La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2004 | LUXEMBOURG | N°11415a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juin 2004, 11415a


Tribunal administratif N° 11415a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 1999 Audience publique du 9 juin 2004

==============================

Recours formé par la société XY s.à r.l., C.

contre 1) une délibération du conseil communal de C., 2) un arrêté du ministre de l’Environnement et 3) une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 11

415C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 27 juillet 1999 par Maître André HARPES,...

Tribunal administratif N° 11415a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 1999 Audience publique du 9 juin 2004

==============================

Recours formé par la société XY s.à r.l., C.

contre 1) une délibération du conseil communal de C., 2) un arrêté du ministre de l’Environnement et 3) une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 11415C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 27 juillet 1999 par Maître André HARPES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée XY s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonction, tendant à l’annulation 1.) de la décision du ministre de l’Intérieur du 2 avril 1999 approuvant la décision du conseil communal de C. du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du plan d’aménagement général, parties graphique et écrite, et refusant de faire droit à la réclamation présentée pour le compte de Madame … et portant sur un terrain sis à C., section D de …, et y référencé sous le numéro 32, 2.) de la prédite délibération du conseil communal de C. du 29 janvier 1997, ainsi que 3.) d’un arrêté du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998, approuvant ladite délibération du conseil communal de C. ;

Vu le jugement du 13 octobre 2003 déclarant le recours irrecevable pour autant qu’il est dirigé, d’une part, contre la décision du ministre de l’Intérieur du 2 avril 1999 approuvant la décision du conseil communal de C. du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du plan d’aménagement général et, d’autre part, contre ladite décision du conseil communal de C. du 29 janvier 1997 et le déclarant non fondé pour le surplus ;

Vu l’arrêt de la Cour administrative du 1er avril 2004 (n° 17189C du rôle) déclarant l’appel fondé et, par réformation du jugement du 13 octobre 2003, disant le recours introduit par requête du 27 juillet 1999 recevable et renvoyant ledit recours devant le tribunal administratif pour être statué sur le fond ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Zineb BENKIRANE, en remplacement de Maître André HARPES, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

-------------------------------------------------------------------------------------------------------

Suite aux inondations du début des années 1990, le Gouvernement en conseil décida en date du 27 mai 1994 d’arrêter un plan partiel « zones inondables et zones de rétention » pour l’ensemble du pays sur base de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire.

A la suite de cette initiative, le conseil communal de C. décida le 20 juillet 1994 de procéder à une mise à jour des parties graphique et écrite du plan d’aménagement général de la commune de C., ci-après dénommé « le PAG ».

Après avis du 21 juillet 1995 de la commission d’aménagement instituée auprès du ministère de l’Intérieur, le conseil communal de C., par délibération du 28 juillet 1995, statuant avec 6 voix pour et 4 voix contre, décida d’approuver provisoirement les parties graphique et écrite du nouveau PAG.

Par courrier recommandé du 15 septembre 1995, Madame …, par l’intermédiaire du notaire Frank BADEN, réclama contre le reclassement hors périmètre de son terrain, sis à …, inscrit au cadastre de la Commune de C., section D de …, sous le numéro 32, reclassement qui constituerait un grave préjudice « du fait d’une dévaluation non négligeable du terrain en question ».

Suivant acte de vente publique immobilière du 14 mai 1996 par l’intermédiaire du notaire Frank BADEN, Madame … vendit ledit terrain à la société à responsabilité limitée XY s.à r.l., ci-après dénommée « la société XY ».

Le 29 janvier 1997, le conseil communal de C., statuant dans le cadre des réclamations introduites contre la décision précitée du 28 juillet 1995, décida avec 6 pour et une voix contre de refuser la réclamation du 15 septembre 1995 introduite par le notaire, Maître Frank BADEN, pour compte de Madame ….

