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14/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17484

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juin 2004, 17484


Tribunal administratif N° 17484 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 janvier 2004 Audience publique du 14 juin 2004 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Transports en matière de permis de conduire à points

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17484 du rôle et déposée le 16 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, gérante, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’

une décision du ministre des Transports du 4 juillet 2003 portant retrait de 4 points du ca...

Tribunal administratif N° 17484 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 janvier 2004 Audience publique du 14 juin 2004 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Transports en matière de permis de conduire à points

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17484 du rôle et déposée le 16 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, gérante, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Transports du 4 juillet 2003 portant retrait de 4 points du capital de son permis de conduire, ainsi qu’à l’encontre de la décision confirmative dudit ministre du 20 octobre 2003, rendue sur recours gracieux du 2 octobre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 5 avril 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne-Marie SCHMIT au nom de la demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Serge MARX, en remplacement de Maître Anne-Marie SCHMIT, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

Par jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 7 mai 2003, Madame … fut condamnée à une amende de 750,- €. pour avoir toléré comme propriétaire la mise en circulation d’un camion ayant présenté un poids en charge excédant de plus de 10 % le poids total maximum autorisé.

Par décision du 4 juillet 2003, le ministre des Transports procéda, sur base du prédit jugement, au retrait de 4 points du capital de points dont est doté le permis de conduire de la demanderesse. Ladite décision est de la teneur suivante :

« Conformément aux dispositions légales régissant le permis à points, je tiens à vous informer que 4 points ont été retirés du capital dont est doté votre permis de conduire pour l’infraction suivante au Code de la Route.

Libellé de l’infraction :

Fait de tolérer, comme propriétaire ou détenteur, la mise en circulation d’un véhicule dont la masse en charge excède de plus de 10 % la masse maximale autorisée, conduit par un tiers.

Nombre de points déduits : 4 Date du fait : 15.11.2002 10.15 Lieu du fait : Autoroute A6, Luxembourg-Arlon Instance judiciaire : Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, chambre correctionnelle Date de la décision judiciaire : 07.05.2003 Date à laquelle la décision judiciaire est devenue irrévocable : 17.06.2003 Nombre de points restants : 8 Une reconstitution de 3 points pourra vous être accordée, une fois dans un délai de trois ans, après avoir participé à un cours de formation complémentaire au Centre de Formation pour Conducteurs à Colmar-Berg (tél. : 85 82 85-1) sans que pour autant le capital de points de votre permis de conduire puisse excéder 12 points.

La présente est susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif, à exercer par le ministère d’avocat inscrit endéans les trois mois à partir du jour de la notification de la présente. » Suivant courrier recommandé du 2 octobre 2003, Madame … fit introduire, par l’intermédiaire de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la prédite décision du 4 juillet 2003.

En date du 20 octobre 2003, le ministre des Transports confirma sa décision initiale du 4 juillet 2003.

Par requête déposée le 16 janvier 2004, Madame … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre des décisions préindiquées des 4 juillet et 20 octobre 2003.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir qu’elle aurait été condamnée à tort par le tribunal correctionnel à une amende de 750,- €, au motif que le tribunal aurait appliqué l’ancienne version de l’article 11 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après dénommée « la loi de 1955 », au lieu de la nouvelle rédaction dudit article 11, suite à l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2002 modifiant la loi de 1955 d’après lequel :

« Le propriétaire ou détenteur du véhicule est passible des mêmes peines s’il a toléré la mise en circulation d’un véhicule ou d’un ensemble de véhicules couplés dont la masse en charge excède de plus de 10 % la masse maximale autorisée ».

Or, le tribunal correctionnel, dans son prédit jugement du 7 mai 2003, l’aurait condamnée à tort, étant donné qu’elle n’avait pas toléré la mise en circulation d’un véhicule surchargé et qu’elle l’avait même interdit expressément. Partant, le ministre des Transports, en procédant à un retrait de 4 points de son capital de points, aurait violé la loi de 1955 dans sa nouvelle teneur, dès lors que la nouvelle rédaction de l’article 11 viserait justement à éviter une condamnation automatique des propriétaires ou détenteurs de véhicules ignorant la surcharge de ces derniers par leurs préposés et ledit ministre aurait partant commis dans les décisions attaquées un excès et détournement de pouvoir voire une violation de la loi.

