La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2021 | LUXEMBOURG | N°34/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 25 février 2021, 34/21


N° 34 / 2021 pénal du 25.02.2021 Not. 29490/17/CD Numéro CAS-2020-00064 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-cinq février deux mille vingt-et-un, sur le pourvoi de :

L), demandeur en cassation, comparant par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 8 mai 2020 sous le numéro 478/20 par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu

le pourvoi en cassation formé par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, au nom de L...

N° 34 / 2021 pénal du 25.02.2021 Not. 29490/17/CD Numéro CAS-2020-00064 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-cinq février deux mille vingt-et-un, sur le pourvoi de :

L), demandeur en cassation, comparant par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 8 mai 2020 sous le numéro 478/20 par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, au nom de L), suivant déclaration du 4 juin 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 3 juillet 2020 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Lotty PRUSSEN et les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait prononcé un non-lieu à suivre du chef de faits instruits suite à la plainte avec constitution de partie civile de L) et aux réquisitoires du procureur d’Etat.

Sur appel de la partie civile, la chambre du conseil de la Cour d’appel a confirmé l’ordonnance entreprise.

Sur les quatre moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « Tiré de l'excès de pouvoir conféré à la Chambre du conseil de la Cour d'appel par les articles 128 (1) et 134(2) du Code de procédure pénale, en ce que, pour rejeter la demande tant du Ministère public que de la partie civile à voir ordonner la réouverture de l'instruction et des devoirs supplémentaires, la Chambre du conseil de la Cour d'appel s'est prêtée à une analyse du fond du dossier pour déterminer l'utilité de l'institution d'une instruction complémentaire, et a décidé que , alors que, la compétence réservée à la Chambre du conseil de la Cour d'appel par les dispositions des articles 128(1) et 134 (2) du Code de procédure pénale se limite à déterminer s'il existe des et à ordonner si elle l'estime utile un complément d'instruction. », le deuxième, « Tiré de la violation articles 128 (1) et 134 (2) du Code de procédure pénale, par mauvaise interprétation, sinon mauvaise application, en ce que, pour rejeter la demande tant du Ministère public que de la partie civile à voir ordonner la réouverture de l'instruction et des devoirs supplémentaires, la Chambre du conseil de la Cour d'appel s'est prêtée à une analyse du fond du dossier pour déterminer l'utilité de l'institution d'une instruction complémentaire, et a décidé que , alors que, la compétence réservée à la Chambre du conseil de la Cour d'appel par les dispositions des articles 128 (1) et 134 (2) du Code de procédure pénale se limite àdéterminer s'il existe des et à ordonner si elle l'estime utile un complément d'instruction. », le troisième, « Tiré de la violation de l'article 134 (2) du Code de procédure pénale, par mauvaise interprétation, sinon mauvaise application, en ce que, pour rejeter la demande tant du Ministère public que de la partie civile à voir ordonner la réouverture de l'instruction et des devoirs supplémentaires, la Chambre du conseil de la Cour d'appel a conditionné sa décision par la considération que , alors que, la Chambre du conseil de la Cour d'appel peut, par application des dispositions de l'article 134 (2) du Code de procédure pénale, ordonner si elle l'estime utile un complément d'instruction sans conditionner cette décision par la production de la part de la partie civile . » et le quatrième, « Tiré de la violation de l'article 6§1 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, ci-après , par mauvaise interprétation, sinon mauvaise application, Article 6 §1 ConvEDH :

en ce que, La Chambre du conseil de la Cour d'appel a refusé d'appliquer, sinon a mal appliqué l'article précité 6 §1 ConvEDH, en décidant que :

alors que, l'article 6 §1 ConvEDH garantit au justiciable un droit d'accès concret et effectif devant les tribunaux. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions visées aux moyens, ceux-ci ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges de la chambre du conseil de la Cour d’appel, de l’existence de charges suffisantes de culpabilité à l’encontre des personnes visées par la plainte avec constitution de partie civile, ainsi que de l’utilité de procéder à un complément d’instruction et d’ordonner les actes d’information sollicités par le demandeur en cassation, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il en suit que les quatre moyens ne sauraient être accueillis.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 3 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-cinq février deux mille vingt-et-un, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de l’avocat général Monique SCHMITZ et du greffier DANIEL SCHROEDER.

