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11/06/2004 | LUXEMBOURG | N°18140

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 juin 2004, 18140


Tribunal administratif No 18140 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juin 2004 Audience publique du 11 juin 2004 Requête en sursis à exécution introduite par la société à responsabilité limitée … … … … … … … … … … … , … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 18140 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er juin 2004 par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour

, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … …...

Tribunal administratif No 18140 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juin 2004 Audience publique du 11 juin 2004 Requête en sursis à exécution introduite par la société à responsabilité limitée … … … … … … … … … … … , … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation d’établissement

ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 18140 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er juin 2004 par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … … … … … … … … … … … , établie et ayant son siège social à L-

… , … … , représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à conférer un effet suspensif au recours en réformation, sinon en annulation introduit le même jour, portant le numéro 18141 du rôle, dirigé contre la décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 17 mai 2004 portant « révocation » de l’autorisation numéro … délivrée en date du 10 février 2003 et invitation à la demanderesse à remettre l’autorisation en question dans les meilleurs délais aux services du ministère ;

Vu la note de plaidoiries du délégué du Gouvernement déposée à l’audience du 7 juin 2004 ;

Vu les pièces versées et notamment la décision ministérielle critiquée ;

Ouï Maître Yves WAGENER, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 juin 2004 ;

Considérant que par décision du 16 décembre 2003 le ministre des Transports a déclaré aux mandataires de la société à responsabilité limitée … … … … … … … … … … … , désignée ci-après par « la société … » en se référant à la procédure retenue par le règlement grand-ducal du 15 mars 1993, portant exécution et sanction du règlement communautaire (CEE) n° 881/92 du Conseil des communautés européennes du 26 mars 1992 concernant l’accès au marché des transports par route dans la Communauté, exécutés au départ ou à destination du territoire d’un Etat membre ou traversant le territoire d’un ou de plusieurs Etats membres, il était amené à lui « retirer » la licence communautaire numéro … ainsi désignée avec effet au 29 février 2004 ;

Que le ministre de spécifier que cette décision était prise suite aux rapports de l’Administration des douanes et accises établis respectivement en dates des 6 mai 2002 et 17 juillet 2003 et suite à la comparution des représentants de la société … devant la Commission des transports internationaux de marchandises par route en date du 3 septembre 2003 ;

Que la décision est basée sur le défaut d’existence d’un établissement dans le chef de la société … , tel que requis par la loi du 30 juillet 2002 concernant l’établissement de transporteur de voyageurs et de transporteur de marchandises par route et portant transposition de la directive 98/76/CE du Conseil du 1er octobre 1998 ;

Que la même décision conclut que le mandataire de la société … est prié à inviter sa mandante « à remettre l’original de la licence n° … et les copies conformes lui délivrées pour l’année 2004 pour le 29 février 2004 au ministère des Transports » ;

Considérant que c’est contre cette décision que la société … a fait introduire en date du 5 février 2004 un recours inscrit sous le numéro 17550 du rôle tendant à sa réformation, sinon à son annulation ;

Que parallèlement, le même jour, la même société … a fait introduire une requête inscrite sous le numéro 17549 du rôle et tendant à conférer un effet suspensif au recours au fond prédit ;

Que cette dernière requête a été déclarée recevable et justifiée par ordonnance présidentielle du 16 février 2004 ordonnant la suspension de la décision du ministre des Transports du 16 décembre 2003 déférée à travers le recours au fond inscrit sous le numéro 17550 du rôle jusqu’à ce que le tribunal ait statué au fond sur son mérite ;

Que le recours au fond en question est actuellement pendant devant le tribunal pour s’y trouver en voie d’instruction ;

Considérant que sur un itératif contrôle de la part des agents de l’administration des douanes et accises du 10 mars 2004, la commission consultative ministérielle a examiné le dossier de la société … en date du 8 avril 2004 et proposa d’entamer une procédure de révocation de l’autorisation d’établissement pour défaut d’établissement tel que légalement requis ;

Que par courrier du 9 avril 2004 le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, désigné ci-après par « le ministre », se ralliant à l’avis de l’organe consultatif prémentionné, se proposa de révoquer l’autorisation d’établissement de la société … pour défaut d’établissement, tout en lui octroyant un délai de huit jours en vue de lui permettre de faire valoir ses arguments, conformément aux dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes ;

Que par courrier de son mandataire du 23 avril 2004 la société … demanda copie du rapport dressé par l’administration des douanes et accises suite à son contrôle prémentionné du 10 mars 2004, tout en critiquant le caractère bref du délai lui imparti pour réagir ;

Que par courrier du 28 avril 2004, le ministre a fourni à la société … le rapport en question, tout en lui accordant un nouveau délai de huit jours aux fins de prendre position ;

Que par courrier de son mandataire du 6 mai 2004 la société … a demandé à être entendue en personne ;

Qu’une entrevue s’est tenue à la date du 11 mai 2004 à laquelle participaient des représentants du ministère des Classes moyennes, ainsi que de la société … ;

Que par courrier de son mandataire du 13 mai 2004 la société … a fourni par écrit les explications orales déployées en son nom lors de l’entrevue du 11 mai précédent ;