A la suite de cette décision, notifiée à Maître Frank BADEN le 2 juin 1997, Maître André HARPES s’adressa par courrier du 12 juin 1997 au ministre de l’Intérieur pour réclamer contre ladite approbation définitive du PAG, lettre de réclamation de la teneur suivante :

« Monsieur le Ministre, Je peux vous informer que la présente fait suite à la réclamation formulée par l’office de Maître Frank BADEN au nom et pour le compte de Mme … en date du 15 septembre 1995 et relative à la reclassification entreprise par le projet de PAG pour le terrain inscrit au cadastre de la commune de C., section D de …, sous le numéro 32.

Cette réclamation n’a pas été retenue par la décision du conseil communal de C. entreprise en date du 29 janvier 1997, notifiée par courrier du 2 juin 1997 et reçue le 3 juin dernier.

Je m’adresse à votre ministère au titre de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations et à titre d’autorité de recours indiquée par l’administration communale de C. dans sa notification.

Le reclassement en « zone hors périmètre » entrepris et maintenu malgré la réclamation du 15 septembre 1995 cause un grave préjudice à la propriétaire du fait de la dévaluation manifeste de son terrain anciennement classifié « zone d’aménagement particulier ».

S’il y a eu reclassement en zone hors périmètre le conseil communal n’en a pas donné de justification objectivement valable.

Il est bien vrai que le terrain se situe en partie en zone inondable, mais telle n’est manifestement pas le cas pour au moins la moitié de cette propriété.

Partant la reclassification de l’intégralité du terrain constitue une atteinte grave et inéquitable aux droits acquis de la propriétaire, atteinte qui est entreprise en absence de toute cause juste pour au moins la partie située en-dehors de la zone d’inondation.

La présente réclamation comporte la demande à ce que la classification du terrain en « zone soumise à un plan d’aménagement particulier » soit maintenue pour au moins la partie qui est manifestement en-dehors de la zone risquant des inondations.

Je me tiens à votre entière disposition et j’espère que la réclamation fondée de ma cliente puisse trouver votre avis favorable ».

Le 8 octobre 1997, le conseil communal de C. décida avec 6 voix pour, 3 voix contre et une abstention de maintenir sa décision du 29 janvier 1997 prise lors du vote définitif.

Dans son avis du 22 octobre 1998, la commission d’aménagement instituée auprès du ministre de l’Intérieur estima qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à la réclamation de Maître André HARPES pour le compte de Madame …, au motif que « le reclassement des fonds en question en zone verte s’impose, alors que la majorité des terrains est située en zone potentielle d’inondation et que les autorités communales n’ont fait qu’assumer leur responsabilité en ce sens ».

Le 20 novembre 1998, le ministre de l’Environnement, statuant sur base des articles 2, 7 et 10 de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, approuva le PAG adopté définitivement le 29 janvier 1997, sous réserve notamment que certaines zones par lui énumérées restent classées en zone verte.

Par décision du 2 avril 1999, le ministre de l’Intérieur, rejetant, entre autres, la réclamation de Maître André HARPES pour compte de Madame …, approuva la délibération du « 29 janvier 1997 du conseil communal de C. portant adoption définitive du projet d’aménagement général, parties graphique et écrite ».

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative en date du 27 juillet 1999, la société XY a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’Intérieur du 2 avril 1999 portant approbation de la délibération du conseil communal de C. du 29 janvier 1997 relative à l’adoption définitive du PAG, de ladite décision du conseil communal de C. du 29 janvier 1997 et de l’arrêté du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998.

Par jugement du 13 octobre 2003, le tribunal s’est déclaré compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre des décisions attaquées. Dans ledit jugement, le tribunal a cependant déclaré le recours irrecevable pour autant qu’il est dirigé, d’une part, contre la décision du ministre de l’Intérieur du 2 avril 1999 approuvant la décision du conseil communal de C. du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du plan d’aménagement général et, d’autre part, contre ladite décision du conseil communal de C. du 29 janvier 1997, au motif que la partie demanderesse aurait omis d’exercer le recours prévu par l’article 9 alinéa 5 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, et non fondé pour autant qu’il est dirigé contre l’arrêté du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998.