PARQUET GENERAL Luxembourg, le 16 novembre 2020 DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

________

Conclusions du Parquet Général sur le pourvoi en cassation de la partie civile L), en présence du Ministère public (Affaire numéro CAS-2020-00064) Par déclaration faite le 4 juin 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Maximilian LEHNEN, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de L) un recours en cassation contre un arrêt rendu le 8 mai 2020 sous le numéro 478/20 Ch.c.C. par la Chambre du conseil de la Cour d’appel.

Cette déclaration de recours a été suivie en date du 3 juillet 2020 du dépôt d’un mémoire en cassation, signé par Maître Maximilian LEHNEN au nom et pour le compte de L).

Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi respecte les conditions de recevabilité définies par les articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation1.

Il attaque un arrêt d’instruction qui, en confirmant une ordonnance de non-lieu, statue définitivement sur l’action publique, de sorte qu’il est recevable sur base de l’article 416 du Code d’instruction criminelle.

Cette solution a été réitérée par votre Cour dans le cadre d’une jurisprudence constante2. Elle a été étendue au pourvoi en cassation de la partie civile contre l’ordonnance de non-informer du 1 Le délai du pourvoi, d’un mois, prévu par l’article 41 de la loi précitée de 1885 a été respecté, la déclaration du pourvoi, le 4 juin 2020, contre un arrêt rendu le 8 mai 2020 et donc notifié au plus tôt à cette date, événement faisant courir le délai du pourvoi contre les arrêts de la Chambre du conseil de la Cour d’appel, qui ne sont pas prononcés à date fixe pré-annoncée. Le délai du dépôt du mémoire, d’un mois, prévu par l’article 43 de la même loi a de même été respecté, le délai ayant commencé à courir à partir de la date de la déclaration du pourvoi, le 4 juin 2020, le mémoire ayant été déposé le 3 juillet 2020. Ces délais ayant couru, en tout ou en partie, pendant l’état de crise déclaré par règlement grand-ducal du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, prorogé par la loi du 24 mars 2020 portant prorogation de cet état de crise, il est à rappeler que le règlement grand-ducal du 25 mars 2020 portant suspension des délais en matière juridictionnelle et adaptation temporaire de certaines autres modalités procédurales avait certes suspendu ces délais, mais que cette suspension a pris fin par le règlement grand-ducal du 17 avril 2020 portant modification de l’article 2 du règlement précité du 25 mars 2020. Le mémoire a été, conformément à l’article 43 précité, signé par un avocat à la Cour et précise les dispositions attaquées et contient les moyens de cassation.

2 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 16 novembre 2006, n° 45/2006 pénal, numéro 2349 du registre ;

idem, 10 avril 2008, n° 16/2008 pénal, numéro 2477 du registre ; 17 avril 2008, n° 21/2008 pénal, numéro 2495 du registre ; idem, 9 décembre 2010, n° 35/2010 pénal, numéro 2806 du registre ; idem, 18 juin 2015, n° 30/2015 pénal, numéro 3502 du registre ; idem, 22 octobre 2015, n° 47/2015 pénal, numéro 3549 du registre ; idem, 10juge d’instruction3. Elle reprend la jurisprudence de la Cour de cassation de Belgique, qui l’a adoptée depuis 19794. Celle-ci a été consacrée en Belgique par la loi du 14 février 2014 relative à la procédure devant la Cour de cassation en matière pénale5, qui a remplacé l’article 417 du Code d’instruction criminelle belge par une disposition retenant que « le ministère public et la partie civile peuvent former un pourvoi en cassation contre l’arrêt de non-lieu »6.

Elle présente l’originalité d’autoriser la partie civile d’attaquer une décision qui porte directement et exclusivement sur l’action publique, aucune décision n’ayant été prise quant à l’action civile7. Elle met la partie civile et le Ministère public sur un pied d’égalité pour attaquer l’arrêt de non-lieu, l’une et l’autre pouvant invoquer toutes les illégalités et toutes les irrégularités qui affectent le dispositif du non-lieu8.