Pour le surplus, ledit retrait de 4 points aurait été également fait en violation des articles 12 et 14 de la Constitution, ainsi que de l’article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, textes consacrant les principes de la liberté individuelle et de la légalité des peines.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement estime que l’argumentation de la demanderesse est étrangère à la question de la légalité de la décision du ministre des Transports, mais qu’elle aurait dû être avancée dans le cadre de l’exercice d’une voie de recours à l’encontre du jugement du tribunal correctionnel du 7 mai 2003, droit d’appel dont la requérante n’aurait cependant pas fait usage. Il s’ensuivrait que le jugement du 7 mai 2003 serait coulé en force de chose jugée et lierait l’autorité administrative quant à ses conclusions. Partant, en recevant l’information dudit jugement, le ministre des Transports, conformément à l’article 2bis, paragraphe 2, alinéa 4 de la loi de 1955, n’aurait pas de pouvoir d’appréciation quant à la réduction de points qui se trouve fixée par la loi.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse fait ajouter que le ministre des Transports aurait fait une application différenciée et sélective des dispositions de la loi du 2 août 2002 ayant introduit le permis à points, en faisant délibérément abstraction de la nouvelle rédaction de l’article 11, de sorte que l’administration commettrait une erreur dont la sanction serait l’annulation.

Aux termes de l’article 2bis, paragraphe 2, alinéa 4 de la loi de 1955, telle que modifiée par la loi du 2 août 2002, « pour autant qu’une des infractions mentionnées ci-

avant ait été commise sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, toute condamnation judiciaire qui est devenue irrévocable, et tout avertissement taxé dont le contrevenant s’est acquitté dans les 45 jours suivant la constatation de l’infraction, entraînent une réduction du nombre de points affecté au permis de conduire. Cette réduction intervient de plein droit. » En l’espèce, il n’est pas contesté que Madame … a été condamné par jugement du tribunal correctionnel du Luxembourg en date du 7 mai 2003 à une amende de 750,- € sur base de l’ancienne version de l’article 11 de la loi de 1955 pour des faits qui se sont déroulés en date du 15 novembre 2002, c’est-à-dire postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 2 août 2002, modifiant ledit article 11, et que cette condamnation est devenue irrévocable.

Ledit article 2bis, paragraphe 2, alinéa 4 exige cependant, pour une réduction du nombre de points affectés au permis de conduire, non seulement une condamnation judiciaire devenue irrévocable, mais encore que cette condamnation judiciaire soit prononcée pour une des 19 infractions énumérées à l’article 2bis, paragraphe 2, alinéa 1er de la loi de 1955.

Or, il résulte du jugement précité du tribunal correctionnel du 7 mai 2003 que Madame … a été condamnée sur base de l’ancienne version de l’article 11 de la loi de 1955, qui consacre une infraction dont les éléments constitutifs sont différents de ceux prévus par la version actuelle dudit article 11, et non visée par l’article 2bis, paragraphe 2, alinéa 1er de ladite législation. En effet, dorénavant ledit article 2bis, paragraphe 2, alinéa 1er, sub. 6 vise uniquement le propriétaire ou détenteur d’un véhicule surchargé qui a toléré la mise en circulation de ce véhicule et non plus le propriétaire responsable pénalement par le seul fait de la constatation du délit de surcharge du véhicule.

Il échet partant de retenir que le ministre des Transports, dans les décisions attaquées, a procédé à une réduction du nombre de points du permis de Madame … pour une infraction non visée à l’article 2bis, paragraphe 2 de la loi de 1955, de sorte que sa décision encourt l’annulation pour violation de la loi, l’examen des autres moyens soulevés devenant surabondant.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant, annule les décisions attaquées du ministre des Transports des 4 juillet et 20 octobre 2003 portant retrait dans le chef de Madame … de 4 points du capital dont est doté son permis de conduire ;

renvoie le dossier en prosécution de cause devant le ministre des Transports ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Ravarani, président, M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 14 juin 2004 par le président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17484
Date de la décision : 14/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-14;17484 ?

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