Par arrêt du 1er avril 2004, la Cour administrative a déclaré l’appel fondé et, par réformation du jugement du 13 octobre 2003, a dit le recours introduit par requête du 27 juillet 1999 recevable et renvoyé ledit recours devant le tribunal administratif pour être statué sur le fond.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement reproche à la société XY de solliciter l’annulation de la décision du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998, alors que « le recours ne contient aucun reproche concret à l’appui de la demande d’annulation ».

Force est de constater que la requête introductive ne contient effectivement aucun moyen d’annulation directement dirigé à l’encontre dudit arrêté du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998, de sorte que cette demande est à rejeter pour être non fondée.

Concernant la légalité interne des décisions attaquées, la société XY soutient que :

- l’autorité administrative n’aurait pas donné une motivation valable à l’appui de sa décision de reclassement de la totalité de la propriété en question, équivalant à une absence de motivation, étant donné que seulement une partie des terrains se situerait en zone inondable ;

- l’autorité administrative, en classant ledit terrain en zone non constructible, aurait violé le principe de proportionnalité en matière administrative, étant donné qu’elle aurait pu se limiter au reclassement de la seule portion des fonds situés effectivement en zone inondable et que les terrains situés en dehors de la zone inondable auraient pu restés classés en zone constructible en imposant des constructions sur poteaux ou pilotis n’entravant pas la circulation des eaux et évitant tous dégâts aux maisons à construire. La demanderesse estime en effet que le déclassement de son terrain reviendrait à faire supporter, au nom de l’intérêt général, une charge particulière à un seul membre de la collectivité qui, du fait de cette mesure administrative, aurait subi une dépréciation très considérable de son patrimoine, ce qui irait encore à l’encontre d’un des principes fondamentaux en droit administratif, à savoir le principe d’égalité devant les charges publiques ;

- l’administration aurait utilisé la procédure de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire en vue d’imposer des interdictions de construire valant pour la période jusqu’à l’adoption définitive du PAG reprenant ces mêmes interdictions, cette manière de procéder s’analysant à ses yeux en un détournement de procédure devant conduire à l’annulation des décisions déférées.

L’administration communale de C. fait relever dans son mémoire en réponse que le recours est dirigé contre la décision d’approbation du ministre et que ce dernier a le pouvoir d’approuver ou de refuser l’approbation d’une délibération du conseil communal. Elle fait valoir que le pouvoir de tutelle du ministre l’obligerait à vérifier la conformité de la décision de l’autorité communale à la loi et à l’intérêt général.

Elle estime qu’elle n’avait en vue que l’intérêt général consistant à veiller qu’ « un aménagement cohérent et valable soit garanti aux habitants de la commune de C. », et conclut en se rapportant « à la prudence du tribunal administratif quant à la régularité formelle de la décision ministérielle qui ne saurait en aucune façon contrarier la régularité formelle de la décision communale ».

Le délégué du gouvernement fait valoir que les fonds litigieux seraient situés en zone susceptible d’être inondée, ce qui constituerait de manière évidente un argument pour classer lesdits terrains en zone verte à l’extérieur du périmètre d’agglomération. Concernant plus particulièrement la délimitation de la zone inondable fixée par le PAG, le représentant étatique relève que les autorités communales se sont basées sur le plan joint au projet de règlement grand-ducal établi par l’ancien ministère de l’Aménagement du Territoire, déposé à l’inspection du public à la commune de C., avisé par le conseil communal de C. le 20 mars 1995 et soumis à l’avis du Conseil d’Etat par le ministère de l’Aménagement du Territoire le 14 septembre 1998.

Il estime par ailleurs que le principe de proportionnalité qui s’impose en matière administrative n’aurait pas été violé en l’espèce, alors que le classement intervenu revêtirait un caractère réglementaire et serait applicable à tous les administrés se trouvant dans la même situation et concernés par la décision en question. De même, il estime que le principe de l’égalité devant la loi respectivement devant les charges publiques n’aurait pas été violé et que des intérêts purement privés et étrangers à toute considération urbanistique ne pourraient être pris en compte. Dans ce contexte, il relève encore qu’en matière d’urbanisme d’éventuelles conséquences financières incombant à des particuliers devraient céder le pas à des considérations prises dans l’intérêt général afin de garantir la planification d’un urbanisme conçu selon les règles de l’art.

