La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2004 | LUXEMBOURG | N°17517

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juin 2004, 17517


Tribunal administratif N° 17517 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2004 Audience publique du 9 juin 2004

===============================

Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17517 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2004 par Maître Louis TINTI, a

vocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeur...

Tribunal administratif N° 17517 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 janvier 2004 Audience publique du 9 juin 2004

===============================

Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17517 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant actuellement à L-

8245 Mamer, 1a, rue de la Libération, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 24 octobre 2003, par laquelle la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur de son fils … a été refusée ;

Vu la lettre du délégué du gouvernement déposée en date 18 mai 2004 au greffe du tribunal administratif informant le tribunal de ce que le dossier administratif serait introuvable ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Vu les pièces complémentaires versées au cours du délibéré ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, en ses plaidoiries.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Faisant suite à une demande en obtention d’une autorisation de séjour en faveur de son fils mineur …, né le 15 novembre 1985, introduite par Madame … auprès de l’ambassade du Grand-Duché de Luxembourg à Beijing en date du 8 mai 2002, le ministre de la Justice, par courrier du 30 mai 2002, réclama « avant tout autre progrès » les preuves que Madame … disposerait d’un logement adéquat pour héberger son fils et de moyens financiers suffisants pour supporter les frais de séjour de son fils au pays et que les autorités chinoises autoriseraient son fils à quitter la Chine et à résider avec sa mère au Luxembourg.

Par courrier du 3 février 2003, le ministre de la Justice refusa d’octroyer l’autorisation de séjour sollicitée par Madame … en faveur de son fils …, au motif que « l’autorisation de séjour ne saurait être accordée alors que vous ne pouvez pas fournir la preuve de la part des autorités chinoises que l’enfant est autorisé à quitter le territoire de la République populaire de Chine et à résider avec vous au Luxembourg, ainsi que sa traduction certifiée conforme par un traducteur assermenté au Luxembourg ».

Madame … communiqua alors au ministre de la Justice un document prétendument établi par le Département de l’administration de la frontière, attaché au ministère de la sécurité publique de la République populaire de Chine, certifié conforme par acte notarié, d’après lequel l’enfant … serait autorisé à quitter le pays pour aller résider avec sa mère.

Par lettre du 24 octobre 2003, le ministre de la Justice refusa par une nouvelle décision et après réexamen du dossier, l’octroi de l’autorisation de séjour sollicitée, au motif que « l’acte notarié qui « atteste l’installation à l’étranger » de l’intéressé fait par le Département de l’administration de la frontière attaché au ministère de la sécurité publique de la République populaire de Chine ne peut pas être pris en considération pour l’obtention d’une autorisation de séjour.

Pour le surplus, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée, conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers, à la possession de moyens personnels suffisants permettant à l’étranger d’assurer son séjour au Grand-Duché indépendamment de l’aide ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir ».

Par requête déposée en date du 26 janvier 2004, Madame … a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 24 octobre 2003.

L’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, quoique valablement informé par une notification par voie du greffe du dépôt de la requête introductive d’instance de la demanderesse, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse.

En l’absence de disposition légale instaurant un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de la décision litigieuse.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, Madame … conclut à l’annulation de la décision ministérielle déférée pour violation de la loi, sinon pour erreur manifeste d’appréciation. Elle fait valoir que l’attitude de l’administration aurait été « paradoxale », en ce qu’elle aurait d’abord exigé la production d’une preuve que la demanderesse disposerait de moyens personnels suffisants pour permettre le séjour de son fils au Grand-Duché de Luxembourg, pour ensuite refuser l’autorisation de séjour, notamment au motif que l’enfant ne disposerait pas de moyens personnels suffisants.

Elle reproche au ministre d’avoir violé le principe de confiance légitime pour ne pas avoir déjà soulevé ce motif de l’absence de revenus personnels dans le chef de l’enfant dans sa lettre du 30 mai 2002, ce qui aurait évité à Madame … de faire par la suite des démarches qui se sont révélées inutiles. Elle fait encore valoir l’absence de motivation respectivement la motivation insuffisante de la décision attaquée en ce que le ministre de la Justice aurait rejeté le document attestant l’autorisation de la part des autorités chinoises en faveur de … de quitter le territoire chinois, sans même indiquer les motifs de ce rejet. Enfin, la demanderesse soutient que la décision de refus serait contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où elle constituerait une ingérence injustifiée de l’autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale et qu’elle empêcherait la demanderesse de respecter ses devoirs d’éducation et d’entretien, vu la distance géographique qui la séparerait de son fils. Dans ce contexte, la demanderesse estime que la décision ministérielle ne répondrait pas au critère de proportionnalité à appliquer en la matière, consistant à ménager un juste équilibre entre les considérations d’ordre public qui sous-tendent la réglementation de l’immigration et celles de la protection de la vie familiale. Lors de l’audience fixée pour les plaidoiries, elle fait encore exposer que la décision ministérielle attaquée serait contraire au principe de non-séparation des enfants de leurs parents, tel qu’inscrit aux articles 3 et 9 de la Convention relative aux droits de l’enfant de New York du 20 novembre 1989.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif peut vérifier les faits formant la base d’une décision administrative qui lui est soumise et examiner si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis (cf.

trib. adm. 7 décembre 1998, n° 10807, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 10).

En l’espèce, en l’absence d’une prise de position de l’administration produite dans le délai légal et faute par elle d’avoir produit le dossier administratif, tel qu’exigé par l’article 8 (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999, précitée, le tribunal n’est pas en mesure de vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l’appui de la décision ministérielle du 24 octobre 2003 face aux affirmations de la demanderesse, de vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure administrative prise à l’égard de la demanderesse est valablement justifiée et proportionnée au regard des dispositions légalement applicables.

Il suit des considérations qui précèdent relativement à l’impossibilité de la juridiction saisie d’exercer son contrôle sur les éléments de fait et de droit que la décision ministérielle du 24 octobre 2003 encourt l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant annule la décision ministérielle du 24 octobre 2003 refusant de faire droit à la demande en obtention d’une autorisation de séjour en faveur de Monsieur … ;

renvoie le dossier devant le ministre de la Justice ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 9 juin 2004 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17517
Date de la décision : 09/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-09;17517 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award