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27/06/2001 | LUXEMBOURG | N°12429

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 juin 2001, 12429


Tribunal administratif N° 12429 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 octobre 2000 Audience publique du 27 juin 2001 Recours formé par Monsieur … DE JESUS NEVES, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 12429, déposée le 23 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Serge URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … DE JESUS NEVES, chauffeur, demeurant à L-…, tendant à lâ€

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Tribunal administratif N° 12429 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 octobre 2000 Audience publique du 27 juin 2001 Recours formé par Monsieur … DE JESUS NEVES, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro du rôle 12429, déposée le 23 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Serge URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … DE JESUS NEVES, chauffeur, demeurant à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre des Transports du 24 juillet 2000, notifiée le 26 juillet 2000, portant restitution du permis de conduire des catégories C, C+E, et D ainsi que ses sous-catégories C1, C1+E et D1 avec la restriction suivante : uniquement valable dans un rayon de 500 km du lieu de travail ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2001;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 février 2001 au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Serge URBANY, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Il se dégage d’un certificat du 11 juin 1999 émanant du docteur N.D. que « depuis des décennies ( !) Monsieur … DE JESUS NEVES souffre d’une hypersomnie diurne, ceci malgré des heures de lit régulières de 23H à 7H. Ainsi, le patient s’est même endormi au volant du camion, lors d’un feu rouge ; il n’a pas eu d’accident de route jusqu’ici. (…) L’anamnèse et la série de siestes itératives sont en faveur d’une hypersomnie diurne majeure dont l’étiologie reste non élucidée. (…) Vu que le patient est chauffeur professionnel, il a été mis en congé de maladie jusqu’à complétion de ses examens ».

Un nouveau rapport médical datant du 7 juillet 1999, retient en guise de conclusion que « malgré l’absence clinique d’un syndrome dépressif, un essai par Prozac sera fait durant les prochaines six semaines. Le patient sera revu par le docteur F. vers le 15 juillet 1999. Vu sa profession, il reste actuellement en congé de maladie ».

Le 6 octobre 1999, Monsieur DE JESUS NEVES fut convoqué pour le 3 novembre 1999 devant la commission médicale auprès du ministère des Transports « aux fins de vérification de vos aptitudes physiques » par la commission médicale instituée par les dispositions de l’article 90 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, tel que modifié, appelé ci-après « code de la route ».

Dans un premier avis daté au 3 novembre 1999, la commission médicale constata que Monsieur DE JESUS NEVES serait en arrêt de travail depuis 6 mois, que l’intéressé souffrirait d’endormissements fréquents au volant, qu’il y aurait siestes itératives et une impression de ralentissement et de manque d’entrain et elle retint que Monsieur DE JESUS NEVES souffre d’apnées du sommeil et d’absences. La commission médicale proposa au ministre des Transports, ci-après appelé « le ministre », de retirer le permis de conduire des catégories C, D, et E et propose de demander un avis neurologique dans six mois.

Par décision du 23 novembre 1999, le ministre entérina les propositions de la commission et retira le permis de conduire dans la mesure où il porte sur les catégories C, C+E et D ainsi que sur les sous-catégories C1, C1+E et D1. Il retira en outre les permis de conduire internationaux délivrés à l’intéressé.

Il se dégage d’un rapport médical établi en date du 16 mars 2000 que la série de siestes itératives confirme le diagnostic d’une hypersomnie idiopathique et que le patient sera transféré pour examens supplémentaires au professeur K. du laboratoire de sommeil de la clinique universitaire à Strasbourg.

Suite à un recours gracieux introduit par Monsieur DE JESUS NEVES contre l’arrêté ministériel du 23 novembre 1999, la commission médicale émit un avis le 25 avril 2000 sur base duquel le ministre refusa de faire droit à la demande en restitution de son permis de conduire. La décision ministérielle prise en date du 22 mai 2000 est motivée comme suit :

« (…) votre dossier a été revu par la commission médicale en date du 25 avril 2000 qui s’est basée notamment sur le rapport du Dr. D. du 16 mars 2000. Faute d’éléments médicaux nouveaux, je suis au regret de ne pas faire droit à votre recours. L’arrêté ministériel du 23 novembre 1999 reste donc d’application ».

Un recours contentieux contre cette décision a été introduite devant le tribunal administratif par requête déposée en date du 30 juin 2000. Ce recours a été rayé du rôle suite à une demande afférente de la part du demandeur et de l’accord du délégué du gouvernement par décision du tribunal administratif en date du 6 novembre 2000.

2 En date du 19 juillet 2000, la commission médicale émit un nouvel avis en se basant sur le rapport médical établi le 10 mars 2000 par le professeur K. du laboratoire du sommeil de la clinique universitaire à Strasbourg. Elle conclut que les faits reproduits au dossier médical ne suffisent pas pour constater dans le chef de la personne intéressée des infirmités ou troubles requérant à l’heure actuelle un retrait du permis de conduire, mais qu’il serait nécessaire de soumettre la personne intéressée à des examens médicaux rapprochés permettant de suivre l’évolution de son état de santé et elle propose de restituer le permis de conduire des catégories C, C+E, et D ainsi que ses sous-catégories C1, C1+E et D1 « limité dans un rayon de 500 km du lieu de travail et propose de demander un avis neurologique dans 1 an ».

Par décision du 24 juillet 2000, le ministre ordonna la restitution du permis de conduire à Monsieur DE JESUS NEVES avec la restriction qu’il sera uniquement valable dans un rayon de 500 km du lieu de travail.

A l’encontre de cette décision ministérielle du 24 juillet 2000, Monsieur DE JESUS NEVES a fait introduire un recours en annulation sinon en réformation par requête déposée le 23 octobre 2000.