Que par décision du 17 mai 2004, le ministre révoqua l’autorisation numéro … délivrée en date du 10 février 2003 à la société … en raison de l’absence d’un établissement tel qu’exigé par les dispositions de l’article premier et défini à l’article 2 de la loi du 30 juillet 2002 précitée, prise en application de l’article 5 (2) de la même loi, tout en l’invitant à remettre l’autorisation en question dans les meilleurs délais aux services du ministère ;

Considérant que c’est contre cette décision ministérielle que la société … a fait introduire en date du 1er juin 2004 un recours inscrit sous le numéro 18141 du rôle et tendant à sa réformation, sinon à son annulation ;

Que parallèlement, le même jour, la même société … a fait introduire une requête inscrite sous le numéro 18140 du rôle et tendant à conférer un effet suspensif au recours au fond prédit ;

Considérant qu’en vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision critiquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, des moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux ;

Que le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance ;

Considérant qu’il est constant que l’affaire n’est pas susceptible d’être toisée dans un avenir très rapproché, compte tenu des délais légaux d’instruction actuellement en cours ;

Considérant que le délégué du Gouvernement fait valoir en premier lieu que « le recours laisse d’être fondé, la requérante n’apportant aucun élément concernant la décision ministérielle critiquée du 17 mai 2004 révoquant son autorisation d’établissement pour l’activité de transporteur de marchandises par route.

La requérante se réfère ainsi exclusivement et erronément aux développements de l’affaire l’ayant opposée au ministre des Transports suite au retrait de ses licences communautaires » ;

Considérant qu’il résulte de la lecture même du recours au fond inscrit sous le numéro 18141 du rôle que la requête le véhiculant se rapporte directement aux éléments se trouvant immédiatement à la base de la décision ministérielle actuellement critiquée du 17 mai 2004 ;

Que s’il est vrai d’un autre côté que dans le corps de sa requête en effet suspensif sous analyse, la société … a repris, par simple transposition, des éléments ayant uniquement trait à l’affaire précédente concernant les licences communautaires, il n’en reste cependant pas moins qu’à travers son dispositif elle sollicite avec précision le sursis à l’exécution de la décision du 14 mai 2004 émanant du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement ;

Considérant que l’analyse de la vérification des conditions d’application du sursis à exécution prévues par l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, porte notamment sur l’apparence sérieuse des moyens invoqués à l’appui du recours au fond ;

Que dès lors la requête en effet suspensif, en ce qu’elle sollicite le sursis à l’exécution de la décision déférée au fond, s’appuie directement sur les moyens invoqués au fond, sans que ceux-ci n’aient autrement dû être repris à travers la requête au provisoire ;

Que dès lors encore que la simple transposition d’éléments ayant trait à une autre affaire, non directement en rapport avec le recours au fond à la base de la requête provisoire sous analyse, soit de nature à brouiller la lisibilité des actes de procédure en question, aucune irrecevabilité ne s’en dégage, ni par ailleurs aucun mal-fondé, étant donné que pour le surplus aucune lésion des droits de la défense ne se trouve être vérifiée, ni même alléguée de la part de la partie publique ;

Considérant que pour le surplus la requête en effet suspensif, est recevable pour avoir été déposée suivant les formes et délai prévus par la loi, le recours au fond étant pendant parallèlement ;

Considérant que le représentant étatique de reprocher à la société … de se borner à prétexter un dommage grave et définitif, dommage dont elle serait pourtant elle-même responsable pour n’avoir procédé aux changements qui s’imposaient, cela en dépit de plusieurs contrôles effectués à son siège et de son affaire devant le tribunal administratif suite à la décision du ministre des Transports de retirer ses licences communautaires ;

Que dès lors la requérante ne saurait valablement s’appuyer sur un dommage qu’elle aurait exclusivement engendré par négligence, incurie ou mauvaise volonté ;

Considérant que dans le cadre de la mesure provisoire sollicitée par la société … face à la décision de retrait du ministre des Transports concernant les licences communautaires, le délégué du Gouvernement d’avoir déclaré et ne pas pouvoir contester raisonnablement les effets engendrés par la décision alors déférée concernant le préjudice grave et définitif allégué ;

Considérant qu’il est constant que l’autorisation d’établissement retirée à travers la décision déférée au fond du 17 mai 2004 se trouve à la base des activités de transporteur de la société … et dès lors également de celles couvertes ou à couvrir par licence communautaire ;

Que si dès lors dans le chef de la même société un préjudice grave et définitif a pu être retenu, il y a moins de quatre mois, pour le retrait d’une licence ayant trait à une activité dérivée, la même conclusion est appelée à s’imposer a fortiori concernant le retrait de l’autorisation d’établissement pour ses activités de base, ceci compte tenu du caractère évolutif du dossier – la société en question ayant fait des efforts vérifiés en vue de remplir les exigences posées par la partie publique, - étant constant en cause que la consistance même d’un établissement stable telle que ce dégageant de la définition précisée par les dispositions récentes de la loi du 30 juillet 2002 reste litigieuse entre parties ;

