abstraction faite de leur caractère vague, ne revêtent en toute occurrence pas un caractère de gravité suffisant afin de motiver une crainte de persécution pour une des raisons énumérées par la Convention de Genève, mais traduisent tout au plus un sentiment général d’insécurité.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation à la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 14 juin 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17601
Date de la décision : 14/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-14;17601 ?

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