Elle remplace une solution contraire qui avait prévalu pendant longtemps tant en Belgique9 qu’au Luxembourg10 et selon laquelle la partie civile ne disposait pas d’un pourvoi en cassation contre le dispositif qui statuait sur l’action publique dans un arrêt de non-lieu11.

Cette solution a été abandonnée à juste :

« Si la chambre [du conseil de la Cour d’appel] prononce un non-lieu, la partie civile, dont les intérêts sont nécessairement liés à la décision rendue sur l’action publique, doit décembre 2015, n° 58/2015 pénal, numéro 3566 du registre ; idem, 9 juin 2016, n° 25/2016 pénal, numéro 3659 du registre ; idem, 2 mars 2017, n° 9/2017 pénal, numéro 3769 du registre ; idem, 15 juin 2017, n° 29/2017 pénal, numéro 3817 du registre ; idem, 29 novembre 2018, n° 116/2018 pénal, numéro 4043 du registre ; idem, 28 mars 2019, n° 51/2019 pénal, numéro CAS-2018-00039 du registre.

3 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 18 novembre 2004, n° 45/2004 pénal, numéro 2115 du registre ;

idem, 14 juillet 2005, n° 22/2005 pénal, numéro 2231 du registre ; idem, 25 janvier 2007, n° 9/2007 pénal, numéro 2365 du registre ; idem, 7 février 2008, n° 4/2008 pénal, numéro 2520 du registre ; idem, 7 février 2013, n° 8/2013 pénal, numéro 3158 du registre ; idem, 16 janvier 2014, n° 7/2014 pénal, numéro 3230 du registre ; idem, 18 décembre 2014, n° 45/2014 pénal, numéro 3340 du registre ; idem, 18 février 2016, n° 8/2016 pénal, numéro 3615 du registre ; idem, 13 octobre 2016, n° 44/2016 pénal, numéro 3677 du registre ; idem, 8 mars 2018, n° 16/2018 pénal, numéro 3916 du registre ; idem, 20 décembre 2018, n° 131/2018, numéro CAS-2018-00074 du registre.

4 Cour de cassation de Belgique, 7 novembre 1979, Revue de droit pénal et de criminologie, 1980, page 245, avec les conclusions de l’avocat général COLARD ; Raoul DECLERCQ, Cassation en matière répressive, Bruxelles, Bruylant, 2006, n° 112, pages 70-71 et les arrêts y cités ; Michel FRANCHIMONT, Ann JACOBS, Adrien MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, Larcier, 4e édition, 2012, page 1056 et note de bas de page n° 53 ; Répertoire pratique du droit belge, V° Pourvoi en cassation en matière répressive, par Raoul DECLERCQ, Bruxelles, Bruylant, 2015, n° 1107, page 704 ; Jacqueline OOSTERBOSCH et Jean-Philippe DE WIND, Le pourvoi en cassation en matière répressive : droit positif et loi du 14 février 2014, in : Actualités de droit pénal et de procédure pénale, Bruxelles, Larcier, 2014, pages 49 à 96, voir n° 32, page 72 ; Olivier MICHIELS, et Géraldine FALQUE, Principes de procédure pénale, Bruxelles, Larcier, 2019, n° 1605, page 529 et note de bas de page n° 202.

5 Moniteur belge 2014-02-27.

6 Cette disposition a été motivée comme suit : « Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la partie civile dispose, comme le ministère public, d’un véritable pourvoi contre les arrêts de non-lieu, pourvoi qui concerne tant l’action publique que l’action civile. C’est cette jurisprudence que consacre l’article 419 proposé [qui deviendra finalement l’article 417, nouveau, du Code d’instruction criminelle belge] » (Sénat de Belgique, Session 2012-

2013, Proposition de loi de Francis DELPÉRÉE relative à la procédure devant la Cour de cassation en matière pénale, 5-1821/1, page 9, Commentaire de l’article 24 de la Proposition de loi).