Finalement, le représentant étatique estime que le reproche d’un détournement de procédure ne serait pas fondé, étant donné que les législations régissant l’aménagement général du territoire et visant l’aménagement des communes seraient complémentaires, ce qui serait encore démontré par le fait que c’est uniquement le PAG qui a repris les zones inondables et non pas le règlement grand-ducal du 18 décembre 1998 intervenu à la suite du projet de règlement grand-ducal déclarant obligatoire la première partie du plan d’aménagement partiel « zones inondables et zones de rétention », précité.

Dans ses mémoires en réplique et supplémentaire, la société XY souligne à nouveau qu’il y aurait eu violation de la loi pour absence de motifs, le conseil communal de C. n’ayant pas indiqué de motifs concernant la nécessité de procéder au reclassement du terrain lui appartenant, alors que la décision du 29 janvier 1997 énoncerait seulement des motifs valant pour l’ensemble des terrains ayant été reclassés. Elle insiste encore une fois que les pièces invoquées par l’administration ne prouveraient pas indubitablement que le terrain litigieux était réellement couvert d’eau lors des inondations de janvier 1993 ou de décembre 1993 et estime pour le surplus que l’administration n’aurait en l’espèce pas envisagé d’opérer une conciliation entre les intérêts privés et l’intérêt public en faisant analyser notamment la possibilité de constructions sur pilotis ou le recours à d’autres moyens techniques.

Dans ce contexte, la demanderesse se base encore sur un relevé réalisé par le bureau d’études SCHROEDER & ASSOCIES pour soutenir que si le terrain litigieux a effectivement été inondé lors des grandes crues au début des années 1990, le risque de telles inondations serait devenu beaucoup moins important depuis que des mesures de renaturation auraient été prises le long du cours de l’Alzette, de sorte que la mesure de reclassement pure et simple serait à considérer comme disproportionnée par rapport au but recherché.

Dans son mémoire complémentaire, le délégué du gouvernement soutient que le terrain litigieux aurait connu des inondations lors des crues de janvier 1993 et de décembre 1993 et qu’à l’occasion de la crue de janvier 1995 le terrain aurait été totalement inondé, de sorte qu’il serait dès lors prématuré de considérer les mesures de renaturation comme effectives. Pour le surplus, le représentant étatique estime que s’il est compréhensible qu’un promoteur serait prêt à assumer le risque d’inondation dont il n’aurait pas à subir les conséquences, il n’en serait pas de même pour le ministre qui se refuserait à parier sur l’absence de tout risque en ce qui concerne des événements par définition imprévisibles. Finalement, il n’appartiendrait pas au ministre de l’Intérieur en tant qu’autorité de tutelle de réformer une délibération d’un conseil communal en proposant des mesures techniques au lieu d’un reclassement pur et simple, étant donné qu’il devrait se limiter à statuer sur la délibération du conseil communal par approbation ou refus pur et simple, la seule exception à ce principe étant prévu à l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 donnant compétence au ministre pour vider des réclamations au cas où il les estimerait justifiées, et le cas échéant, prendre une décision modificative de la délibération communale qui a refusé de faire droit aux objections qui avaient le même objet que les réclamations lui adressées. Or, en l’espèce, à travers sa réclamation la société XY n’aurait pas proposé l’adoption de mesures techniques permettant « envers et contre tout » de construire sur le terrain en question, mais aurait uniquement sollicité le maintien du terrain en zone d’habitation, de sorte qu’il n’aurait pas appartenu au ministre d’élaborer et de prévoir des mesures techniques précises permettant des « constructions sur pilotis ou autres moyens techniques » et de les imposer aux autorités communales.

