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14/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17242

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 juin 2004, 17242


Tribunal administratif N° 17242 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 décembre 2003 Audience publique du 14 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, … (France) contre deux décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17242 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 décembre 2003 par Maître Victor GILLEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, deme

urant à F-… , tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du...

Tribunal administratif N° 17242 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 décembre 2003 Audience publique du 14 juin 2004 Recours formé par Monsieur …, … (France) contre deux décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17242 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 décembre 2003 par Maître Victor GILLEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à F-… , tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 7 juillet 2003 refusant l’autorisation d’établissement à la société … S.A., pour l’exécution de travaux administratifs, de stockage et le colisage pour compte de tiers et de celle confirmative du 29 août 2003 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2004 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Victor Gillen déposé au greffe du tribunal administratif le 31 mars 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, Maître Victor GILLEN ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 mai 2004.

Vu la rupture du délibéré prononcée par le tribunal administratif le 17 mai 2004 afin de permettre aux parties de prendre position par rapport à la recevabilité du recours introduit ;

Vu les pièces supplémentaires versées en cause ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, Maître Victor GILLEN ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juin 2004.

Le 4 décembre 2001, Monsieur … sollicita l’autorisation d’établissement pour l’exécution de travaux administratifs, de stockage et le colisage pour compte de tiers au nom de la société .. S.A., avec siège social à L-… auprès du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après désigné par « le ministre ».

Le 8 mai 2003, la commission prévue à l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après dénommée « la loi d’établissement », émit un avis défavorable suite à la demande présentée par Monsieur ….

Par une décision du 7 juillet 2003, le ministre refusa de faire droit à cette demande dans les termes suivants :

« Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entretemps l’objet de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Il en résulte que le gérant Monsieur … ne remplit pas la condition de qualification professionnelle requise pour la prestation de services administratifs à l’exclusion de toutes activités rentrant dans les professions d’expert-comptable et de conseil économique(…) ».

Le 17 juillet 2003, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par une décision du 29 août 2003, pris sur avis défavorable du 18 août 2003 de la commission prévue à l’article 2 de la loi d’établissement, le ministre confirma sa décision de refus antérieure en rappelant que « Monsieur … n’a pas accompli de stage dans le champ d’activité envisagé ».

Le 5 décembre 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus des 7 juillet et 29 août 2003.

Le tribunal administratif est compétent pour analyser le recours introduit, d’autant plus que l’article 2, alinéa 6 de la loi d’établissement précise que le tribunal administratif statue comme juge d’annulation en matière d’autorisations d’établissement.

Etant donné qu’il appert des pièces complémentaires versées par Monsieur …, que la décision confirmative du 29 août 2003 a seulement été postée en date du 8 septembre 2003, l’enveloppe contenant la décision litigieuse portant le cachet postal renseignant la date du 8 septembre 2003, le recours en annulation déposé le 5 décembre 2003 est pour le surplus recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai de la loi.

Monsieur … fait valoir que l’autorisation sollicitée pour l’activité de prestation de service bureautique ne rentrerait dans aucune catégorie prévue par l’article 1er de la loi d’établissement, de sorte que le ministre ne serait pas compétent en la matière.

L’article 1er de la loi d’établissement dispose : « Nul ne peut, à titre principal ou accessoire, exercer l’activité d’industriel, de commerçant ou d’artisan, …sans autorisation écrite.

L’autorisation est établie par le ministre ayant dans ses attributions l’établissement, à moins qu’il n’en soit disposé autrement par la loi.

Elle est obligatoire tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales, quelle que soit leur nationalité… » Dans la mesure où l’autorisation est sollicitée pour le compte de la société … S.A., c’est-à-dire pour le compte d’une société commerciale, laquelle en application de l’article 1er de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales fait des actes de commerce, l’activité de prestation de service bureautique est à qualifier d’activité commerciale et rentre dès lors dans le champ d’application de la loi d’établissement.

C’est dès lors à bon droit que Monsieur … a introduit une demande d’autorisation pour le compte de la société … S.A. et c’est dès lors également à bon droit que le ministre a analysé la demande et rendu sa décision y relative en application de la loi d’établissement.

Aux termes de l’article 3 de la loi d’établissement, « l’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelles… S’il s’agit d’une société, les dirigeants devront satisfaire aux conditions imposées aux particuliers. Il suffit que les conditions de qualification professionnelle soient remplies par le chef d’entreprise ou par la personne chargée de la gestion ou de la direction de l’entreprise ».

En l’espèce, il est constant que Monsieur …, en tant qu’administrateur délégué de la société … S.A., doit satisfaire aux conditions de qualification professionnelle.

Il est également constant que Monsieur … n’est pas détenteur d’un CATP en conformité avec la législation luxembourgeoise ou d’un diplôme pour le moins équivalent, de sorte qu’il doit remplir « les conditions de stage d’une durée de trois ans ou plus dans la branche… », tel qu’exigé par l’article 7, alinéa 2, troisième tiret de la loi d’établissement pour répondre à la condition de la qualification professionnelle.

Les parties sont en accord quant à l’application de cette disposition. Cependant le demandeur estime avoir rempli la condition de stage, tandis que la partie publique estime que Monsieur … ne satisfait pas à la condition de stage, d’un double point de vue relatif à la durée et au contenu.