7 DECLERCQ, 2015, précité, n° 1107, page 704.

8 DECLERCQ, 2006, précité, n° 112, page 70.

9 Cour de cassation de Belgique, 30 octobre 1903, Pas. belge, 1904, I, 62 et les conclusions contraires du Procureur général JANSSENS ; idem, 3 octobre 1978, Pas. belge, 1979, I, 153 (arrêts cités dans DECLERCQ, 2006, précité, n° 112, page 70).

10 Cour de cassation, 13 janvier 1955, Pas. 16, page 199 ; idem, 13 janvier 1983, Pas. 25, page 363.

11 DECLERCQ, 2006, précité, n° 112, page 70.– à mon sens – au minimum pouvoir, lorsqu’elle se pourvoit, faire valoir des moyens critiquant la régularité et la légalité de l’arrêt rendu sur son [appel].

En décider autrement aboutirait à enlever toute portée à son pourvoi, quant à ses réels intérêts civils. En effet, les condamnations aux frais et dépens et aux dommages-intérêts prononcés nécessairement, en cas de non-lieu, par la chambre [du conseil de la Cour d’appel], si elles portent atteinte aux intérêts civils de la partie [appelante], sont cependant tout à fait étrangers aux dommages qui lui sont personnels et qu’elle se proposait de faire valoir devant la juridiction répressive. »12.

Le droit de la partie civile de se pourvoir sans restriction contre l’arrêt de non-lieu ne constitue que la conséquence de son droit d’appel que l’article 133, paragraphe 2, du Code de procédure pénale l’autorise à former contre toute ordonnance du juge d’instruction et de la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement qui fait grief à ses intérêts civils. Ce droit d’appel permet à la partie civile « agir directement sur l’action publique, puisque si [l’appel] est reçu[…] et déclaré[…] fondé[…], la chambre [du conseil de la Cour d’appel] rend un arrêt de renvoi saisissant la juridiction de jugement du fait pénal »13. Il en suit que « dans le cas où la chambre [du conseil de la Cour d’appel] rend un arrêt de non-lieu sur [l’appel] de la partie civile, il est normal que celle-ci soit recevable à se pourvoir en cassation lorsqu’elle prétend que le droit de faire réexaminer les charges, qui lui est reconnu par la loi, a été méconnu par l’arrêt de non-lieu. La Cour de cassation droit alors décider si [l’appel] légalement reconnu[…] à la partie civile a été légalement examiné[…] par la chambre [du conseil de la Cour d’appel]. C’est donc, conformément à sa mission, la légalité de la décision qui est soumise à la Cour de cassation. »14.

C’est partant à juste titre que vous avez décidé d’admettre le pourvoi de la partie civile contre l’arrêt de non-lieu au motif « que la limitation de l’effet dévolutif du pourvoi de la victime aux seuls intérêts civils ne s’applique pas au cas où, comme en l’espèce, la décision attaquée n’a pas statué au fond sur l’action publique »15.

Ces éléments, qui paraissaient acquis, sont rappelés parce que vous vous êtes dans un arrêt récent, resté jusqu’à présent isolé – de sorte qu’il est sans doute prématuré d’évoquer un revirement de jurisprudence – départis de cette solution au motif que « une partie civile n’est pas recevable à se pourvoir en cassation contre [une décision de non-lieu rendue par la chambre du conseil de la Cour d’appel], étant donné que la Cour de cassation ne peut connaître de l’action civile lorsque l’action publique, que le Ministère public seul peut exercer, est éteinte », étant précisé qu’une décision de non-lieu « non déférée à la Cour de cassation par le Ministère public, a pour conséquence l’extinction de l’action publique »16.

Cette solution, si elle devait se confirmer, constituerait un revirement difficilement justifiable au regard des principes rappelés ci-avant.

12 Conclusions de l’avocat général COLLARD sous l’arrêt précité de la Cour de cassation de Belgique du 7 novembre 1979.

13 Note sous l’arrêt précité publié dans la Revue de droit pénal et de criminologie, 1980, pages 254-255, voir page 254, avant-dernier alinéa.