Il est constant que suite à la modification du PAG, la parcelle litigieuse, appartenant actuellement à la société XY, située dans une zone dite « zone d’habitation de faible densité », fut classée, lors des votes provisoire et définitif par le conseil communal, en « zone de verdure », c’est-à-dire « hors périmètre ».

La société XY soutient en substance que ni le conseil communal ni le ministre, qui aurait entériné les conclusions du conseil communal, n’auraient valablement motivé leurs décisions de reclasser ladite parcelle, ce qui équivaudrait à une absence de motivation entraînant que ni la demanderesse ni le tribunal ne sauraient vérifier l’exactitude et la validité des motifs en question par rapport aux dispositions légales et réglementaires applicables.

Tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir.

Cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidés dans leur décision.

En l’espèce, le tribunal constate que les décisions prises respectivement par le conseil communal et le ministre de l’Intérieur indiquent que « le reclassement des fonds en question en zone verte s’impose, alors que la majorité des terrains est située en zone potentielle d’inondation et que les autorités communales n’ont fait qu’assumer leur responsabilité en ce sens ».

Le reproche d’une absence de motivation est donc à rejeter, dès lors qu’il existe un motif tiré du risque d’inondations sur le terrain en question.

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il convient encore d’examiner si les faits à la base du reclassement effectué sont vérifiés en l’espèce.

La mutabilité des plans d’aménagement généraux relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné. Il en découle que les parties intéressées, dont les propriétaires d’immeubles, n’ont pas un droit acquis au maintien d’une réglementation communale d’urbanisme donnée, étant entendu que les changements à y apporter ne sauraient s’effectuer de manière arbitraire, mais, appelés à résulter de considérations d’ordre urbanistique et politique pertinentes répondant à une finalité d’intérêt général, ils sont à opérer suivant la procédure prévue par la loi comportant la participation de tous les intéressés (cf. trib adm. 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm. 20 décembre 2001, Pas. adm. 2003, V° Urbanisme, n° 48 et autres références y citées).

Même si à l’intérieur du périmètre d’agglomération le changement opéré d’un plan d’aménagement général à l’autre, notamment par l’enlèvement d’un terrain sis dans une zone constructible, fût-elle de forte, de moyenne ou de faible densité, pour l’inclure dans une zone en principe non constructible, est en principe admissible, un changement de ce type ne doit cependant pas s’opérer de manière arbitraire, mais doit résulter de considérations d’ordre urbanistique précises et circonstanciées (cf. trib adm. 20 décembre 2000, n° 11581 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Urbanisme, n° 55).

Il convient dès lors d’examiner en l’espèce si les motifs invoqués peuvent légalement justifier le changement de classement opéré ayant consisté à sortir un terrain d’une zone constructible pour l’inclure dans une zone non constructible, étant entendu que la mission du juge de la légalité conférée au tribunal à travers l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996 exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute (cf. trib. adm. 7 mars 2001, n° 12282 du rôle, confirmé par Cour adm. 23 octobre 2001, n° 13319C, Pas. adm. 2003, V° Urbanisme, n° 9).

Dans cette démarche de vérification des faits et des motifs à la base de l’acte déféré, le tribunal est encore amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée, une erreur d’appréciation étant susceptible d’être sanctionnée, dans la mesure où elle est manifeste, au cas notamment où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité (cf. Cour adm. 21 mars 2002, n° 14261C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 10).

Compte tenu de la mutabilité intrinsèque des situations générales, due aux changements de circonstances de fait et de droit, les actes réglementaires ne créent, en principe, que des droits précaires et maintiennent dans le chef de l’autorité administrative le pouvoir soit de changer soit d’abroger un acte réglementaire, en faisant usage des pouvoirs qui lui sont conférés dans l’exercice de sa mission. Dans cette optique, l’invocation de l’intérêt général motivé par le souci d’éviter des constructions sur des terrains inondés peut justifier des changements dans les parties graphique et écrite d’un plan d’aménagement général.