Considérant qu’au titre des moyens au fond, la société … conclut à la nullité de la décision ministérielle déférée pour violation des dispositions de l’article 10 ainsi désigné du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, en ce que ses droits légitimes de faire valoir sa position auraient été violés dans la mesure où les délais lui impartis auraient été insuffisants ;

Qu’elle critique par la suite à la fois le contenu même des exigences posées par la partie publique concernant l’établissement visé par la loi précitée du 30 juillet 2002, tout en invoquant un jugement du tribunal correctionnel du 7 juin 2001 aux termes duquel l’existence même de pareil établissement aurait été retenue dans son chef ;

Qu’enfin, elle reproche au ministre d’effectuer un amalgame entre l’obligation d’un siège effectif portée à son encontre et de certains manquements prétendus ayant trait aux législations sociale et fiscale par ailleurs ;

Qu’elle renvoie au courrier de son mandataire du 13 mai 2004 visant à rappeler le dernier état de sa prise de position ;

Qu’en résumé, tel qu’étayé en termes de plaidoiries, la société … de conclure au fond au caractère disproportionné de la mesure de retrait opérée à son encontre concernant son autorisation d’établissement face aux griefs lui reprochés, et compte tenu du caractère évolutif de l’affaire en question ainsi que des efforts par elle déployés pour autant que de besoin ;

Que le délégué du Gouvernement de faire valoir qu’il résulterait à travers l’ensemble des éléments d’ores et déjà acquis au dossier que la société … n’aurait point répondu, à la date de la prise de la décision déférée au fond, aux exigences posées par la loi concernant son établissement stable au Grand-Duché de Luxembourg, compte tenu notamment des précisions apportées à ce sujet à travers des jugements récents de ce tribunal ;

Considérant qu’il y a lieu de souligner que le juge du provisoire appelé à apprécier le sérieux des moyens invoqués ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond ;

Qu’il doit dès lors se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés et accorder le sursis lorsqu’ils apparaissent, en l’état de l’instruction du dossier, de nature à entraîner l’annulation à la réformation de la décision critiquée ;

Considérant que même si des jugements récents du tribunal, dont l’un vient d’être confirmé par la Cour administrative, sont venus préciser certains aspects de la définition d’établissement stable portés par la loi du 30 juillet 2002 précitée, il n’en reste pas moins qu’au stade actuel de l’instruction de l’affaire, au vu des contestations et divergences d’argumentaire proposées au fond par les parties concernant les griefs retenus par le ministre, le juge du provisoire sortirait de son champ d’attribution et se trouverait, à tort, dans le rôle du juge du fond, s’il épuisait les moyens proposés par rapport à la jurisprudence en voie de fixation, ce d’autant plus que la question d’une erreur manifeste d’appréciation est posée, ne fût-ce qu’en filigrane, à travers les éléments de moyens d’ores et déjà proposés, étant constant que le ministre a eu recours en l’espèce à une mesure très contraignante, sinon la plus contraignante prévue en la matière – le retrait de l’autorisation d’établissement – de sorte qu’une question de proportionnalité de la mesure est ainsi encore soulevée à partir des moyens proposés ;

Qu’étant patent qu’au-delà de la question de savoir si l’établissement de la société … au Grand-Duché de Luxembourg correspond effectivement aux exigences posées par la loi précitée du 30 juillet 2002, il est acquis que celui-ci dépasse de loin les simples structures de boîte aux lettres que ladite loi a justement pour objectif de faire disparaître, et que l’exécution immédiate de la mesure arrêtée à travers la décision déférée au fond équivaudrait à la disparition d’une entreprise au Luxembourg y employant pour le moins trois salariés y travaillant, et que compte tenu des efforts vérifiés de la société … en vue d’atteindre les exigences posées par la partie publique, la question de la proportionnalité de la mesure actuellement critiquée reste entière au fond, sans qu’elle puisse être d’ores et déjà toisée par le juge du provisoire comme n’étant pas manifestement acquise en cause ;

Que de la sorte les moyens proposés apparaissent comme étant suffisamment sérieux en vue d’engendrer la mesure provisoire sollicitée par la société … ;

Considérant que si l’effet suspensif à prononcer ne constitue qu’une mesure provisoire, il n’est pas moins vrai que ce provisoire n’est pas destiné à perdurer en ce qu’il est loisible à la partie y intéressée à accélérer l’instruction du dossier, sinon même à solliciter une abréviation des délais afin de voir provoquer, ainsi une décision au fond de la part du tribunal dans les délais les plus rapprochés ;

Par ces motifs, le soussigné, premier vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président légitimement empêché, statuant contradictoirement et en audience publique ;

reçoit la requête en sursis à exécution en la forme ;

au fond la dit justifiée ;

partant ordonne la suspension de la décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 17 mai 2004 déférée à travers le recours au fond inscrit sous le numéro 18141 du rôle jusqu’à ce que le tribunal ait statué au fond sur son mérite ;

réserve les frais ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 juin 2004 par :

Monsieur Delaporte, premier vice-président du tribunal administratif, en présence de Monsieur Rassel, greffier.

Rassel Delaporte 7


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18140
Date de la décision : 11/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-11;18140 ?

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