Dans le cadre d’un recours en annulation, il appartient au juge administratif d’examiner, d’après les pièces et éléments du dossier, l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée et de vérifier si ces faits sont de nature à justifier légalement la décision.

Monsieur … verse à titre de preuve de sa qualification professionnelle deux pièces.

En premier lieu, il verse un certificat d’affiliation du Centre commun de la sécurité sociale de Luxembourg renseignant qu’il était occupé entre 1999 et 2002 pendant 32 mois auprès de la société B. S.A. laquelle a comme objet social le commerce de gros d’articles d’hygiène et de produits alimentaires.

En deuxième lieu, il verse, au moment de l’introduction de son recours introductif d’instance, une attestation délivrée le 24 octobre 2003 par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris renseignant que Monsieur … a exercé en qualité de commercial, de février 1989 jusqu’en octobre 1999, une activité dans le domaine du commerce et de la vente dans une société de diffusion de compléments nutritionnels.

Dans la mesure où dans le cadre du contrôle de la légalité, le tribunal doit également tenir compte des faits non communiqués expressément à l’administration mais ayant existé au moment où celle-ci a pris la décision incriminée1, il y a lieu de tenir compte de l’activité professionnelle de Monsieur …, attestée par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, et remontant avant celle accomplie au Luxembourg.

Au vu des pièces versées en cause, il est établi que Monsieur … a exercé pendant 13 ans une activité professionnelle dans le secteur commercial, c’est-à-dire supérieure à la durée de stage exigée de trois ans, de sorte que le moyen avancé par le délégué du Gouvernement que la durée du stage serait de toute façon insuffisante laisse d’être fondé.

La partie défenderesse fait encore valoir que l’activité auprès d’une société disposant d’une autorisation de faire le commerce de produits alimentaires et de commerce de gros d’articles d’hygiène serait une activité sans rapport avec l’activité envisagée de prestation de service, de sorte qu’elle ne saurait être prise en compte.

Aux termes de l’article 7, alinéa 2, troisième tiret de la loi d’établissement, disposition applicable en l’espèce, le postulant, afin de répondre aux critères de la qualification professionnelle, doit « avoir rempli les conditions de stage d’une durée de trois ans au plus dans la branche et dont les conditions particulières sont fixées par règlement grand-ducal ».

Le règlement grand-ducal modifié du 12 avril 1963, encore en vigueur, fixant les conditions de qualification professionnelle visées à l’article 7 de la loi du 2 juin 1962 déterminant les conditions d’accès et d’exercice de certaines professions ainsi que celles de la constitution et de la gestion d’entreprises, précise le contenu du stage.

L’article 2 de ce règlement grand-ducal dispose que « la commission administrative … pourra certifier que le postulant démuni de tout diplôme, remplit les conditions de qualification professionnelle, s’il justifie d’un stage de trois ans dans un établissement de commerce de gros ou dans une entreprise de commerce de détail de la branche pour laquelle l’autorisation est sollicitée ».

L’article 7 du même règlement grand-ducal dispose que « par stage au sens des dispositions qui précèdent il faut entendre une occupation en vue de l’acquisition des connaissances professionnelles requises ou une activité de direction dans une entreprise de la branche dans laquelle le postulant envisage de s’établir ».

Il est constant que Monsieur … demande actuellement l’autorisation pour le compte d’une société dont l’objet social consiste dans l’exécution de travaux administratifs, de stockage et le colisage pour compte de tiers.

1 Cf TA 12 décembre 2002, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 14, p. 585 Il s’agit en l’espèce d’une activité de prestation de services et non pas d’une activité de commerce comprenant le commerce de détail et le commerce de gros (Einzelhandel und Grosshandel).

En l’absence de dispositions spécifiques concernant l’activité de prestation de services tel que visé en l’espèce, les dispositions concernant le commerce de détail et de gros peuvent être appliqués par analogie, de sorte qu’il y a lieu de vérifier si Monsieur … justifie d’un stage de 3 ans dans un établissement dont l’activité est comparable à celle pour lequel l’autorisation est sollicitée.

Monsieur … affirme avoir exécuté, pendant plus de 2 ans, en tant que directeur commercial, pour le compte de la société B. S.A. notamment les travaux suivants :

- travaux administratifs, de stockage et de colisage, - consulting marketing direct, - listbroker en Europe et aux Etats-Unis, - création et rédaction publicitaire, - achat d’espaces, - saisie de commandes, - import et export de marchandises.

Pour le surplus il a entre autres revêtu de façon documentée la qualité de chef de secteur pendant presque 7 ans dans une société de diffusion de compléments nutritionnels.

Au vu de cette expérience professionnelle exercée dans un contexte comparable et largement supérieure à trois ans, laquelle n’est en tant que telle pas contestée par la partie défenderesse, il y a lieu de considérer que Monsieur … a rempli les conditions de stage d’une durée de trois ans dans une entreprise de la branche dans laquelle il envisage de s’établir.

Il en résulte que c’est à tort que les décisions litigieuses retiennent que Monsieur … ne remplit pas la condition de qualification professionnelle, de sorte qu’elles encourent l’annulation pour erreur manifeste d’appréciation des faits.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable en la forme ;

au fond le déclare justifié ;

annule les décisions déférées et renvoie le dossier en prosécution de cause devant le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juin 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17242
Date de la décision : 14/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-14;17242 ?

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