En l’espèce, il est constant que le terrain litigieux, à savoir la parcelle inscrite au cadastre de la commune de C., section D de …, portant le numéro cadastral 32, qui a été classée en « zone hors périmètre », a connu des inondations partielles suite aux crues de janvier et décembre 1993 et fut même totalement inondé à l’occasion de la crue de janvier 1995.

Ce motif, partant susceptible de justifier les décisions déférées, n’est pas contredit par la société XY, qui verse même un relevé réalisé par le bureau d’études SCHROEDER & ASSOCIES documentant également que le terrain litigieux a effectivement été inondé lors des grandes crues au début des années 1990 à raison de 86 %, et qui n’apporte aucun élément qui prouverait que l’administration, en changeant la partie graphique du plan d’aménagement général, aurait agi dans un but autre que l’intérêt général ou qu’elle avait un motif autre que la protection contre des inondations. Par ailleurs, la parcelle faisant l’objet du présent litige, loin d’être soumise à une charge particulière imposée à un seul membre de la collectivité, fait partie d’un projet d’ensemble cohérent visant plusieurs parcelles non construites de la Commune de C., qui ont également été soumises au même régime urbanistique.

Il s’ensuit que la société XY n’a pas rapporté la preuve que le changement de certaines dispositions du plan d’aménagement général aurait été effectué dans un but autre que l’intérêt général. Dans ce contexte, c’est encore à juste titre que le délégué du gouvernement a estimé dans son mémoire complémentaire qu’il n’appartient pas au ministre de l’Intérieur, tant en sa qualité d’autorité de tutelle que sur base de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937, précitée, de réformer une délibération d’un conseil communal en imposant des mesures techniques, son rôle devant se limiter à statuer par approbation pure et simple, d’autant plus que dans le cadre de sa réclamation du 12 juin 1997, le mandataire de la demanderesse n’avait proposé aucune solution technique pour parer à ce risque d’inondations. En effet, il appartient au ministre de l’Intérieur, en tant qu’autorité de tutelle, de veiller à ce que les décisions de l’autorité communale ne violent aucune règle de droit et ne heurtent pas l’intérêt général. Le droit d’approuver la décision du conseil communal a comme corollaire celui de ne pas approuver cette décision. Cette approbation implique nécessairement l’examen du dossier et comporte l’appréciation du ministre sur la régularité de la procédure et des propositions du conseil communal, ainsi que sur les modifications de la partie graphique et écrite des plans (cf. Cour adm. 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Tutelle administrative, n° 1, et autres références y citées).

Il est vrai que la tutelle n’autorise pas, en principe, l’autorité supérieure à s’immiscer dans la gestion du service décentralisé et à substituer sa propre décision à celle des agents du service (Buttgenbach A., Manuel de droit administratif, 1954, p.

117, n° 149), ce principe découlant de la nature même de la tutelle qui est une action exercée par un pouvoir sur un autre pouvoir, non pas en vue de se substituer à lui, mais dans le seul but de le maintenir dans les limites de la légalité et d’assurer la conformité de son action aux exigences de l’intérêt général.

Concernant finalement le moyen tiré d’un détournement de procédure allégué, formulé par la demanderesse, force est de constater que le moyen ainsi avancé s’analyse en substance en un reproche adressé non pas aux auteurs des décisions déférées, mais aux auteurs du projet de règlement grand-ducal déclarant obligatoire le plan d’aménagement partiel “ zones inondables et zones de rétentions ” couvrant le territoire de la commune de C., en ce qu’ils auraient eu recours à cette procédure uniquement en vue d’imposer les interdictions de construire valant pour la période s’étendant jusqu’à l’adoption définitive du nouveau plan d’aménagement général de la commune.

Il s’ensuit que le tribunal, statuant sur des décisions intervenues dans le cadre de la procédure prévue par la loi modifiée du 12 juin 1937, précitée, n’est pas en mesure de se prononcer sur ledit moyen sous peine de statuer ultra petita.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 9 juin 2004 par le premier juge, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schroeder 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11415a
Date de la décision : 09/06/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-06-09;11415a ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award