14 Idem, page 254, dernier alinéa. Voir également en ce sens les conclusions de Madame Martine SOLOVIEFF, alors premier avocat général, sous votre arrêt précité n° 16/2008 pénal, numéro 2477 du registre, du 10 avril 2008.

15 Arrêt précité n° 16/2008 pénal, numéro 2477 du registre, du 10 avril 2008.

16 Cour de cassation, 16 janvier 2020, n° 9/2020 pénal, numéro CAS-2019-00024 du registre.Le soussigné, se référant à votre jurisprudence, sous la réserve précitée, constante des deux dernières décennies conclut donc à la recevabilité du pourvoi.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg décidait qu’il n’y avait pas lieu à suivre à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile de L). Sur appel de ce dernier, la chambre du conseil de la Cour d’appel confirma l’ordonnance entreprise.

Sur le premier et le deuxième moyen de cassation Le premier moyen est tiré d’un excès de pouvoir au regard des articles 128, paragraphe 1, et 134, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, tandis que le deuxième moyen est tiré de la violation des mêmes dispositions, en ce que la chambre du conseil de la Cour d’appel confirma l’ordonnance de non-lieu rendue en cause en refusant d’ordonner une réouverture de l’instruction et d’ordonner des devoirs supplémentaires, aux motifs que « les éléments fournis en cause ne faisant apparaître aucun élément déterminant justifiant l’institution d’une instruction complémentaire, faute par la partie appelante de relever des éléments dont le contenu permettrait d’accréditer de façon déterminante ses allégations ou qui serait susceptible d’apporter des éléments de preuve pertinents dans le cadre de l’instruction de la présente affaire, sinon qui justifierait l’ouverture d’un complément d’enquête »17, alors que la compétence réservée à la chambre du conseil de la Cour d’appel par les articles 128, paragraphe 1, et 134, paragraphe 2, du Code de procédure pénale se limite à déterminer s’il existe des « charges contrôlées et sérieuses que, dès à présent, leur condamnation [donc la condamnation des inculpés] apparaisse comme vraisemblable, les charges devant être entendues comme l’ensemble des éléments recueillis au terme de l’instruction »18 et à ordonner si elle l’estime utile un complément d’instruction.

En l’espèce, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu des juges de première instance, la chambre du conseil de la Cour d’appel décida ce qui suit :

« C’est à juste titre que les juges de la juridiction d’instruction de première instance ont rappelé que seule la Cour peut, en vertu de l’article 134 du Code de procédure pénale, dans tous les cas et même d’office, ordonner tout acte d’information complémentaire et qu’ils se sont déclarés incompétents pour connaître de cette demande.

C’est également à bon droit et par des motifs que la chambre du conseil de la Cour d’appel adopte, que les mêmes juges ont retenu que l’instruction menée en cause n’a pas dégagé d’éléments objectifs permettant d’accréditer de façon déterminante les allégations de la partie civile suspectant un détournement frauduleux du patrimoine de ML) par un montage financier complexe.

17 Arrêt attaqué, page 3, avant-dernier alinéa.

18 Citation tirée d’un arrêt de la Cour de cassation de Belgique du 27 juin 2007, n° F-200070627-1.En effet, les enquêteurs des services de police judiciaire, sur base d’une enquête nationale fouillée, fondée sur la plainte avec constitution de partie civile de L) du 27 octobre 2017 ainsi que sur la dénonciation officielle du procureur de la République de Paris du 31 mars 2017, et complétée par une commission rogatoire internationale suisse, ont conclu, après une analyse détaillée des faits et des flux financiers et après l’audition des personnes et mandataires des personnes impliquées dans le montage dénoncé, que « la continuation de l’instruction et l’analyse des données saisies ne permettra pas de retenir une infraction pénale consommée et d’en cerner le ou les auteurs » (cf rapport SPJ/FAMB/2018/65746.53/STNA du 24 juillet 2018 des services de police judiciaire).