Alors même que le tribunal est principalement saisi d’un recours en annulation, il est tenu d’examiner en premier lieu l’existence éventuelle d’un recours au fond en la matière, étant donné que, d’après l’article 2 (2) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’un recours au fond rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation. Le recours principal en annulation est par contre recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et le délai de la loi.

Le demandeur soutient qu’en violation de l’article 90 (2) du code de la route, il n’aurait ni été convoqué ni été entendu par la commission médicale préalablement à la prise de la décision ministérielle litigieuse, de sorte que cette dernière devrait encourir l’annulation de ce chef.

Le délégué du gouvernement fait valoir que le dossier administratif ferait ressortir que la commission médicale a respecté la procédure décrite à l’article 2 de loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation routière sur toutes les voies publiques ainsi que la procédure prévue par l’article 90 (2) du code de la route.

Il soutient plus particulièrement que la décision prise à l’encontre du demandeur ne serait pas une mesure de restriction ou de limitation d’un droit acquis, mais par cette décision le demandeur se serait vu restituer son permis de conduire, de sorte qu’il s’agirait d’une décision favorable à son encontre.

Dans la mesure où le demandeur s’est vu retirer son permis de conduire par la décision ministérielle du 23 novembre 1999, après avoir été dûment entendu par la commission médicale conformément à l’article 90 (2) du code de la route, la décision postérieure du 24 juillet 2000, en ce que sur demande de l’intéressé, elle lève partiellement la restriction 3 antérieurement prononcée, ne rentre pas dans les cas de figures visés par l’article 2 de la loi précitée du 14 février 1955, renvoyant à l’article 90 précité et la procédure y prévue n’étant partant pas applicable. Il s’ensuit que le moyen d’annulation tiré du vice de forme allégué est à écarter.

Quant au fond, le demandeur reproche à la décision critiquée d’avoir restreint l’emploi de son permis de conduire à un rayon de 500 km de son lieu de travail, alors que dans son avis du 19 juillet 2000, la commission médicale aurait retenu qu’il n’existerait pas à l’heure actuelle des infirmités ou troubles permettant un retrait du permis de conduire et que la restriction retenue ne reposerait dès lors pas sur une justification objective au vu des pièces du dossier et au vu de la motivation même de l’avis médical. Il estime par ailleurs que cette restriction serait dénuée de tout sens, étant donné que « s’il y avait des indications médicales permettant de conclure à une inaptitude médicale partielle de conduire du fait du risque de somnolence diurne, ce risque ne serait pas exclu ou diminué par la restriction décidée (…) ».

Le délégué du gouvernement fait uniquement valoir que le ministre n’aurait ni excédé, ni détourné son pouvoir, que l’arrêté ministériel serait justifié en fait et en droit, de sorte que le tribunal devrait rejeter le recours.

Aux termes de l’article 2 paragraphe 1er de la loi prévisée du 14 février 1955, « le ministre des Transports ou son délégué délivre les permis de conduire civils; il peut refuser leur octroi, restreindre leur emploi ou leur validité, les suspendre et les retirer, refuser leur restitution, leur renouvellement ou leur transcription et même refuser l’admission aux épreuves si l’intéressé: … 4) souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire ».

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif vérifie l’exercice conforme de son pouvoir d’appréciation par l’administration en considération de la situation de droit et de fait au jour où la décision en cause a été prise.

Il appert des éléments du dossier et notamment d’un rapport médical établi en date du 10 mars 2000 par le docteur K., professeur à la clinique de l’université de Strasbourg que le demandeur ne souffre pas d’une somnolence diurne majeure, qu’il a un sommeil de nuit bien structuré et qu’il y a absence de syndrome de résistance des voies aériennes supérieures et de syndrome d’apnées du sommeil. Cette conclusion se dégage également de la note manuscrite apposée en bas du rapport médical établi en date du 16 mars 2000 par le docteur D., note qui retient que « tu viens d’avoir leurs avis entretemps (2 courriers), ils [les docteurs de la clinique universitaire de Strasbourg] concluent, après maintes nouveaux examens que le patient n’a PAS de maladie du sommeil ». La commission médicale, dans son dernier avis du 19 juillet 2000, retient également que les faits reproduits au dossier ne suffisent pas pour constater dans le chef de la personne intéressée des infirmités ou troubles requérant à l’heure actuelle un retrait du permis de conduire.

S’il est vrai que sur base de ces avis favorables, le demandeur a obtenu restitution de son permis de conduire, ce dernier est néanmoins encore grevé d’une restriction tenant à ce que le demandeur doit uniquement circuler dans un rayon de 500 km de son lieu de travail.

Force est de constater que le ministre a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits, étant donné qu’il n’existe aucun élément de fait de nature à justifier cette restriction. Dès lors en l’absence d’un avis médical circonstancié soulignant qu’une telle mesure serait 4 nécessaire, et au vu de l’avis des experts de Strasbourg qui concluent sans aucun équivoque que le demandeur ne souffre pas de la maladie du sommeil, cette restriction n’était pas légalement justifiée au moment de la prise de la décision litigieuse pour ne pas se baser sur un élément de fait objectif permettant de tirer cette conclusion.

Il résulte de ces développements que le recours est fondé et que la décision critiquée du 24 juillet 2000 encourt l’annulation.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, déclare le recours en annulation recevable en la forme, au fond le dit justifié, partant annule la décision ministérielle du 24 juillet 2000, renvoie l’affaire devant le ministre des Transports, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 27 juin 2001, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12429
Date de la décision : 27/06/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-06-27;12429 ?

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