Les enquêteurs ont noté que ni Maître Marc Elvinger, ancien mandataire de la partie civile, ni J), représentant la société P) S.A., elle-même gérante du portefeuille de feue ML), ni aucune des parties impliquées dans le montage n’ont conclu à l’illégalité de la structuration du patrimoine de feue ML). Au contraire J) et Maître Marc Elvinger ont affirmé aux enquêteurs qu’il n’existe aucun indice concret relatif au détournement de fonds, mais qu’il ne s’agit que d’une suspicion sans véritables preuves.

L’enquête policière a encore révélé que la multiplicité des actions judiciaires lancées par l’exécuteur testamentaire L) a eu comme conséquence de bloquer la circulation des avoirs et que les procédures entamées ont limité la mission du mandataire-liquidateur à des actes conservatoires.

En l’absence d’indices suffisants permettant de conforter les qualifications pénales d’ escroquerie, d’abus de confiance, d’association de malfaiteurs et de blanchiment d’argent, provisoirement indiquées dans le réquisitoire du Procureur d’Etat du 11 décembre 2017, c’est à juste titre que l’ordonnance déférée a déclaré qu’il n’y a pas lieu à poursuivre A), D), X), la société anonyme Y) S.A., l’association sans but lucratif Z) et inconnu du chef des faits soumis au juge d’instruction suite à la plainte avec constitution de partie civile, conformément aux conclusions du Ministère public du 18 janvier 2019.

Si la chambre du conseil de la Cour peut, en vertu des pouvoirs propres lui conférés par l’article 134 du Code de procédure pénale, ordonner tout acte d’information complémentaire ou procéder elle-même à une information complémentaire, et qu’elle peut partant ordonner toute inculpation qu’elle juge utile et même ordonner des enquêtes complémentaires, il n’y a cependant, en l’espèce, pas lieu de procéder au complément d’information sollicité par la partie appelante et le Ministère public.

La partie civile ayant présenté de façon extensive et à plusieurs reprises ses arguments notamment dans sa plainte avec constitution de partie civile du 4 septembre 2017, sa plainte du 15 octobre 2015 auprès du procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris, par le biais de Maitre Marc Elvinger, ainsi que dans ses conclusions orales et écrites, une nouvelle audition n’est pas de nature à apporter des éclaircissements supplémentaires pour l’enquête, ces éléments ayant déjà été pris en compte par les enquêteurs en charge du dossier.

En absence d’indices concrets relatifs à un détournement de fonds une nouvelle perquisition dans les locaux de la société Y) S.A. ne constitue pas une mesure pertinente pour élucider d’avantage les faits.

De même une instruction sur l’état physique et psychique de ML), décédée le 8 juillet 2015 en France, presque 6 ans après les faits litigieux, ne permet actuellement plus d’apporter des éléments de preuve fiables et concordants, en l’absence d’indices sérieux permettant d’accréditer la thèse de l’abus de faiblesse, d’autant moins que le procureur de la République avant sa dénonciation, n’a pas recherché des éléments de preuve en ce sens. Au contraire, l’acte notarié litigieux du 7 novembre 2014 a été établi par devant un officier ministère et l’entourage de la prétendue victime lui a attesté la possession de toutes ses facultés mentales, malgré ses difficultés physiques au moment des faits.

Les éléments fournis en cause ne faisant apparaître aucun élément déterminant justifiant l’institution d’une instruction complémentaire, faute par la partie appelante de relever des éléments dont le contenu permettrait d’accréditer de façon déterminante ses allégations ou qui serait susceptible d‘apporter des éléments de preuve pertinents dans le cadre de l’instruction de la présente affaire, sinon qui justifierait l’ouverture d’un complément d’enquête, l’appel n’est pas fondé.

L’ordonnance déférée est partant à confirmer. »19.

Les juges d’appel ont donc confirmé l’ordonnance de non-lieu et refusé un complément d’information au motif que l’instruction n’a pas permis de révéler l’existence d’indices concrets d’infractions et que le complément d’information demandé n’est pas de nature à établir de tels indices.

Dans ses deux premiers moyens, le demandeur en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir procédé à une analyse du fond du dossier qui est réservée à la juridiction de fond, la juridiction d’instruction n’ayant que pour mission d’apprécier l’existence de charges suffisantes de culpabilité.

Cette critique procède d’une mauvaise lecture de l’arrêt attaqué.

L’article 128, paragraphe 1, du Code de procédure pénale dispose que « Si la chambre du conseil estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si l’auteur est resté inconnu, ou s’il n’existe pas de charges suffisantes de culpabilité contre l’inculpé ou la personne contre laquelle l’instruction est ouverte, mais qui n’a pas été inculpée par le juge d’instruction conformément à l’article 81, paragraphe 7, elle déclare, par une ordonnance, qu’il n’y a pas lieu à suivre ».

Il distingue trois cas de motifs de non-lieu, cette énumération n’étant cependant pas limitative20.

Le demandeur en cassation fonde sa critique sur un principe retenu dans le cadre du troisième cas de figure, de l’appréciation du point de savoir s’il existe à l’encontre des inculpés des charges suffisantes de culpabilité. Dans le cadre de cette appréciation il n’appartient pas aux juridictions d’instruction de trancher des questions de fond qui relèvent exclusivement de la compétence des juridictions de fond21, notamment celle de savoir si des charges de culpabilité suffisantes pour justifier le renvoi devant ces juridictions sont également suffisantes pour 19 Arrêt attaqué, page 2, troisième alinéa, à page 3, dernier alinéa des motifs.

20 FRANCHIMONT, précité, page 604, dernier alinéa. Le non-lieu peut se justifier par tout obstacle légal à la poursuite, telles des fins de non-recevoir de l’action publique, comme le décès, la prescription, la chose jugée, l’incompétence territoriale, etc.).

21 Idem, page 610, troisième alinéa.constater de façon définitive la culpabilité de l’inculpé. L’appréciation des juridictions d’instruction s’effectue prima facie tandis qu’il appartient aux juridictions de fond de décider si les charges suffisantes de culpabilité ayant justifié le renvoi constituent des preuves irréfutables de culpabilité.

Or, l’arrêt attaqué ne s’est pas prononcé sur l’existence de charges suffisantes de culpabilité d’un inculpé, aucune personne n’ayant d’ailleurs été inculpée en l’espèce. Il a prononcé un non-

lieu sur base du premier motif, tiré de l’absence de tout indice d’infraction. Pour décider si elle « estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention », la chambre du conseil est tenue d’analyser si le dossier comporte des indices suffisants de ce que les faits dénoncés constituent une infraction pénale. C’est cette analyse, que la loi lui commande, que le demandeur en cassation lui reproche d’avoir effectuée.

Les deux moyens, qui reprochent à la Cour d’appel d’avoir mal appliqué ses pouvoirs d’appréciation des charges suffisantes de culpabilité découlant du troisième cas de figure prévu par l’article 128, paragraphe 1, du Code de procédure pénale, alors qu’elle ne s’est pas prononcée sur de telles charges, mais, conformément au premier cas de figure de cet article, sur l’existence d’indices d’infractions, manquent en fait.

A titre subsidiaire, sous le couvert des griefs invoqués, ils ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation par la chambre du conseil de la Cour d’appel du point de savoir s’il existe des indices suffisants que les faits dénoncés par la plainte avec constitution de partie civile constituent une infraction pénale. Cette appréciation relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, de sorte que les moyens ne sauraient être accueillis.

Sur le troisième moyen de cassation Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 134, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, en ce que la chambre du conseil de la Cour d’appel confirma l’ordonnance de non-lieu rendue en cause en refusant d’ordonner une réouverture de l’instruction et d’ordonner des devoirs supplémentaires, aux motifs que « les éléments fournis en cause ne faisant apparaître aucun élément déterminant justifiant l’institution d’une instruction complémentaire, faute par la partie appelante de relever des éléments dont le contenu permettrait d’accréditer de façon déterminante ses allégations ou qui serait susceptible d’apporter des éléments de preuve pertinents dans le cadre de l’instruction de la présente affaire, sinon qui justifierait l’ouverture d’un complément d’enquête »22, alors que la chambre du conseil de la Cour d’appel par les articles 128, paragraphe 1, et 134, paragraphe 2, du Code de procédure pénale peut, par application de la disposition visée, ordonner si elle l’estime utile un complément d’instruction sans conditionner cette décision par la production de la part de la partie civile « des éléments dont le contenu permettrait d’accréditer de façon déterminante ses allégations ou qui serait susceptible d’apporter des éléments de preuve pertinents »23.

L’article 134, paragraphe 2, du Code de procédure pénale confère à la chambre du conseil de la Cour d’appel saisie d’un appel contre une ordonnance de règlement de l’instruction préparatoire le pouvoir suivant :

22 Arrêt attaqué, page 3, avant-dernier alinéa.

23 Idem et loc.cit.« Elle peut, dans tous les cas, à la demande du procureur général d’Etat, d’une des parties ou même d’office, ordonner tout acte d’information complémentaire qu’elle juge utile ».

La mise en œuvre de ce pouvoir est, ainsi qu’il résulte de la disposition précitée, facultative.

Elle suppose que la chambre du conseil de la Cour d’appel considère que l’acte d’information complémentaire demandé par l’une des parties est utile.

Il résulte des motifs de l’arrêt, cités ci-avant dans le cadre de la discussion du premier et deuxième moyen, que les juges d’appel ont considéré que les actes d’information sollicités en cause n’étaient pas utiles pour établir des indices d’infraction.

Sous le couvert de la violation de la disposition visée le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine par la chambre du conseil de la Cour d’appel du caractère utile au regard des circonstances de l’espèce des actes d’information sollicités, de sorte qu’il ne saurait être accueilli.

Sur le quatrième moyen de cassation Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la chambre du conseil de la Cour d’appel confirma l’ordonnance de non-lieu rendue en cause en refusant d’ordonner une réouverture de l’instruction et d’ordonner des devoirs supplémentaires, aux motifs que « les éléments fournis en cause ne faisant apparaître aucun élément déterminant justifiant l’institution d’une instruction complémentaire, faute par la partie appelante de relever des éléments dont le contenu permettrait d’accréditer de façon déterminante ses allégations ou qui serait susceptible d’apporter des éléments de preuve pertinents dans le cadre de l’instruction de la présente affaire, sinon qui justifierait l’ouverture d’un complément d’enquête »24, alors que la disposition visée garantit au justiciable un droit d’accès concret et effectif devant les tribunaux.

Le demandeur en cassation soutient dans son quatrième moyen que le refus par les juges d’appel de faire usage de la faculté leur réservée par l’article 134, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, d’ordonner des actes d’information complémentaires l’aurait privé de son droit d’accès à un tribunal au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Sous le couvert de la violation de cet article le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine par la chambre du conseil de la Cour d’appel du caractère utile au regard des circonstances de l’espèce des actes d’information sollicités, de sorte qu’il ne saurait être accueilli.

Dans un ordre subsidiaire, en tenant compte du caractère d’ordre public de l’article invoqué, il est à constater que par les motifs cités ci-avant dans le cadre de la discussion du premier et du deuxième moyen, les juges d’appel ont, sans insuffisance de motivation, précisé les raisons de fait qui les ont amenés à conclure que les actes d’information complémentaires sollicités en cause n’étaient pas utiles pour rassembler des indices que les faits dénoncés constituent des 24 Arrêt attaqué, page 3, avant-dernier alinéa.infractions pénales. Ces motifs vous permettent de vous assurer que les juges du fond ont appliqué sans insuffisance leur pouvoir souverain d’appréciation.

L’arrêt attaqué n’étant entaché d’aucun défaut de base légale, il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen, pourtant non tiré d’un tel grief, n’est pas fondé, même à vouloir lui conférer, au regard de la nature de la norme invoquée, une telle portée.

Votre mission étant circonscrite au contrôle du respect du droit, à l’exclusion de celui de l’appréciation des faits, même un moyen tiré de la violation de la Convention de sauvegarde ne saurait donner lieu à un tel contrôle, qui dépasserait donc celui de la violation de la loi et du défaut de base légale.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat Le Procureur général d’Etat adjoint John PETRY 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 34/21
Date de la décision : 25/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2021-02-25;34.21 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award